Août 1992. L’histoire nous rappelle l’épuration ethnique du Katanga, ex-Shaba, avec la campagne de tueries et d’expulsion massive des non originaires de la province. Des centaines de milliers de Kasaïens sont refoulés vers Mbuji-Mayi et Kananga dans des conditions infrahumaines. Dix-neuf ans après, on n’est pas très loin de revivre un tel carnage…
Les nouvelles qui nous parviennent du Katanga n’ont rien de reluisant, bien au contraire. De plus en plus, le décor est en train d’être planté pour un remake, toujours en grandeur nature, de ce qui s’y était produit en août 1992. La main qui aspire à mettre tout le Katanga sens dessus dessous s’appelle Gabriel Kyungu wa Kumwanza.
LES PIEDS DANS LES PLATS
Soubresauts de la pré-campagne pour les élections de 2011. L’actuel président de l’Assemblée provinciale du Katanga a mis les pieds dans les plats avec un discours incendiaire. Il a entrepris une croisade d’une violence verbale inouïe contre les non ressortissants du Katanga, plus particulièrement les Kasaïens. Selon lui, les « Ba Kasaï » doivent quitter la province cuprifère avant les élections couplées, présidentielle et législatives, prévues le 28 novembre prochain.
Dans son discours, transparaît la haine tribale. Un langage xénophobe et un prêche de violence sont, en effet, les expressions qui caractérisent la harangue du président de l’Assemblée provinciale du Katanga. Ce discours, il l’a tenu dans divers meetings à travers la province. Mardi 24 mai dernier, il s’est retrouvé à Kamina à cet effet. Mercredi 25 mai, le voilà à Mudiayi, dans le secteur de Kabongo. Jeudi 26 mai, M. Kyungu a déversé son « venin » à Manono et à Malemba. Partout, il a instruit ses « militants » à se tenir, selon lui, prêts « pour l’assaut final ». Les Kasaïens doivent aller s’enrôler au Kasaï, a-t-il lancé. Ce discours d’exclusion n’a toléré, sur le sol katangais, que le PPRD (Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie), parti du chef de l’Etat, et l’UNAFEC (Union nationale des fédéralistes du Congo), son propre parti.
Place donc à l’intolérance politique, à l’incitation à la violence et à la haine tribale. Et quand on sait que Kyungu wa Kumwanza n’est pas à son premier coup, il y a fort à craindre que les choses empirent et que la vie devienne intenable dans la province du Katanga, surtout pour les non-originaires et ceux qui ne prêchent pas pour la même chapelle que l’ancien dirigeant de l’UFERI.
La menace brandie par le président de l’Assemblée provinciale du Katanga est à prendre au sérieux même s’il y a des gens qui le caressent dans le sens du poil. Dans tous les cas, dans certains milieux, des voix se sont vite élevées pour s’insurger contre les agissements de l’actuel président de l’Assemblée provinciale du Katanga. Dans une déclaration ferme, Paul Nsapu Mukulu, secrétaire général de la Fédération nationale des droits de l’homme (FIDH) en charge du continent africain, a dénoncé « cette dérive totalitaire » de Kyungu wa Kumwanza.
L’activiste des droits humains a rappelé l’événement sanglant de 1992 durant lequel le même Kyungu a expulsé du Katanga des milliers de Kasaïens.
UN CRIME IMPUNI
Rappelons qu’en août 1992, Etienne Tshisekedi est élu Premier ministre par la Conférence nationale souveraine. La nouvelle fut mal accueillie au Katanga par les partisans du chef du gouvernement sortant Jean Nguz Karl-i-Bond. Gouverneur de cette province, Gabriel Kyungu wa Kumwanza, allié de Nguz, organisa des opérations punitives à l’encontre des Kasaïens résidant depuis des générations dans l’ex-Shaba.
Il leur est reproché d’avoir célébré trop bruyamment l’élection de « leur frère » Tshisekedi à la Primature. C’est le 15 août de cette année 1992 que cette campagne de tueries et d’expulsion massive des non originaires de la province du Katanga a commencé dans la ville de Lubumbashi par la milice de la Jeunesse du parti UFERI (Union des fédéralistes et des républicains indépendants) au cri de « Bilulu dehors ». Des centaines de milliers de Kasaïens ont été refoulés vers Mbuji-Mayi et Kananga, dans des conditions infrahumaines. Ces personnes, contraintes à se déplacer, laissant derrière elles travail et biens accumulés au prix de mille efforts. Un nombre indéterminé de victimes s’élevant à plus de 7 ou 8 mille Kasaïens ont péri à la suite de cette incitation à la haine tribale.
Ce crime est demeuré impuni. Dix-neuf ans après, Kyungu veut récidiver l’épuration ethnique, a affirmé M. Nsapu, défenseur des droits de l’Homme. Cela présage déjà, a-t-il prévenu, des violations massives et graves des droits de l’Homme ; mieux « des crimes répréhensibles par tous les instruments de défense des droits de l’Homme, notamment la Cour pénale internationale (CPI) qui, à travers ses statuts, condamne ce genre d’agissements…».
C’est dans cette perspective, a annoncé le défenseur des droits de l’Homme, que le Bureau international de la FIDH compte, en effet, se réunir le 24 juin prochain à son siège à Paris, pour examiner, entre autres, ce cas. Et il ne manquera pas de saisir le Conseil de sécurité de l’ONU et la CPI pour poursuivre celui qu’il considère comme un « récidiviste ».
A voir de près l’évolution de la situation, une chose est certaine : le pays n’a pas besoin de vivre un remake du genre d’août 1992. « On doit rapidement arrêter les appels à la violence, l’incitation à la haine tribale comme c’est le cas ces derniers temps et laisser ainsi la place à la tolérance, à la concorde et à la paix des esprits et des cœurs», affirme un membre de la Société civile congolaise.