Elle constitue une grosse gaffe pour la Monusco et les FARDC, occupées à traquer les ADF-Nalu à travers monts, vallées, forêts et plaines du territoire de Beni. Boudées par les autochtones en raison des circonstances troublantes des massacres qui se commettent quotidiennement dans un espace géographique où leur vigilance est censée être au top, elles vont avoir davantage du mal à les convaincre de leur volonté d’éradiquer cette force négative aux multiples facettes. Le dossier du trafic des tenues FARDC risque d’aggraver le fossé qui s’est déjà créé entre les populations locales et ces deux armées chargées de les sécuriser.
Chasse en Ukraine avec uniformes FARDC ?
La question qui vient naturellement à l’esprit est celle de savoir si pour chasser du gibier en Ukraine, il faut que le chasseur soit absolument revêtu d’une tenue des FARDC. S’il est établi que les parties de chasse dans ce pays se déroulent entre porteurs d’uniformes de l’armée régulière congolaise, il y a lieu d’avouer qu’il n’y a pas meilleure façon de se moquer de celle-ci.
L’acte posé par des membres du contingent ukrainien de la Monusco est d’autant gravissime que depuis un mois, des nouvelles en circulation dans le territoire de Beni font état de la présence, dans les rangs des vrais- faux ADF-Nalu, de combattants porteurs d’uniformes des FARDC, dont la sale spécialité est de signer des massacres des populations civiles au quotidien. En l’espace d’un mois, le bilan macabre de leurs tueries a dépassé les deux cents victimes. En leur qualité de membres de la Monusco, les casques bleus ukrainien n’ignorent pas l’enjeu que représentent les tenues des FARDC sur les différentes lignes de front, à Beni comme dans d’autres contrées du Nord-Kivu. L’on peut se demander, dans la foulée, si les casques bleus ukrainiens sont les seuls à se livrer au vilain jeu d’achat des tenues militaires des FARDC pour des mobiles obscurs.
Par ces temps où la RDC est à la recherche des traitres internes et externes qui ont relancé le cycle de l’insécurité au Nord-Kivu en général et à travers le territoire de Beni en particulier, l’incident de l’aéroport de Goma peut apporter pas mal de réponses aux questions jusque-là pendantes au sujet des auteurs et commanditaires des actes de criminalité qui touchent cette partie du pays.
S’agissant du soldat de la Garde Républicaine qui a présenté l’offre des tenues militaires aux Casques bleus ukrainiens, il relance lui aussi les suspicions en direction des compatriotes sous le drapeau qui font le jeu des ennemis de la paix au Nord-Kivu. Que peut-on attendre d’un trafiquant de tenues militaires et, pourquoi pas d’armes, de munitions et plans de guerre dans un site aussi sensible que l’aéroport de Goma ? Comment a-t-il pu croire que sa « marchandise » était destinée à la chasse au gibier en Ukraine ? Cet élément de la GR n’a-t-il jamais entendu parler des rebelles ougandais ou ceux prétendus tels qui sont en train de semer la mort et la désolation à travers le territoire de Beni, en se faisant passer pour des militaires des FARDC ?
No Kunda… non job !
Les critiques ont souvent été virulentes à l’endroit de la Monusco au sujet de sa mission de stabilisation de la RDC, laquelle consiste notamment à protéger les civils et à apporter aux FARDC un appui logistique conséquent dans les opérations de traque des forces négatives, nationales comme étrangères. Pour d’aucuns, les forces onusiennes seraient un véritable tonneau de Danaïdes, où les Nations Unies engloutissent chaque année plus d’un milliard de dollars américains, sans parvenir à ramener une paix durable en territoire congolais. Pour d’autres, la Monusco est incontournable pour la stabilité et la sécurité en RDC, malgré ses faiblesses. Sans elle, les mouvements rebelles sortis du néant en 1998 n’auraient jamais déposé les armes et accepté de participer au Dialogue intercongolais, soubassement de la réunification administrative et territoriale, de la gestion consensuelle des institutions républicaines pendant une
transition de 3 ans, du retour du pays aux élections.
Il s’est fait malheureusement que vers fin 2006, après l’élection de Joseph Kabila à la magistrature suprême, au moment où l’on pensait que le ventre mou du pays, entendez les deux Kivu, allait enfin se stabiliser, le général Laurent Nkunda s’est signalé avec une nouvelle rébellion, sous la bannière du CNDP (Conseil National pour la Défense du Peuple). Confiné dans le territoire de Rutshuru, à la frontière congolo-rwandaise, avec moins de 2.000 hommes et une puissance de feu limitée, il s’est mis à défier FARDC et Monusco de 2006 à 2009, suscitant le doute chez de nombreux compatriotes et étrangers.
Ceux qui soupçonnaient les Casques bleus des Nations Unies de raffoler des prolongations de leurs mandats ont vite imaginé une expression qui a rapidement fait le tour de la planète : « No Kunda…no job ». Pour cette catégorie de personnes, l’insécurité à l’Est est devenue un véritable business, dans lequel se retrouvent casques bleus et fonctionnaires onusiens, groupes armés congolais et étrangers, officiels congolais, rwandais et ougandais, multinationales, trafiquants d’armes et de minerais, etc. Bref, éliminer le général Nkunda et son CNDP, c’est consacrer la fin des haricots pour les différents profiteurs d’une situation sécuritaire volatile.
Comment réparer les pots cassés ?
La gaffe de Goma est là, avec la double signature des casques bleus ukrainiens de la Monusco et d’un élément de la Garde Républicaine (FARDC). Comment réparer les pots cassés ? Certains observateurs pensent que ce qui s’est passé à l’aéroport de Goma devrait pousser les deux armées à appuyer sur l’accélérateur en vue de neutraliser, sans délai, toutes les forces négatives internes et externes qui empêchent les populations civiles de l’Est de vivre en paix. L’unique challenge à jouer pour l’une et l’autre est d’éloigner à jamais, dans un bref délai, le spectre hideux de l’insécurité du Nord comme du Sud-Kivu. Tant que les ADF-Nalu, FDLR, M23 et autres forces négatives ne vont pas disparaître du lexique congolais, les autochtones de l’Est vont continuer à croire que les opérations de ratissage de ces bandes de terroristes restent des effets.
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