L’évaluation des missions de paix des Nations Unies est à l’ordre du jour. Le premier constat est amer : certaines opérations durent longtemps sans progrès significatif, d’autres sont incapables de remplir leur mandat, parfois irréaliste et mal défini. La MONUC est classée dans cette catégorie. Pourquoi ?
12 février 2010, une date à retenir. Ce jour-là, la France, en étroite collaboration avec le Royaume-Uni, consacrera un débat autour des stratégies des missions de maintien de la paix à travers le monde.
En effet, depuis le 1er février, la France assure la présidence tournante, mensuellement, du Conseil de sécurité. Elle saisit cette opportunité « pour faire avancer la réforme lancée l’année dernière sur les opérations de la paix ». La diplomatie française, selon le journal Le Figaro, part d’un constat simple, observé par beaucoup : « l’ ONU ne peut pas se permettre de rester éternellement dans certaines missions de maintien de la paix alors qu’elle est de plus en plus sollicitée à travers le monde. Il faut à la fois rendre les opérations plus efficaces pour en sortir plus rapidement et leur trouver des alternatives une fois la phase critique passée, en impliquant plus d’acteurs dans le processus de paix ».
Pour étayer ces propos, quatre cas ont été cités. Il s’agit des opérations de maintien de la paix qui durent près de cinquante ans, mais sans progrès significatif ; notamment à Chypre, à la frontière de l’Inde et du Pakistan, au Porche-Orient. D’autres misions « sont incapables de remplir leur mandat, parfois irréaliste ou mal défini, comme la MONUC, souvent incapable de protéger les populations civiles au Congo ».
Ce constat négatif est fait à partir de New York. Il intervient après un mandat de dix ans de la MONUC, avec un bilan mitigé. Et encore, juste au moment où la RDC et la MONUC envisagent un « plan de retrait progressif » des Casques bleus.
Mais les questions fondamentales sont celles de savoir pourquoi le Conseil de sécurité confie-t-il des mandats irréalistes et mal définis à des missions de paix ? Comment expliquer qu’une opération de paix soit d’une aussi longue durée, un demi-siècle, et se transforme quasiment en une occupation, comme si la tendance serait de mettre sous-tutelle un Etat bien déterminé ?
LA DICHOTOMIE
Une partie de réponse à ces interrogations est donnée par la diplomatie française : pas de chaîne de commandement militaire à New York, éclatement de responsabilités entre le Conseil de sécurité, le secrétariat du Conseil de sécurité, les pays contributeurs des troupes, les pays qui financent les opérations de maintien de paix. Ces différents centres de responsabilités empêchent une prise de décision véritablement efficace.
Dans le premier cas, on relève que les missions de paix de l’ONU constituent la deuxième force armée à travers le monde après le déploiement des troupes américaines. L’absence d’une chaîne de commandement demeure un véritable handicap, car les misions de paix relèvent du secrétariat général de l’ONU, alors qu’une structure militaire devrait être effective. L’exemple de l’AFRICOM (Commandement militaire américain pour l’Afrique) afin de contrer toute menace contre les Etats-Unis et le peuple américain est une belle illustration.
La République démocratique du Congo a souffert de cette situation. On comprend pourquoi le général espagnol qui devrait prendre la relève du général Babacar Gaye a refusé de travailler dans cette condition. Surtout que les pays contributeurs des troupes disposaient aussi de leur chaîne de commandement militaire. C’est le cas des Pakistanais, des Bengladeshi, des Indiens, des Malaisiens qui forment le gros des troupes onusiennes en RDC et se réfèrent avant tout à leurs hiérarchies militaires quand il faut agir.
Par contre, les Etats-Unis qui financent les 3/4 des opérations militaires de la MONUC ne les contrôlent pas. Mais à tout moment, selon le rapport que pourrait leur transmettre le secrétariat général de l’ONU, décider de maintenir leur aide ou de la suspendre. Cette situation de voir les choses est souvent à la base des réticences des membres permanents du Conseil de sécurité à modifier le mandat des missions de paix.
