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Ramener la paix au Nord Kivu

International Crisis Group - 1 novembre 2007

SYNTHÈSE ET RECOMMANDATIONS

La décision prise, le 15 octobre, par le président Joseph Kabila de suspendre les offensives militaires puis d'appeler l'ensemble des groupes armés congolais actifs dans la région à désarmer ou à intégrer l'armée est positive. Toutefois, les combats continuent et il n'y a toujours pas de véritable dialogue avec Nkunda. Une initiative globale doit être lancée de manière urgente afin de désamorcer la crise et de traiter des causes profondes à l'origine du conflit.Le Nord Kivu est, de nouveau, un foyer de crise en République Démocratique du Congo. Depuis que les combats ont repris entre les insurgés de Laurent Nkunda et l'armée nationale en décembre 2006, plus de 370 000 civils ont été déplacés dans la province. Après que les dernières tentatives faites pour intégrer les troupes de Nkunda dans l'armée ont échoué, la crise a encore empiré à partir du mois de mai 2007. Les efforts faits par les Nations Unies pour imposer un cessez-le-feu et nommer un envoyé spécial en charge de la médiation de la crise n'ont pas abouti. La décision prise, le 15 octobre, par le président Joseph Kabila de suspendre les offensives militaires puis d'appeler l'ensemble des groupes armés congolais actifs dans la région à désarmer ou à intégrer l'armée est positive. Toutefois, les combats continuent et il n'y a toujours pas de véritable dialogue avec Nkunda. Une initiative globale doit être lancée de manière urgente afin de désamorcer la crise et de traiter des causes profondes à l'origine du conflit.

Cette nouvelle crise est le résultat des échecs du processus de paix congolais en matière d'intégration de l'armée, de gouvernance économique et de justice transitionnelle. Au cours de la second moitié de la transition - qui s'est achevée officiellement avec l'élection du président Joseph Kabila et celle d'une nouvelle assemblée nationale en 2006 - les tensions avaient diminué grâce à une politique d'endiguement, d'apaisement et la priorité donnée, sur le plan international, à la tenue des élections. Les causes à l'origine de ces tensions n'ont toutefois jamais été traitées. La province est ainsi restée coupée en deux et les territoires de Masisi et Rutshuru comme pris dans une guerre froide entre l'ancien groupe rebelle soutenu par le Rwanda, le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) et l'armée nationale (FARDC). Il y eu également très peu d'avancées en ce qui concerne le désarmement et de la réintégration des milices Mayi Mayi ou le rapatriement des rebelles hutu rwandais (FDLR). L'exploitation illégale des ressources naturelles s'est ainsi poursuivie et toutes les communautés ont continué à s'armer, animées par de profonds ressentiments les unes envers les autres, liés aux problèmes d'insécurité foncière, aux violations massives des droits humains pendant la guerre et aux rivalités pour le contrôle des ressources naturelles.

Les élections nationales et provinciales de 2006 ont conduit à la disparition politique du RCD. Renforcé par son élection, le président Kabila a engagé des discussions discrètes avec Nkunda, avec la facilitation du Rwanda, et conclu un accord portant sur l'intégration progressive des troupes de Nkunda dans les forces armées régulières, un processus connu localement sous le nom de mixage. De façon implicite, il était également convenu que les troupes de Nkunda ne quitteraient pas la province tant que les conditions générales de sécurité ne se seraient pas améliorées de manière significative. Cependant, ni Nkunda ni Kabila n'ont été en mesure de contenir les extrémistes de leurs camps opposés à cet accord.

