NAIROBI, le 30 septembre (IRIN) - Les autorités congolaises ont lancé un ultimatum aux quelque 400 rebelles ougandais de l'Armée de résistance du seigneur (Lord's Resistance Army - LRA) les invitant à quitter le territoire vendredi au plus tard pour éviter de graves problèmes.
Venus du Soudan en septembre dernier, les combattants de la LRA s'étaient installés dans le parc national de la Garamba, dans l'est de la République démocratique du Congo. Ils font partie des derniers groupes de rebelles étrangers que la RDC souhaitent voir quitter son territoire.
« La logistique est en place, au cas où touts les combattants décidaient de rentrer volontairement dans leur pays », a indiqué mercredi à IRIN Emmanuel Gusu-wo, l'administrateur adjoint du programme de désarmement de la Mission des Nations unies en République démocratique du Congo (RDC). « Nous n'attendons plus que les combattants. »
Le gouvernement a lancé cet ultimatum le 8 septembre.
Certains groupes rebelles étrangers, comme les Forces Démocratiques et Alliées (Allied Democratic Forces - ADF) et l'Armée Nationale pour la Libération de l'Ouganda (National Army for the Liberation of Uganda - NALU) sont présents en RDC depuis des années.
Les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), qui posent le plus de problèmes, représentent le groupe rebelle le plus important. Elles sont implantées dans les provinces du Nord et du Sud Kivu et luttent contre un gouvernement qui, selon elles, est majoritairement tutsi.
L'ampleur du problème des FDLR
Selon la MONUC, les FDLR compteraient entre huit et dix milles hommes, et des sympathisants. Beaucoup de leurs chefs militaires sont accusés d'avoir participé au génocide rwandais de 1994.
« Les FDLR sont la principale cause de l'instabilité dans la région », a déclaré Jim Terrie, spécialiste des questions de sécurité militaire en Afrique auprès d'International Crisis Group. « Kigali se sert des FDLR comme prétexte pour continuer à interférer dans la vie politique du Congo. [Les FDLR] restent une menace pour les civils congolais et rwandais et sont un outil que les partisans de la ligne dure à Kinshasa peuvent utiliser pour saboter le fragile processus de paix du Congo ».
Selon Jim Terrie, la majorité des combattants des FDLR ne quittera probablement pas la RDC volontairement, parce que les gouvernements rwandais et congolais ne leur proposent rien d'intéressant en échange.
Le gouvernement à Kinshasa manque également de moyen militaire. « L'armée congolaise n'a pas la capacité de mener ou même d'envisager une action contre les FDLR », a-t-il annoncé.
En janvier dernier, l'Union africaine (UA) s'était engagée à déployer 7 000 soldats pour aider au désarmement forcé des rebelles, mais en juin, un rapport indiquait que 45 000 soldats seraient nécessaires pour mener cette opération. L'armée doit s'attendre à rencontrer « une certaine résistance », a précisé dans son rapport le président de la Commission de l'UA, M. Alpha Oumar Konaré.
En juin, Said Djinnit, le président du Conseil de paix et de sécurité de l'UA, a annoncé qu'aucun des 53 pays de l'organisation africaine n'avait envoyé des troupes en RDC.
Les Nations unies ne vont pas désarmer les FDRL en recourant à la force, a précisé le lieutenant colonel Thierry Provendier, porte-parole militaire de la MONUC, « sauf si les groupes rebelles étrangers s'en prennent à la population. Dans ce cas seulement, nous interviendrons dans le cadre de notre mandat. »
Des promesses non tenues
Depuis 2002, des milliers de combattants des FDLR sont rentrés volontairement dans leur pays. La MONUC a facilité le rapatriement de 3 199 combattants des FDLR et de 3 697 sympathisants.
En mars, les leaders des FDLR ont déclaré qu'ils mettraient fin aux attaques contre le Rwanda et ont fait part de leur intention de rentrer dans leurs pays. A cet effet, la MONUC a crée trois centres dans la province du Nord Kivu et trois autres dans le Sud Kivu, à proximité des sites de regroupement des combattants prévus pour leur démobilisation.
Mais les résultats ont été décevants, a affirmé Emmanuel Gusu-wo. « Depuis le mois de mars dernier, les centres n'ont accueilli que 60 à 70 combattants des FDLR chaque mois », a-t-il précisé. « Ce n'est pas suffisant ».
En septembre, seuls 81 combattants des FDLR se sont rendus dans les centres suite à l'ultimatum du gouvernement invitant tous les combattants illégaux étrangers à quitter le pays. Pour Jim Terry, le nombre de combattants des FDLR rapatriés semble s'est stabilisé.
« Généralement, seuls les hauts responsables sont partisans de la ligne dure et ils contrôlent les niveaux intermédiaire et inférieur au sein troupes des FDLR », a-t-il ajouté.
