L’Office des douanes et accises en voie d’être placé sous tutelle du Customs and Tax Consultancy (CTC), une société américaine présentée comme experte en matière douanière. Une initiative des ministres des Finances, du Budget et du Portefeuille. La nouvelle a hérissé le cheveu de plus d’un observateur, tant au pays qu’à l’étranger. Dans la quête commune de l’identité et l’envergure du CTC, des zones d’ombre surgissent et qui invitent à la circonspection. S’agirait-il d’une société fictive, créée avec la complicité des officiels congolais ?
C’est encore un pavé dans la mare. La révélation faite autour de la signature d’un contrat d’assistance technique entre la RDC et ‘Customs and Tax Consultancy’ (CTC), visant la maximisation des recettes de l’Ofida, par des mécanismes inédits, est susceptible de se muer en scandale.
Ce qui suscite la controverse, ce n’est pas le fait que le contrat vise la restructuration et la redynamisation des services de mobilisation. Ce n’est pas non plus qu’il prévoie la modernisation et la rentabilité de l’Ofida, cet outil de mobilisation de plus de la moitié des ressources budgétaires internes.
Ce qui pose problème, ce sont les conditions dans lesquelles le marché a été conclu, et aussi les contraintes auxquelles la RDC se soumet aux fins de permettre à CTC de réaliser son programme.
L’affaire est d’importance. Car il n’est un secret pour personne que l’Ofida, à lui seul, ainsi que l’avaient démontré les prévisions budgétaires 2008, devrait rapporter au Trésor public plus de 500 millions de dollars américains. Soit le sixième du budget national.
Compte tenu de la place de l’Ofida dans la mobilisation des recettes internes, la RDC a dû solliciter un moratoire pour la mise œuvre de la Zone de libre échange au sein de la SADC. Motif invoqué : consolider d’abord l’économie nationale, dont la principale source de recettes est d’origine douanière.
UNE FIRME FICTIVE
Quant à l’identité du CTC, qui se voit attribuer la tutelle technique de l’Ofida, les investigations menées par Le Potentiel, avec le concours des Congolais de la diaspora, des observateurs indépendants, indiquent que la firme CTC n’a été créée qu’en date du 25 janvier 2008. Elle ne totaliserait que huit petits mois d’existence.
Son existence, comme société enregistrée à Wilmington, Delaware est totalement ignorée de la Chambre de Commerce de cet Etat américain, reconnu comme un paradis fiscal. Toutefois, il n’est pas exclu qu’une société prétende à l’existence légale sans être formellement enregistrée à la Chambre de commerce.
Autre détail troublant : le service chargé de l’enregistrement des sociétés opérant ou domiciliées dans l’Etat du Delaware, à la Division des Corporations, donne plutôt un contact téléphonique pour atteindre ‘Customs and Tax Consultancy’. Une adresse est également collée pour joindre CTC : 1209 Orange Street, à Wilmington, dans le Delaware.
Il ressort des investigations que cette adresse appartiendrait à une société de représentation dénommée ‘C.T.Corporation’ (CTC). Et non ‘Customs and Tax Consultancy’ (CTC), qui a signé un contrat de cinq ans avec trois membres du gouvernement de la RDC, dans un secteur qui génère les principales ressources budgétaires et financières du pays.
Sans siège administratif connu aux Etats-Unis, d’aucuns se posent la question de savoir par quels mécanismes le gouvernement a-t-il identifié, négocié et conclu un si important marché avec une société qui a tout l’air d’être fictive. D’autre part, une personnalité représentant cette entreprise serait à Kinshasa. Le Potentiel a tenté en vain de le joindre à son numéro de Kinshasa pour un autre son de cloche, cette personnalité n’a daigné décrocher son téléphone.
Mais le cursus de cette personnalité est troublant. Elle n a nullement exercé des fonctions douanières aux Etats-Unis. Mais, s’est retrouvée au sein des groupes encore à vérifier, en Albanie, actuellement Kosovo, en Afghanistan, en Modlavie, exerçant des fonctions qui vous laissent perplexe.