Par peur d'être assassinés en représailles ou de perdre tout ce qu'ils avaient acquis illégalement pendant la guerre, les leaders Tutsi de Goma ont accusé Nkunda de trahison et ont menacé de lui retiré leur soutien. Les durs du côté de Kabila ont accusé le président d'accorder aux Tutsi un traitement apparemment préférentiel dans le processus d'intégration dans l'armée et ont profité des protestations publiques concernant les violations des droits humains et les déplacements de populations entraînés par les opérations contre les FDLR pour mettre à mal la légitimité de l'accord. Finalement, le mixage s'est effondré en mai 2007 et a conduit à une nouvelle escalade militaire. Jusqu'à présent, la crise n'a pas franchi la frontière et entraîné une implication directe du Rwanda. Tant Kinshasa que Kigali ont manifesté de la retenue et choisi de maintenir leurs consultations régulières. Toutefois, sur le terrain, les combats se poursuivent, la situation humanitaire est catastrophique et aucun des deux camps n'a véritablement de chance de l'emporter militairement. Une escalade militaire risquerait de déstabiliser un peu plus la région.

Afin de compenser la faiblesse de l'armée nationale, le président Kabila a cherché à coopter la MONUC dans les opérations. La MONUC devrait continuer à résister à ces pressions afin de ne pas se retrouver prise entre les feux croisés de Nkunda et des FDLR. La communauté internationale devrait encourager Kabila à suspendre ses offensives militaires et à lancer une initiative globale pour la paix au Nord Kivu, visant dans un premier temps à désamorcer la crise et à améliorer l'environnement sécuritaire général dans la province pour, ensuite, dans un second temps s'attaquer aux questions centrales liées à la restauration de l'autorité de l'État dans la province, telles que la régulation de l'exploitation des ressources naturelles, le retour des réfugiés, et la mise en place d'un processus de justice transitionnelle facilitant la réconciliation intercommunautaire. Une impasse prolongée conduirait inévitablement à de nouvelles vagues de déplacés chez les civils et renforcerait le risque de nettoyage ethnique et de tueries vengeresses des deux côtés.

Au cours des trois dernières années, le règlement du conflit au Kivu a été régulièrement différé au profit des efforts destinés à consolider la transition et à permettre l'élection du président Kabila. Mais le Nord Kivu a été l'épicentre de la violence au Congo depuis le début du conflit, il y a plus de quinze ans. Il est temps désormais de régler ce grand oubli de la transition congolaise et de mettre un terme à une crise qui provoque d'immenses souffrances et, qui, plus généralement, continue de faire peser des risques pour la stabilité du Congo et de ses voisins.

RECOMMANDATIONS

Au Gouvernement de la République Démocratique du Congo :

Désamorcer la crise et renforcer la sécurité

1. Suspendre les offensives militaires contre les troupes de Nkunda, adopter une stratégie d'endiguement et nommer un officier militaire de haut rang à la tête d'une task force (un groupe de travail spécial comprenant des officiers de la Structure Militaire d'Intégration - SMI - du Programme National de Désarmement - PNDDR - et des observateurs militaires de la MONUC) afin de discuter avec des représentants de Nkunda au Masisi et au Rutshuru, sous la supervision de la MONUC.

2. Mettre en place, avec l'aide de la MONUC, des zones sans armes, désarmer les nouvelles milices et les anciens membres des forces locales d'autodéfense (LDF), mener des opérations visant à rassurer les personnes déplacées et à sécuriser les mines et les routes commerciales que les Mayi Mayi et les FDLR utilisent comme sources de revenu.

3. Sanctionner les membres de l'armée nationale (FARDC) et les combattants Mayi Mayi (notamment PARECO) qui collaborent activement avec les FDLR et incident à la haine ethnique contre les communautés tutsi.

4. Réactiver le mécanisme conjoint de vérification avec le Rwanda et mener des patrouilles intensives avec l'aide de la MONUC afin de dissuader toute infiltration d'éléments armés ainsi que l'immigration illégale dans la province.

5. Développer avec le Rwanda et la MONUC un plan afin d'isoler et de capturer les chefs génocidaires présents au sein des FDLR et d'offrir à ceux des FDLR qui n'ont pas été impliqués dans le génocide et souhaitent être démobilisés la possibilité de s'installer au Congo ou de rentrer au Rwanda.