Certains combattants ont, sans grand succès, tenté de se démarquer des partisans de la ligne dur. Récemment, Seraphin Bizimungu, un commandant des FDLR, connu également sous le nom de Général Amani, a annoncé qu'il était à la tête d'un groupe désireux de rentrer au pays. Mais il n'avait mobilisé que 50 combattants.
« Nous souhaitons qu'il y ait une défection massive », a déclaré Jim Terry. Et cela ne peut se produire que si, d'un point de vue militaire, la chaîne de commandement du groupe est cassée, a-t-il ajouté.
« Le mouvement des FDLR n'est pas aussi solidaire qu'on veut bien le penser », a-t-il expliqué. « Il faut commencer par éliminer les groupes externes, comme les Rastas, puis s'attaquer au cSur du problème. » Les Rastas sont une aile du mouvement des FDLR et sont accusés d'avoir attaqué des villages dans le Sud Kivu et d'avoir commis de nombreuses atrocités.
Selon Jim Terrie, les autorités rwandaises doivent se montrer plus généreuses et proposer des compensations aux FDLR. Quant au gouvernement de Kinshasa il doit aussi prouver le sérieux de son engagement.
« Nous ne savons pas si les FDLR ont toujours le soutien de certains membres du gouvernement à Kinshasa et des leaders des milices Mayi-Mayi », a déclaré Jim Terry.
Les rebelles hutus rwandais se sont ralliés au gouvernement de Laurent Désiré Kabila pendant les conflits armés des années 1990, lorsque l'armée rwandaise, majoritairement tutsie, a envahi l'est de la RDC.
« Le fait que le gouvernement continue ou non de fournir des armes directement aux FDLR est moins important que l'aide indirecte qu'il apporte au mouvement », a annoncé Jim Terry. « Kinshasa doit envoyer un message clair aux FDLR, indiquant la fin de leur relation. »
Certains observateurs restent très sceptiques quant à l'évolution de la situation, même si les FDLR quittaient la RDC. Selon William Church, le directeur du centre d'études stratégiques des Grands lacs, « si le gouvernement de Kinshasa ne parvient pas à affirmer sa présence et son autorité dans l'est de la RDC, les FDLR vont être remplacées par les Mayi-Mayi, une nouvelle milice ou pire, par des terroristes étrangers.
D'autres combattants étrangers illégaux
Jusqu'à présent, le gouvernement de Kinshasa et la MONUC semblent décidés à procéder au rapatriement forcé des rebelles ougandais. Selon des estimations de la MONUC, les rebelles ougandais et leurs sympathisants sont au nombre de 1 000, a indiqué Emmanuel Gusu-wo.
« Certains viennent aussi du Soudan, mais la plupart d'entre eux sont de l'Ouganda », a-t-il ajouté.
Patrick Garba, l'officier de la MONUC en charge du désarmement, a indiqué à IRIN mercredi que le gouvernement n'autoriserait pas la Commission d'amnistie ougandaise (Ugandan Amnesty Commission) à ouvrir un bureau à Beni dans la région du Grand Nord du Nord Kivu où est implanté l'APC/NALU.
Le 9 septembre, William Swing, le chef de la MONUC accompagnés de hauts responsables du gouvernement se sont rendus à Beni pour demander aux chefs traditionnels de convaincre les FDLR de quitter la RDC, a déclaré Patrick Garba.
« Ils ont également fait savoir qu'une nouvelle brigade de l'armée serait bientôt déployée là-bas », a-t-il ajouté. « Cependant, un des chefs traditionnels a déclaré que dans la région, les gens toléraient davantage la présence des rebelles ougandais que celle de l'armée, qui avait auparavant pillé et volé leurs biens ».
Selon Emmanuel Gusu-wo, 388 combattants ougandais et 239 de leurs sympathisants sont rentrés en Ouganda depuis 2003. La plupart d'entre eux appartenaient à une force rebelle dirigée par Taban Amin, le fils de l'ancien président Idi Amin.
En mars 2004, 3 605 combattants burundais et 3 124 de leurs sympathisants sont rentrés au Burundi, a-t-il déclaré.
Les nomades Mbororo du Tchad et du Sud Soudan sont d'autres groupes armés présents en RDC. Ils se trouvent actuellement dans le parc national de la Garamba avec d'autres membres de la LRA.
« Leur nombre est cependant moins important que celui des combattants de la LRA », a affirmé le lieutenant colonel Provendier.
Lundi, Azarias Ruberwa, le vice-président congolais chargé de la sécurité et de la défense, a annoncé que l'armée envisageait de lancer des opérations pour expulser 400 membres de la LRA, menés par Vincent Otti, l'adjoint du chef de la LRA.
« Nous n'avons pas le choix, nous devons absolument les désarmer », a-t-il affirmé.