Suite aux affrontements à Kinshasa, du 22 et le 24 mars 2007, il y a eu plusieurs engins non explosés en ville. Le Centre de Coordination de la lutte anti-mines (MACC) a appelé la population kinoise «à ne pas toucher aux objets trouvés». Harouna Ouedrago Directeur du MACC nous explique les risques et les objectifs de son programme.
ENTRETIEN
Comment évaluez vous la situation concernant les engins non explosés (UXO) à Kinshasa?
Actuellement, les informations dont nous disposons concernent essentiellement le district de la Gombe, au centre de la capitale Kinshasa.
Nous avons trouvé jusqu’au présent, 24 engins non explosés (UXO). Certains sont à l’air libre et d’autres localisés dans des domiciles.
On a déjà détruit sur place trois de ces engins, et dans les prochains jours, nous en ferons de même avec le reste.
Il est évident que compte tenue de la portée des armes utilisées pendant les combats, il ne serait pas exclu que nous retrouvons des UXO dans des quartiers périphériques autres que la Gombe.
Actuellement, nous travaillons essentiellement avec les militaires de la MONUC notamment pour ce qui est de l’évaluation de ces engins non explosés. Nous sommes en train de voir avec eux sur place certains de ces engins, notamment ceux qu’on a trouvés dans les rues et qui ne nécessitent pas de technique spéciale pour leur destruction.
Concernant les engins trouvés dans les habitations, ils nécessitent des techniques spéciales et des équipements spéciaux pour les détruire, et nous allons faire appel à des spécialistes. Nous allons faire appel à une compagnie de déminage et de nettoyage d’engins non explosés qui a été contractée par la MONUC.
Quel est le bilan du MACC à ce jour?
Ce qui me vient immédiatement à l’esprit c’est l’initiation à la lutte au niveau de la RDC. Suite à la Résolution du Conseil de Sécurité de Nations Unies, le MACC a été mis en place et a fait démarrer la lutte contre les mines AP en RDC.
On a mis en place aussi un mécanisme pour coordonner cette lutte et pour donner les orientations que devraient prendre cette lutte en RDC.
Parce que le MACC lui-même n’a pas des opérateurs, nous travaillons avec nos partenaires nationaux et internationaux qui interviennent dans le cadre de la lutte contre les mines AP depuis 2005. Nous sommes arrivés à dépouiller environ trois millions de mètre carré dans différentes zones du territoire.
Nous sommes arrivés à détruire près de trois mile mines AP. Ce sont essentiellement des mines trouvées dans le sol mais aussi des mines récupérées chez les combattants.
Dans le cadre de stocks abandonnés par des factions belligérantes, nous sommes arrivés à détruire plus que mille UXO.
Mais l’une des réalisations qui méritent d’être souligné, c’est l’importance que nous avons accordée à la formation nationale, notamment aux ONG nationales.
Cela nous a permis de doubler pratiquement les chiffres au niveau des personnes qui ont été sensibilisées. Depuis que nous avons mis en place cette formation, il y un an, plus que 180,000 personnes ont été formées.
Quelle est la différence entre les engins non explosés et les mines anti-personnelles (AP)?
Techniquement la différence est très grande. Les engins non explosés sont des munitions qui ont été tirés à partir d’armes comme le mortier, le canon, le lance-roquette mais qui finalement n’ont pas explosés à la percussion.
Les mines AP par contre, ne sont pas tirées à partir d’armes, ce sont des engins qui sont mis en place manuellement et qui sont actionnées par l’homme, quand celui ci marche dessus.
Sur le plan des résultats ou de la destruction que cela peut faire, la différence n’est pas très grande parce que tous ces engins font des dégâts au niveau des individus.
Comment la MONUC contribue t-elle à la réalisation des objectifs du MACC?
Il y a une résolution des Nations Unies qui a demandé l’installation d’un centre de lutte anti-mines en République démocratique du Congo, et ce centre a été installé sous les auspices de la MONUC grâce à sa contribution logistique.
Par delà l’équipement logistique du centre, la MONUC contribue en fournissant un budget qui sert à contracter des compagnies de déminage et de nettoyage des mines sur l’étendue de la République démocratique du Congo.
La MONUC facilite aussi le transport des opérateurs à l’intérieur du pays où il y a besoin de faire un travail de déminage.
Également, la MONUC à travers son programme QIPS (Projet à Impact Rapide), finance des opérations de lutte contre les mines AP et d’aide aux victimes. Par exemple, la MONUC a financé le centre orthopédique de Kalembelembé à Kinshasa qui était près de fermer parce qu’il n’avait plus les moyens.
Quelles sont les zones les plus affectées en RDC?
Quand je parle des zones où le RCD et troupes gouvernementales se sont opposés, je pense notamment au Katanga, au Maniema et aux deux Kivu.
Quand je parle des troupes étrangères qui se sont affrontées, je vois la région de Kisangani dans la province Orientale où il y avait eu des troupes Rwandaises qui se sont affrontés aux troupes Ougandaises.
Lorsque je parle des troupes MLC qui se sont opposés aux troupes du gouvernement, je pense notamment à la province de l’Equateur.
Quels sont les défis auxquels le MACC doit faire face?
Les défis sont énormes. Il y a l’étendue du territoire, il y a l’état des infrastructures du pays. Actuellement, il n’y a pas de routes. Il y a très peu de moyens de transport aérien à un coût relativement acceptable. Tout cela rend l’opération de déminage très compliquée, très complexe et très coûteuse
Un autre défi est comment arriver rapidement à faire en sorte que le nouveau gouvernement congolais puisse prendre en charge la lutte contre les mines AP parce que dans tous les accords internationaux, il est stipulé que le pays affecté est le premier responsable de la lutte contre ces mines.
Mais compte tenu de la situation politique que connaissait la RDC et le fait qu’il y avait un gouvernement de transition qui n’avait pas vraiment tout le pouvoir pour décider, il n’était pas possible de mettre en place des structures qui permettent de faire face à ce problème.
Alors, le MACC devra aider à former une capacité nationale qui puisse prendre la relève. Le MACC devra prendre les dispositions qui vont permettre de transférer ce programme, qui est géré actuellement par elle, à un programme géré par le gouvernement congolais. Je voudrais rappeler que la RDC a ratifie la Convention d’Ottawa en décembre 2002.
Je ne pourrais pas passer sous silence les défis de financement. Comme la RDC n’est pas un pays tant miné comme l’Angola ou le Mozambique, il nous reste encore à convaincre les bailleurs de fonds et les pays donateurs de l’importance du problème. Pour l’instant, nous avons beaucoup de difficultés à trouver le financement nécessaire, d’autant plus que la lutte contre les mines AP coûte excessivement chère.