BRAZZAVILLE, le 16 novembre (IRIN) - Seuls cinq kilomètres séparent les ports de Brazzaville et de Kinshasa, et pourtant ils ont semblé être à des distances infinies pendant les deux semaines de suspension du trafic fluvial entre les deux villes. Au grand soulagement des 856 410 habitants de Brazzaville, les autorités ont permis la reprise du trafic commercial sur le fleuve Congo, le 4 novembre dernier.
Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo (RDC), est le principal fournisseur de produits alimentaires et non alimentaires de Brazzaville, la capitale de la République du Congo, située sur la rive gauche du fleuve Congo. La suspension du trafic, imposée le 18 octobre dernier, a déclenché une flambée des prix et une pénurie dans la capitale de la République du Congo.
Le trafic fluvial entre les deux capitales a été suspendu après que des éléments des ex-forces armées zaïroises (Ex-FAZ) ont occupé le site du Beach, le port fluvial de Brazzaville et réclamé l'autorisation de rentrer en RDC.
Les anciens soldats ont quitté l'Zaïre en mai 1997 pour se rendre en République du Congo voisine après que les miliciens de Laurent-Désiré Kabila soutenus par le Rwanda et l'Ouganda ont renversé le régime du Président Mobutu Sésé Seko. A son arrivée au pouvoir, Laurent-Désiré Kabila avait renommé le Zaïre en République démocratique du Congo.
Les ex-soldats de la garde présidentielle de Mobutu avaient tenté de quitter la République du Congo pour se rendre dans leur pays après avoir passé, « plusieurs années difficiles en exil », selon leur représentant, le Capitaine Ambroise. Cependant, les autorités des deux pays avaient interdit les traversées, car elles n'avaient pas été prévenues de l'intention des soldats.
Les négociations entre les deux pays ont permis le rapatriement d'un premier groupe de soldats le 1er novembre dernier. Une fois le problème des rapatriements résolu, le trafic fluvial a pu reprendre.
LES CONSEQUENCES DE LA FERMETURE DU PORT
L'interdiction de traverser le fleuve a eu des conséquences immédiates sur la vie des habitants de Brazzaville. Le prix de certains produits alimentaires a considérablement augmenté. Par exemple, un sac de 30 kilos de foufou (ou farine de manioc) est passé de 18 000 francs CFA (32 dollars américains) à 32 000 francs CFA (57 dollars américains).
Selon les responsables du Beach, durant la suspension du trafic fluvial, des contrebandiers ont réussi à faire passer des petites quantités de produits alimentaires, en utilisant des petites embarcations motorisées, sans toutefois pouvoir satisfaire la demande.
La République du Congo importe de la RDC de l'huile végétale, de l'huile de palme, du savon, de la margarine, du café, des boissons alcoolisées et non-alcoolisées, du sucre roux, des biscuits, du sel et du poisson salé. Le matériel de construction, comme le ciment, le béton et des armatures en acier, provient également de RDC.
Les activités commerciales qui ont lieu au Beach de Brazzaville ont contribué « énormément au développement économique », a déclaré Joachim Lemba, un agent des transports fluviaux. Par conséquent, la suspension du trafic fluvial entre les deux villes a eu une conséquence négative sur l'emploi, a-t-il ajouté.
« Je vis au jour le jour grâce à mon petit boulot au Beach. Pendant les deux semaines d'interruption du trafic, j'ai eu des difficultés à subvenir aux besoins quotidiens de ma famille », a confié Arsène Elombila, un travailleur indépendant.
« Je gagne en moyenne 12 000 francs CFA (21,41 dollars américains) par jour. Cela me permet de nourrir ma femme et mes deux enfants », a-t-il ajouté.
LE ROLE IMPORTANT DU BEACH
Le Beach déborde toujours d'activités. Les porteurs chargent et déchargent des marchandises. A l'ombre des manguiers qui bordent le port, les cambistes font de bonnes affaires et tirent des profits substantiels car la devise de la République du Congo est forte.
Le transport des marchandises de part et d'autre du fleuve est assuré par des bateaux appartenant aux compagnies de transport des deux pays : la Coordination nationale des transports fluviaux (CNTF) pour la République du Congo et l'Office national des transports (ONATRA) pour la RDC. Le Beach est un poste frontière, où travaillent des agents de l'immigration, des douanes et de la police.
Environ 30 pour cent des importations de la République du Congo proviennent de la RDC. La RDC, quant à elle, importe 5 pour cent de son bois, de ses feuilles de contreplaqués et de ses poteaux électriques en bois de la République du Congo. Selon le service des douanes de la République du Congo, les pertes enregistrées pendant la suspension du trafic s'élèveraient à plus de 100 millions de francs CFA (178 450 dollars américains).
Bien que la République du Congo produise du pétrole brut, elle importe de la RDC du pétrole lampant, du gasoil, et du kérosène pour les avions.
Selon la direction générale du commerce extérieur, les importations de la République du Congo vers la RDC s'élèvent chaque année, depuis 2001, à 30 milliards de francs CFA (53,54 millions de dollars américains). Cette somme représente près du tiers du montant total des importations annuelles du pays. Par conséquent, la reprise du trafic fluvial a été accueillie par l'ensemble du pays avec grand soulagement.