6. Organiser une table ronde avec les communautés locales, les autorités provinciales et les députés nationaux afin d'établir des règles concernant la distribution des postes au sein de l'administration provinciale, de prévoir un processus consensuel de désarmement pour toutes les communautés et d'adopter un code de conduite pour les activités politiques dans la province.

Traiter des causes profondes à l'origine du conflit

7. Créer une commission en charge des questions foncières, composée des autorités provinciales et des représentants de toutes les communautés. Cette commission serait chargée d'examiner les titres de propriété foncière et de recommander des mesures pratiques en vue d'une redistribution et d'une réattribution des grandes propriétés et des ranches dans le Masisi et le Rutshuru. L'objectif devrait être de faciliter la réinstallation et la réinsertion des déplacés et des réfugiés sans terre, d'améliorer les relations intercommunautaires et de prévenir de nouveaux conflits.

8. Négocier et mettre en ?uvre avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) et le Rwanda un accord tripartite visant à permettre le retour des réfugiés Congolais du Rwanda, en veillant notamment à prévoir un mécanisme de vérification de la nationalité des réfugiés et à ce que des cartes d'électeurs soient délivrées aux personnes éligibles avant les futures élections locales.

9. Encourager les autorités provinciales, les communautés concernées et les associations de réfugiés à mener avec le UNHCR des campagnes de sensibilisation afin de réduire les tensions intercommunautaires et permettre une réinstallation dans le calme des déplacés et des réfugiés.

10. Soumettre un projet de loi au parlement, s'appuyant sur l'enquête menée par le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'Homme sur les crimes de masses commis au Congo depuis 1993 portant création d'une Commission Vérité et Réconciliation et prévoyant également la mise en place d'un système de probation afin d'écarter de la police, des forces armées et des services de renseignements les auteurs des violations des droits humains les plus graves.

11. Améliorer les potentialités économiques et le contrôle sur l'exploitation des richesses minières du Nord Kivu en :

(a) Renforçant les services chargés de la collectes des taxes et de la surveillance des mines ;

(b) Veillant à ce que le processus de révision des contrats miniers signés pendant la guerre qui a commencé à Kinshasa prenne en compte les concessions accordées dans la province; et

(c) Engageant des consultations avec la Fédération des Entreprises Congolaises (FEC) du Nord Kivu avant d'étudier les moyens les plus appropriés pour ouvrir et mieux régulier l'économie provinciale.

Au Procureur général de la Cour Pénale Internationale :

12. Ouvrir des enquêtes sur les crimes atroces commis depuis juin 2003 dans les Kivus et poursuivre leurs auteurs.

A la Mission des Nations Unies au Congo (MONUC) :

13. Créer des équipes d'observation mixtes avec l'armée nationale afin de contrôler les mouvements de troupes autour des sites prévus pour le cantonnement des forces de Nkunda. Obtenir l'accord de l'armée nationale, pour qu'en échange d'un soutien en ravitaillement et en logistique, des observateurs militaires soient intégrés au sein des brigades déployées au Nord Kivu afin d'aider des commandants à former et sensibiliser leurs troupes et à prévenir les abus des droits humains.

14. Apporter son soutien à l'armée nationale dans le cadre d'opérations conjointes visant à établir des zones sans armes, à contrôler les principaux axes de communication, à contenir de manière agressive et à désarmer les FDLR dans les territoires de Masisi, Walikale et Rutshuru.

Au principaux pays donateurs, notamment les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l'Afrique du Sud et la Belgique :

15. Apporter un soutien technique et financier à la mise en place de la commission en charge des questions foncières au Nord Kivu et au renforcement de la capacité des services de l'État à collecter les taxes et prévenir la fraude. Financer le programme du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'Homme visant à recenser les crimes de masse commis au Congo depuis 1993.

Nairobi/Bruxelles, 31 octobre 2007


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