L'option politique a été reléguée au second plan. La rencontre d'Addis Abeba a décidé de l'option militaire pour venir à bout des forces négatives. Et au terme de cette rencontre, Washington a plaidé pour «le renforcement rapide » des capacités militaires de la République démocratique du Congo qui mène actuellement une offensive contre les rebelles, les insurgés de Laurent Nkunda. Le processus portant résolution de la crise armée dans la région des Grands Lacs vient d'amorcer un tournant déterminant.
La réunion d'Addis Abeba a livré son secret. Dans un communiqué de presse lu par Madame Condoleezza Rice, Secrétaire d'Etat américaine, « les Etats-Unis et les pays de la région se sont engagés à un renforcement rapide des institutions de sécurité en RDC. Ils ont convenu de renforcer rapidement les forces de sécurité de la République démocratique du Congo qui mènent actuellement une offensive contre les rebelles », entendez, les insurgés de Nkunda.
Lez Etats-Unis ont donc opté, à leur tour, pour une option militaire ; celle qu'a toujours réclamée le Rwanda et l'Ouganda dont les présidents de la République ont pris part à cette réunion, ainsi que leur collègue du Burundi, Pierre Nkurunziza. Le président Kabila n'a pas effectué le déplacement. Il a été représenté par le ministre d'Etat à l'Intérieur, Sécurité et Ordre public, le Général Dénis Kalume.
L'on observe que l'option politique a été reléguée au second plan. Une façon certainement pour les Etats-Unis de relever le défi leur lancé par Nkunda, alors qu'ils venaient de lui demander de choisir entre la reddition et l'exil. Quarante-huit heures après cette injonction américaine, Nkunda a attaqué les positions des FARDC en occupant les villages de Kikuku et de Nyanzale. D'où l'offensive généralisée des FARDC et qui se poursuit jusqu'à ce jour.
A en croire un diplomate occidental présent à Addis Abeba, la raison principale de « renforcer rapidement » les capacités militaires des FARDC s'explique par le fait que l'armée congolaise n'a pas de troupes nécessaires pour mener à la fois des opérations militaires contre les FDLR et les insurgés de Nkunda.
NON AUX BONNES INTENTIONS
De ce qui précède, la question fondamentale est celle de savoir comment ce renforcement rapide des capacités militaires des FARDC va se réaliser ( ?). Secret militaire jusqu'à preuve du contraire.
Cependant, si l'on tient compte de l'insistance du Rwanda, ce pays a toujours réclamé des « opérations militaires conjointes avec la RDC ». Ce qui suppose un retour des soldats rwandais en RDC. Mais à l'état actuel des choses, surtout que parmi les prisonniers faits par les FARDC, on y dénombre des soldats rwandais, cette hypothèse doit être écartée.
Faudra-t-il pousser la Munuc à apporter effectivement son « assistance au feu » ? Dans ce cas, le Conseil de sécurité devrait au préalable requalifier le mandat de la Monuc pour qu'elle s'appuie sans réticence sur le chapitre VII de la Charte de l'Onu. Ce qui prendra du temps.
Devra-t-on recourir à l'envoi d'une force africaine en RDC ? Cette hypothèse a déjà été évoquée mais rien n'a été fait. L'Union européenne qui devrait apporter la logistique nécessaire s'était emmurée et cette force africaine n'a jamais été opérationnelle. En plus, il y a le cas du Darfour. Malgré toutes les options levées, la force hybride à envoyer au Darfour tarde à se constituer. Il faudra également compter avec le temps si cette hypothèse est retenue.
Reste alors les FARDC. Seraient-ce les Etats-Unis qui s'occuperaient de cette question ? Là également, il faudrait l'accord du Congrès. Mais au moment où Bush consomme ses derniers mois, le débat sera houleux au sein du Congrès américain où les avis sont partagés quant à la gestion de cette crise dans la région des Grands Lacs. A moins que Bush use « de son droit de veto » pour prendre une décision unilatérale. Et même dans ce cas d'espèce, il faut lever l'embargo sur les armes qui pèse contre la RDC pour autoriser leur fourniture. Entre-temps, mettre un dispositif en place en vue d'organiser cette expédition de manière à éviter que ces armes ne soient détournées de leur destination initiale.
Une fois de plus, il faut compter avec le facteur temps pendant que les combats continuent rendant les populations désemparées, et la catastrophe humanitaire inévitable.
LE PLAN D'ACTION
La question est celle de savoir si ce « renforcement rapide des capacités militaires » s'inscrit dans le cadre du « Plan d'action » présenté par la République démocratique du Congo, conformément à l'Accord de Nairobi. Officiellement, on n en pas fait allusion dans le communique de presse d'Addis Abeba.
Toutefois, selon le ministère rwandais des Affaires étrangères, le Rwanda soutient le nouveau programme proposé début décembre par Kinshasa pour régler le problème des forces rebelles qui opèrent à partir de la Rdc. A savoir, les Interahamwe. « Les combats qui se poursuivent ne vont pas affecter le déroulement de la révision de ce nouveau programme de désarmement. Nous irons de l'avant pour faire en sorte que les questions cruciales entre nous soient traitées de manière efficace », a déclaré Robert Masoreza, porte-parole du ministère rwandais des Affaires étrangères.
ET L'ABSENCE DU PRESIDENT KABILA ?
Le président de la République a été représenté à cette réunion d'Addis Abeba par le ministre d'Etat à l'Intérieur. Cette absence est commentée en sens divers tant il est vrai que l'on aurait souhaité que le président de la République soit présent dans la capitale éthiopienne afin de défendre de vive voix la position de la RDC face à ses collègues du Rwanda, de l'Ouganda et du Burundi.
Il est un fait que cette rencontre d'Addis Abeba s'est tenue à un moment où la guerre est totale au Nord-Kivu et que l'intégrité territoriale de la RDC est menacée. En plus, ce sommet s'est tenu aussi la veille d'un événement politique important ; le discours sur l'état de la Nation qui coïncide avec le premier anniversaire de l'investiture du chef de l' Etat. Des événements d'une haute portée politique qui ont certainement pesé dans la décision du président de la République.
Mais cette absence n'a-t-elle pas laissé le champs libre à ses collègues du Rwanda, de l'Ouganda, surtout, d'imposer leurs points de vue face à Condoleezza Rice ? N'est-ce pas là aussi un piège tendu par les ennemis de la RDC pour déclencher les hostilités la veille de ce sommet et obliger le président Kabila à ne pas effectuer le déplacement ? Autant d'interrogations qui restent jusqu'à preuve du contraire sans réponses.
Mais toujours est-il que, souvent, la politique de la chaise vide n'a jamais été payante. Reste à savoir comment Washington a interprété cette absence. D'ici là, ce sont les retombées de ce sommet d'Addis Abeba qui sont attendues.