Jeudi, 22/11/2007
Décidément, la plupart des hommes et des femmes qui nous gouvernent ont oublié que, dernièrement, des élections ont été organisées dans ce pays et qu'il est avantageux pour eux et pour la nation d'en tirer toutes les conséquences.
Pis, ils semblent ne pas savoir que, tôt ou tard, l'histoire s'occupe, de la manière que l'on sait, de quiconque s'obstine à emprunter des voies qui lui sont contraires. En voyant vivre les uns et les autres, on a la nette impression qu'ils s'imaginent qu'en allant à ces élections, le peuple congolais voulait s'amuser ou tout simplement, la misère aidant, gruger des politiciens qui, des décennies durant, l'ont copieusement affamé et frustré. Il est possible qu'il y ait eu un peu de tout cela. Mais, à notre avis, et contrairement à ce que d'aucuns peuvent croire, ce peuple avait un message. Le voici : il faut que les dirigeants congolais prennent, une fois pour toutes, conscience que le peuple qu'ils dirigent existe, qu'il a, lui aussi, droit à la vie et qu'il se tient prêt pour le combat de la reconstruction nationale.
Sans aucun doute, dans son entendement, ces trois revendications postulent que le discours laisse désormais toute la place aux actes concrets et durables. La grogne sociale qui a commencé dès le mois de septembre de cette année par la grève des enseignants et qui a fini par s'étendre à d'autres secteurs de l'administration publique en est une éloquente illustration. En guise de réponse, le gouvernement de la République tente d'éteindre les flammes, à défaut d'éteindre le feu. Les Congolais honnêtes et lucides savent que celui-ci ne peut pas faire mieux. En effet, le gouffre dans lequel se trouve le pays et les nombreux et grands défis que l'Etat doit relever sont tels qu'il faut se garder de rêver et surtout de verser dans la démagogie.
Cependant, ce que ces Congolais ne parviennent pas du tout à comprendre, c'est ceci. D'abord, c'est dans le même pays, presque moribond, que des villas poussent chaque jour comme des champignons, que de rutilantes limousines aux fabuleuses dimensions envahissent, matin, midi, soir, la chaussée ou ce qu'il en reste, que les dirigeants installent et s'installent, à l'intérieur comme à l'extérieur des frontières nationales, etc. Vérification faite, la très grande partie de ces acquis provient de la tonte de la bête, c'est à dire de l'Etat, à laquelle s'adonnent, le jour comme la nuit, des camorras multiformes de pirates et de prévaricateurs ayant pignon sur rue dans les allées du pouvoir. Tout cela en toute impunité.
C'est dans le même pays ensuite que rien n'est fait ou pas assez pour que l'incurie et l'insouciance cessent d'être érigées en méthodes de gouvernement. Avec toutes les conséquences que l'on connaît, à savoir l'écrasement absolu du citoyen, la consolidation de la loi de la jungle qui accompagnent ainsi, l'un et l'autre, la République dans son inexorable descente aux enfers. Devant un tel pandémonium, il ne reste plus au citoyen que deux solutions. La première consiste pour lui à accepter stoïquement la mort. La seconde, à la conjurer. L'histoire nous apprend comment les choses se passent dans ce dernier cas.
Mais, en attendant que ce citoyen se décide, posons-nous la question de savoir ce que peut bien gagner le pouvoir à ignorer indéfiniment ce mal infini de ce dernier ou à l'entretenir en tolérant que des grands malins se jouent de lui et des lois de la République à longueur de journée ? Cette question appelle une seconde : au fait, qu'est-ce qui empêche la fin de la recréation d'advenir. Est-ce la force des habitudes ou la douceur même de cette recréation ? Un jour, disent les Bashi (Sud-Kivu) et c'est ici que nous terminons, des amis prirent à partie la petite bergeronnette en lui posant à brûle-pourpoint la question que voici : Dites-nous où vous étiez lorsque votre village a brûlé. Et dame bergeronnette de répondre : Je n'avais jamais cessé de tirer la sonnette d'alarme.