Le premier procès devant la Cour pénale internationale (CPI) s’ouvre le lundi 26 janvier 2009 à La Haye (Pays-Bas). Il s’agit du procès dans l’affaire Le Procureur c/ Thomas Lubanga Dyilo. M. Lubanga a été arrêté, puis transféré à la CPI après que le gouvernement de la République démocratique du
Congo (RDC) a demandé au Procureur de la Cour d’enquêter sur des crimes commis sur son territoire après le 1er juillet 2002, date d’entrée en vigueur du Statut de Rome, l’instrument fondateur de la CPI.
L’accusé, qui bénéficie de la présomption d’innocence, est
poursuivi pour des crimes de guerre consistant à procéder à l’enrôlement et à la conscription d’enfants âgés de moins de 15 ans dans les rangs des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), et à les faire participer
activement à des hostilités en Ituri, un district de la Province
orientale de la RDC, entre septembre 2002 et août 2003.
Le procès se déroulera devant la Chambre de première instance I, dont les trois juges veilleront à ce que ce procès soit conduit de façon équitable et avec diligence, dans le plein respect des droits de la défense, de l’égalité des armes et du principe du contradictoire, ainsi qu’en tenant dûment compte
de la nécessité d’assurer la protection des victimes et des
témoins. Il est prévu qu’il dure plusieurs mois.
Le procès offrira au Procureur et aux conseils de M. Lubanga, dont les frais sont pris en charge par la Cour, l’occasion d’exposer tout à tour leurs arguments et leurs moyens de preuve.
Durant les audiences, le Bureau du Procureur présentera l’ensemble des moyens de preuve dont il dispose, soumettant à l’examen des juges un grand nombre des 1.671 documents qu’il a compilés en l’affaire, ainsi que des vidéos montrant
M. Lubanga dans des camps d’entraînement en compagnie
de recrues paraissant âgées de moins de 15 ans. Il citera également à comparaître 34 témoins, parmi lesquels d’anciens enfants soldats et trois témoins experts. Les conseils de la Défense auront alors l’opportunité de contre-interroger les témoins de l’Accusation. Il faut noter qu’un grand nombre de ces témoins (19 en tout) font l’objet de mesures procédurales de protection et témoigneront donc dans le respect de leur anonymat (leur image et leurs voix seront déformées).
Dès que l’Accusation aura terminé ses présentations, probablement dans quelques mois, il reviendra à l’équipe de
la Défense, dirigée par Me Catherine Mabille, de présenter les éléments de preuve à décharge en sa possession.
A l’appui de ses thèses, la Défense fera comparaître un nombre à ce jour inconnu de témoins. Ceux-ci seront interrogés par la Défense et contre-interrogés par l’Accusation.
Pour la première fois dans l’histoire du droit international, les victimes auront la possibilité de participer au procès. Les juges ont reconnu à 93 personnes la qualité de victimes ; elles seront représentées par 8 avocats. La publicité des procédures, dont la responsabilité incombe au Greffier de la Cour à côté de ses nombreuses autres fonctions, est cruciale pour garantir l’équité du procès et partant, une justice de qualité, connue et reconnue. A cette fin, des efforts spéciaux seront entrepris par la Cour afin de rendre les procédures accessibles aux communautés affectées par les crimes présumés commis en RDC. Une campagne d’information sera menée en RDC, notamment par le biais des radios et des télévisions, afin d’informer le peuple congolais, en particulier les habitants de l’Ituri, sur le déroulement du procès. En outre, le personnel de la Cour organisera régulièrement des réunions de sensibilisation durant lesquelles des résumés audiovisuels des procédures seront diffusés afin d’encourager la participation du public à un débat interactif. Ces réunions seront l’occasion d’entendre les préoccupations et attentes des communautés locales, d’expliquer le mandat de la Cour et son domaine d’activité, de répondre aux questions et de corriger d’éventuelles informations erronées. La Cour a en outre préparé des outils spécifiquement adaptés aux groupes cibles, tels que les enfants, les enfants soldats démobilisés, les femmes, les leaders religieux et des communautés ethniques, les journalistes et les organisations non gouvernementales.
En ce moment historique, alors que le premier procès s’ouvre devant la Cour, je suis plus que jamais convaincue que toutes les conditions sont réunies pour atteindre un résultat qui contribuera à la restauration de la paix et à la promotion du respect des droits de la personne.
Madame Silvana Arbia,
Greffier de la CPI