LE GRE A GRE
Quoi que l’on dise, il appert que le contrat conclu au nom du gouvernement congolais par trois ministres et ‘Customs and Tax Consultancy’ n’a pas respecté les règles en matière de passation des marchés. Nulle part, tant dans la presse tant locale qu’internationale, un appel d’offres concernant ce marché n’a été inséré. Encore moins, dans les correspondances entre la RDC et les institutions financières internationales, telles que la Banque mondiale et le Fonds Monétaire International. Aucune proposition allant dans le sens de soutenir l’expertise avérée de ‘Customs and Tax Consultancy’ n’est visible, contrairement à certaines allégations.
Sans appel d’offres, ni publicité autour des négociations et la conclusion du contrat, les trois membres du gouvernement précités sont donc les seules personnes habilitées à expliquer à l’opinion publique les tenants et aboutissants de la fiction nommée ‘Customs and Tax Consultancy’.
Des tonnes de discours sur la bonne gouvernance et la transparence paraissent, au grand jour, comme des épouvantails agités pour s’attirer l’attention des naïfs, quitte à opérer en toute quiétude dans des dossiers nébuleux.
C’est ici qu’apparaît clairement la saignée du Trésor public. Dans le cas d’espèce, la RDC a été obligée de décaisser à la signature la bagatelle somme de 7.500.000 USD comme frais de recrutement et d’installation des 63 ‘experts’ étrangers du CTC.
Sans faire un mélange inutile de genres, les Chinois qui promettent à la RDC des infrastructures contre les minerais ont accepté de verser un pas-de-porte de 250.000.000 USD annuels. Mais, pour des experts appelés à moderniser un secteur qui se défend, malgré toutes les vicissitudes de l’économie nationale, la RDC doit verser, à titre de pas-de-porte, des fonds et exempter les ‘experts’ CTC de tous les impôts.
Sous d’autres cieux, c’est CTC qui aurait versé le pas-de-porte à la RDC. Il devait attendre de démontrer ses capacités managériales à travers un accroissement significatif des recettes, c’est-à-dire au-delà de la courbe ascendante que réalisent depuis 2002 l’Ofida et l’ensemble des régies financières, pour prétendre à une prime.
C’est alors que ces ‘experts’, faisant mieux que l’Ofida pendant 5 ans, devraient se faire rémunérer. Procéder autrement, c’est ouvrir des brèches à des commissions au profit de ceux qui s’étaient empressés de conclure en catimini un contrat dit d’assistance technique. Serait-ce une ruse pour actionner la tristement célèbre ‘opération retour’ ?
SANS EXPERTISE
Dans l’hypothèse où les trois ministres auraient engagé le gouvernement «en vue de conclure un accord d’assistance technique au bénéfice de l’Ofida dans le but de renforcer les capacités de celui-ci sur le plan de l’organisation, de ressources humaines, des textes législatifs et réglementaires ainsi que dans le domaine des opérations douanières sur l’ensemble du territoire congolais», le meilleur secours serait venu des sociétés d’experts ayant réellement pignon sur rue.
Dans l’alternative, une assistance bilatérale entre administrations douanières nationales aurait produit, dans la transparence, de meilleurs résultats loin de suspicions. Car, après seulement huit mois d’existence, il faut se demander de quelle expertise CTC peut se prévaloir.
En son temps, le Zaïre a pu booster son secteur douanier, en recourant à la coopération française, dont les experts étaient mandatés par Paris. Les résultats ont été probants.
Pour le cas sous examen, des analystes ne redoutent pas que les experts CTC soient des vrais douaniers. Cependant, la constitution de leur société, dans la précipitation, suscite le scepticisme.
Dans le pire des cas, la société Customs and Tax Consultancy (CTC) ne serait que le fruit d’esprits très habiles. Son objectif – qui reste à confirmer prochainement – serait, pour ses promoteurs, de s’emparer des ressources faciles, prélevées sur le Trésor public de la RDC. Méfiance !