On le disait entre les mains du Premier ministre. D'autres ont dit l'avoir perçu au bureau du président de la République pour finalement en perdre toutes les traces. La clé de cette petite énigme, c'est bien évidemment le rapport de la Commission de la revisitation des contrats et conventions minières signées par les entreprises publiques et d'économie mixte. Le silence autour de ce rapport ravive les spéculations. D'où, la question. Où est donc passé le rapport final de la Commission de revisitation ?
Silence radio sur le rapport de la commission de revisitation des contrats et conventions signées par les entreprises publiques et d'économie mixte dans le secteur des mines. Après plus de cinquante ans de retrait de la vie publique, de retour dans les affaires, Antoine Gizenga a voulu marquer son temps en se risquant sur un terrain où s'entrecroisent des intérêts aussi divers qu'opposés. Il s'agit bel et bien du secteur minier.
Bien sûr que le patriarche du Palu a réussi son coup en instituant dès mai 2007 une commission chargée de la revisitation des contrats et conventions minières signées par des entreprises publiques ou d'économie mixte. Mais, le plus dur, c'était d'amener le gouvernement à atteindre son objectif, c'est-à-dire corriger certains contrats ou conventions pour lesquelles les intérêts de l'Etat congolais seraient mis en mal. Et, de la marginalisation des intérêts de l'Etat congolais, la commission l'a attesté au terme de son rapport, transmis selon des sources concordantes en même temps au Premier ministre et au président de la République. Pour la commission, aucun contrat ou convention minière n'a été trouvée viable ; certaines devaient être renégociés et d'autres simplement annulés.
Quand on interroge le ministre des Mines sur la suite à réserver au rapport final de la commission de revisitation, il renvoie la balle au gouvernement. Entre-temps, au niveau du gouvernement, personne ne voudrait se risquer sur ce terrain, jugé sans doute très dangereux et trop compromettant pour celui qui a l'ambition d'aller loin dans l'arène politique congolaise. C'est l'explication, pensent certains observateurs, de tout l'imbroglio qui entoure désormais le rapport final de la commission de revisitation des contrats miniers.
A Paris, lors de la récente réunion du groupe consultatif des bailleurs de fonds de la RDC, la question était évoquée autant par les bailleurs de fonds que des entreprises du secteur minier. Mais, la réponse du ministre des Mines, Martin Kabwelulu, a été superficielle et évasive à la fois. Le ministre des Mines a préféré se réfugier derrière le gouvernement qui, selon lui, avait le dernier mot sur le processus lancé en mai 2007.
Finalement, du rapport final de la commission de revisitation des contrats et conventions minières, l'on n'en saura pas grand-chose. Il reste classé « secret défense ». Pourtant, le gouvernement avait promis par cette commission de rétablir l'Etat congolais là où il se sentirait lésé. Sur ce point, la conclusion de la commission a été sans appel. Le verdict est là, mais l'on hésite à l'appliquer. Pour quelle raison ? L'on en sait rien.
Qui de la Primature ou de la Présidence voudrait ne jamais voir l'Etat congolais être rétabli dans ses droits ? C'est la question que l'on se pose au regard du silence de mort qui a succédé au dépôt aussi bien au gouvernement qu'à la présidence du rapport final de la commission de revisitation.
MINISTERE DES MINES : INCAPACITE OU COMPLICITE ?
Du côté du ministère des Mines, il n'y a plus de raison de se réfugier derrière le gouvernement pour camoufler son incapacité à mener à bon port un processus dans lequel la population entend découvrir la face cachée des négociations parfois « occultes » menées depuis quelques années dans le secteur des mines.
Avec des organisations non gouvernementales internationales, le gouvernement est dans l'obligation de porter sur la place publique les conclusions de la commission qu'il a librement instituées en mai 2007 pour que l'Etat congolais se fasse finalement « respecter » - le terme est du ministre des Mines. Comment alors le gouvernement pense faire « respecter » l'Etat congolais s'il continue à dissimuler les graves révélations - mettant parfois en cause de grandes personnalités du pays - contenues dans le rapport final de la commission ?
Il est donc impératif aujourd'hui que le gouvernement rende public le rapport complet afin de mettre un terme à l'incertitude et à la suspicion qui entachent le secteur minier, et permettre aux acteurs concernés de réagir au grand jour. De plus, les autorités doivent annoncer les suites qu'elles entendent donner aux recommandations de la commission en même temps que les règles qui prévaudront lors de la renégociation prévisible des contrats miniers. Bien mené, l'exercice pourrait inaugurer une nouvelle ère de transparence et d'équité dans les négociations entourant l'affectation des contrats, en cours actuellement ou à venir.
De la dynamique qui s'est dégagée de la réunion des bailleurs de fonds de la RDC à Paris, il est plus qu'indispensable autant pour les pays amis de la RDC que des institutions financières internationales, dont certaines ont, elles-mêmes, documenté l'iniquité et l'irrégularité de certains contrats miniers, d'apporter tout le support nécessaire pour mener à bien le processus enclenché par la commission gouvernementale. Si la commission qui, au bout de compte, a découvert de flagrantes illégalités, et à défaut de volonté ou de capacité du gouvernement congolais d'entreprendre les actions recommandées, il est de la responsabilité des pays d'origine des entreprises fautives - ne serait-ce qu'au nom du droit humanitaire - de réclamer des comptes.
Cela constituera un signe tangible pour la population congolaise, de leur appui à l'instauration de pratiques transparentes de bonne gouvernance et de lutte à la corruption. L'instauration d'une paix durable, la reconstruction du pays et la réduction de la pauvreté dépendent en majeure partie de la réussite de ce processus.
Car, bien mené, le processus de revisitation des contrats miniers a l'avantage de contribuer à la relance de l'économie congolaise, au développement national et de jeter les bases de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption dans la gestion des ressources nationales pour le bien-être de toute la population.
Par Faustin Kuediasala