La Communauté internationale aurait décidé de sortir l'artillerie lourde pour soumettre Kinshasa face à ses positions sur la fin de la mission onusienne et l'organisation des élections. Dans cette logique, des analystes n'excluent pas la main de certaines officines nichées en Occident dans les événements de Mbandaka. Pendant ce temps, réagissant aux accusations du Gouvernement congolais, la mission onusienne promet de publier les résultats de son enquête sur ces événements..
Le refrain politico-diplomatique qui s'entonne sur la RDC, depuis quelques semaines, a un curieux goût du déjà entendu. On croit vivre les moments palpitants de l'après Sun City, du 1+4 et même de l'après référendum-élections. Une certaine bousculade semble s'observer autour de l'enjeu institutionnel depuis que le Gouvernement a pris le double engagement de voir prendre fin la mission onusienne et d'organiser les élections en 2011, partiellement sur financement propre. Le discours politique sur la RDC a pris un ton bien particulier, qui ne s'apparente pas moins à une grosse pression, prenant même des contours de chantage pour amener à une reconsidération de la position du Gouvernement. Le dossier de la révision constitutionnelle, pour laquelle personne n'a jamais soutenu le besoin de toucher aux dispositions de l'article 220, en rajoute à la chaleur politico-diplomatique ambiante.
De l'avalanche des motions au Parlement et autres invectives médiatiques de l'opposition à la prolifération des rapports internationaux - après les droits de l'homme, ils abordent désormais la question supposée de la caducité du principe de séparation des pouvoirs au profit de la seule institution Président - en passant par la situation sécuritaire et politique de l'Equateur, tout indique qu'il se passe bien quelque chose dans les sentiments des uns et des autres, et que la RDC est en train de traverser une passe plutôt délicate. Le front économico-financier, qui charrie l'enjeu de l'atteinte du point d'achèvement de l'initiative PPTE, n'est pas encore impliqué dans la démarche d'ensemble, mais on ne s'en étonnerait pas si l'objectif fatidique de juin 2010 venait à être repoussé.
DES COINCIDENCES TROUBLANTES
Le séjour en RDC du Secrétaire général adjoint de l'ONU chargé des questions de maintien de la paix avait permis de dégager des principes de base quant à la demande congolaise de la fin du mandat de la MONUC. Le dossier a évolué ensuite jusqu'à la production, par la même MONUC, d'un plan prévisionnel de redéploiement, assorti d'un chronogramme tout aussi prévisionnel. Les Congolais attendaient encore l'arrivée imminente d'une mission venant de New York pour poursuivre les discussions lorsque l'on a appris que le Représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU et chef de la MONUC, Alan Doss, a déposé, hier mercredi au Conseil de Sécurité, le 31ème rapport du Secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon, sur la Mission de l'ONU en République démocratique du Congo. A l'occasion, Alan Doss, selon une dépêche de Radio Okapi, a mis en garde contre un retrait " précipité " de la mission, et cela, ‘’au regard des derniers affrontements survenus à Dongo et à Mbandaka’’, dans la province de l'Equateur.
Doss se faisait, en fait, l'écho de la position de Ban Ki-Moon en personne qui avait déjà tenu des propos dans le même sens. Alan Doss a, devant le Conseil de Sécurité, exprimé " la nécessité d'autonomiser les institutions nationales et de les renforcer pour qu'elles soient en mesure d'endosser les responsabilités actuellement assumées par la MONUC ", indique la radio onusienne qui ajoute que " le Représentant spécial a souligné que, tout en respectant pleinement les vues du gouvernement congolais concernant sa souveraineté, la présence de la mission dans l'ensemble du pays, et en particulier sa capacité logistique, ont fortement contribué à améliorer la protection des civils. "
Alan Doss s'est, par ailleurs, dit confiant en l'avenir de la RDC, " malgré les difficultés que ce pays traverse actuellement ", spécifiant, à ce propos que " dès le début, les Nations unies ont été un partenaire et un ami du Congo. Et je suis sûr et certain que cette relation continuera lorsque le pays entrera dans une nouvelle ère de son indépendance. "
L'analyse de cette nouvelle position appelle plusieurs observations qui tendent à faire croire que les événements qui se produisent sur la scène nationale actuellement seraient des maillons d'une chaîne aux objectifs qui ne disent pas encore leur nom. En effet, alors que l'appel à la fin du mandat de la MONUC date d'avant les événements sanglants de l'Equateur, le discours développé mercredi devant le Conseil de sécurité tend à asseoir la thèse de la MONUC sur ces événements nouveaux et ponctuels. Déjà, quatre jours après l'attaque de Mbandaka, c'est la MONUC, par la bouche de Alan Doss, qui appelait à un dialogue entre le Gouvernement et ceux que la mission onusienne préfère appeler, à ce jour encore, les " assaillants ". En ce moment, personne ne sait encore dire qui a agi à Mbandaka, alors que tout le monde identifie les " opérateurs " du titre générique d'Enyele.
Par ailleurs, lorsque Doss parle de " la nécessité d'autonomiser les institutions nationales et de les renforcer " et, au futur, d'une " nouvelle ère de son indépendance ", les observateurs entendent résonner autre chose du genre " la RDC n'est pas encore aguerrie pour voler de ses propres ailes. " Toutefois, si, formellement, le Représentant spécial de Ban Ki-Moon n'a rien dit de tel, du moins directement, les observateurs décèlent, cependant, une troublante similitude de ses propos avec le tout dernier rapport d'International Crisis Group (ICG) qui remet en cause l'affectivité de la démocratie institutionnelle en RDC. Le rapport d'ICG, qui date d'à peine cinq jours, avance, en effet, que le Chef de l'Etat a concentré tous les pouvoirs avec le concours de ses collaborateurs, rendant sans rôle le Gouvernement et les deux chambres du Parlement.
Dans la même encablure de temps, un officier militaire, Conseiller à la cellule des droits de l'homme au sein de la MONUC, a développé, mercredi toujours sur Radio Okapi, une réflexion sur un thème bien particulier : "Comment aider les militaires FARDC à respecter les lois ?" Il est vrai que cette production médiatique faisait suite à la fin de la formation d'officiers des FARDC sur les instruments juridiques internationaux en matière des droits de l'homme et des violences contre la femme.
Et c'est toujours dans cette même période, mercredi 14 avril 2010, que, toujours sur le site Internet de radio Okapi, il est rapporté l'information faisant état de la pétition d'une trentaine d'associations du Sud Kivu appelant à la prolongation du mandat de la MONUC. L'article est illustré, non pas par une photo de l'une ou l'ensemble de ces associations pétitionnaires, mais d'une image montrant des casques bleus en train de protéger des écoliers à Pinga, dans le Grand Kivu… Ces associations estiment également que le départ de la MONUC demandé par le Gouvernement est ‘’précipité’’.
LE GOUVERNEMENT SOUS FORTE PRESSION
Cet ensemble de faits aux troublantes ressemblances conforte donc les observateurs qui estiment que la communauté internationale n'agréerait pas le tolking line du Gouvernement qui tend à se sevrer de l'assistance internationale. La pression ainsi exercée aurait pour but d'infléchir la position du Gouvernement pour obtenir aussi bien la prolongation du mandat de la MONUC que son implication dans l'agenda électoral. Les observateurs estiment qu'une telle pression serait le fait des partenaires occidentaux qui, après avoir " échoué" à mettre au pas la RDC issue des élections sur les investissements, voudraient la soumettre pour avoir une place au soleil dont s'accaparent les Chinois.
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