En ce qui concerne le RDC, il a fallu huit mois pour que l’ONU reconnaisse que ce pays a été effectivement agressé par le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi. Mais en décidant de l’envoi de cette mission de paix, on lui a confié seulement le mandat de « protéger les populations civiles au Congo ». L’on sait de quelle manière elles ont été protégées pendant que le chapitre VII de la Charte des Nations Unies a été l’objet d’une interprétation sélective.
LES ENJEUX
Une chose que l’on ne doit jamais oublier : c’est que l’ONU est ce que les puissances financières qui l’ ont créée veulent qu’ elle soit. Elle réagit selon leur volonté et les objectifs qu’elles veulent atteindre en prenant en compte leurs propres intérêts.
D’où cette autre question de savoir si tous ces conflits armés sont-ils des « guerres idiotes » ? Ou veut-on faire croire que les pays souvent en guerre n’ont pas la culture de la paix. Les misions diplomatiques française et britannique devraient commencer par répondre à cette interrogation pour justement comprendre le comportement dubitatif de quelques membres du Conseil de sécurité devant certaines résolutions qui auraient pu rendre efficaces quelques missions de paix.
S’il faut toujours demeurer dans les couloirs de l’ ONU, le panel des experts des Nations Unies, dans ses différentes enquêtes sur les guerres en RDC, ont abouti à la conclusion qu’ il s’agit « des guerres économiques » aux « enjeux stratégiques et géopolitiques ». Au sein même du Conseil de sécurité, les intérêts sont divergents, raison pour laquelle il est difficile de définir les mandats des missions de paix. Que des forces obscures et des importants groupes financiers ont soutenu ces guerres pour contrôler le commerce des minerais et renforcer les économies de certaines grandes puissances. Ces « groupes identitaires » deviennent « trop forts » qu’ils pèsent sur la « politique internationale » de leur pays.
A qui alors profite les crimes lorsque les missions de paix de l’ONU sont inefficaces parce qu’incapables de remplir leur mandat irréaliste et mal défini ?
Si le 12 février 2010 le débat initié par la diplomatie française ne répond pas à cette interrogation, ce serait une distraction de plus pour mieux se moquer des pays en guerre, comme la Somalie ; et en situation post-conflit, à l’exemple de la République démocratique du Congo. Ce serait une réponse à l’inefficacité de la MONUC. Mais jusqu’à preuve du contraire, cette évaluation des missions de paix pourrait marquer un tournant important sur le plan international. En effet, la nouvelle administration américaine s’est engagée à jeter les bases d’un nouveau partenariat entre les Etats-Unis, le reste de l’Occident et l’Afrique. Ce partenariat portera sur la démocratie, les possibilités économiques, la santé et le règlement pacifique des conflits. « Il est toujours trop facile à des individus sans conscience d’entraîner des communautés entières dans des guerres entre religions et entre tribus. C’est la raison pour laquelle nous devons nous élever contre l’inhumanité parmi nous… », disait le président Barack Obama à Accra. Et de conclure : « avec de puissantes institutions et une ferme volonté, je sais que les Africains peuvent réaliser leurs rêves à Nairobi et à Lagos, à Kigali et à Kinshasa, à Harare et ici même à Accra ».
Ce rappel a toute son importance dès lors que le Conseil de sécurité s’apprête à ouvrir un débat sur l’évaluation des missions de paix à travers le monde. Si les écueils évoqués ci - haut persistent, rien ne s’y fera.
Observation qui concerne également les institutions de la République démocratique du Congo au moment où l’on s’apprête à arrêter un « plan de retrait de la MONUC ». Ce « plan de retrait » doit prendre en compte la mise en œuvre des réformes de l’Armée et de la Police dans cette perspective de disposer des « institutions fortes ». C’est désormais l’objectif que doit poursuivre toute mission de paix de l’ONU.