Le Président Joseph Kabila a conclu, ce mercredi 17 octobre 2007, sa visite au Nord Kivu, entamée dimanche dernier par une conférence de presse qui a rassemblé, à Goma, une trentaine de représentants des medias congolais et internationaux. Au cours de cette dernière, le Président Kabila, qui s’est exprimé en français, en anglais et en Swahili, a tout d’abord fait le point sur les aspects militaires de la situation dans la province.
A ce sujet, il a rappelé que lors de sa dernière visite, fin septembre un ultimatum de trois semaines avait été donné à Laurent Nkunda et à ses troupes ainsi qu’aux autres combattants non encore intégrés dans l’armée unifiée pour se rendre et rejoindre le processus de brassage ou la démobilisation.
«Au terme de cet ultimatum», a-t-il dit, «il est temps de faire le point : le constat est plutôt encourageant, puisque plus de 1000 éléments ont rejoint le processus en vue d’intégrer l’armée ou d’être démobilisés et ont été évacués à cette fin dans des centres appropries dans d’autres parties du territoire. Les FARDC, quant à eux, déterminés à restaurer l’autorité de l’Etat, ont enregistré des succès sur le terrain ces trois dernières semaines, et récupéré plusieurs localités occupées par les troupes de Laurent Nkunda». «L’évolution est donc positive, et nous ne sommes pas des va t’en guerre. Pour construire la paix, il faut laisser du temps au temps», a dit le Président. «C’est pourquoi nous avons décidé d’étendre la période allouée aux combattants pour rejoindre le processus, et ce, jusqu'à la fin du mois. Nous ré évaluerons la situation à ce moment. Ceci dit, le feu vert a été donné à la 8e Région militaire de commencer à se préparer pour un possible désarmement forcé des dissidents et de Laurent Nkunda». A noter que Joseph Kabila s’est refusé de donner une date pour cette opération si elle devait avoir lieu.
S’agissant de Laurent Nkunda, et de son statut, le Président Kabila a déclaré: «Laurent Nkunda est un criminel et vous le savez tous ». Ce dernier, a t’il rappelé, est sous le coup d’un mandat d’arrêt des autorités congolaises et devra répondre de ses crimes devant la justice. Répondant à la question d’un journaliste qui souhaitait savoir si les autorités congolaises avaient ou comptaient transférer son dossier à la Cour Pénale internationale, le Président de la RDC a expliqué que s’il était vrai que le Congo avait transféré plusieurs dossiers à la Cour, jusqu’à présent, en particulier s’agissant de cas de criminels actifs en Ituri, tous les dossiers ne devaient nécessairement être transférés à la Cour Pénale internationale pour que justice soit rendue.
«Le Congo dispose d’institutions, de tribunaux, et la Justice congolaise pourrait très bien juger Laurent Nkunda elle-même», a-t-il dit. «J’ai beaucoup de mal à comprendre comment un criminel pourrait être considéré comme défenseur d’une communauté » a poursuivi le Président. «Hier, J’ai reçu la communauté Tutsi, et lui ai donné toutes les assurances que le Gouvernement congolais et son armée étaient fermement engagés à protéger leur communauté, comme toutes les communautés du Congo. C’est à l’armée nationale unifiée et personne d’autre qu’il appartient de protéger les Congolais, toutes communautés confondues et le territoire national. C’est pourquoi j’insiste pour que tous les éléments armes qui n’ont pas encore rejoint le processus de brassage le fassent sans délai».
«Les enfants du Nord Kivu qui sont dans les rangs de Laurent Nkunda doivent se désolidariser de ce dernier. La population doit appuyer les efforts du Gouvernement et sensibiliser les combattants à rejoindre le processus. Le Gouvernement et moi, à nous seuls, n’avons pas toutes les clés de la résolution de la crise actuelle. Ceux qui ont des frères des sœurs, des proches dans les rangs des dissidents, doivent les sensibiliser, et nous aider à faire avancer la paix».
«J’aimerais voir les éléments de Laurent Nkunda intégrés dans l’armée nationale, et déployés en Ituri, à Gbadolite ou dans d’autres parties du territoire». «Le Congo dispose d’une Constitution et en vertu de cette dernière», a rappelé le Président, «personne sous peine de haute trahison dans ce pays ne peut s’arroger le droit de créer sa propre milice». Ce que Laurent Nkunda fait est en contravention flagrante avec la Constitution de ce pays. Evoquant le cas des milices Mai Mai actives au Nord Kivu, le Président Kabila a insisté sur le fait que la solution pour ces derniers était la même que celle pour les hommes de Laurent Nkunda : Les Mai Mai doivent se rendre, rejoindre le processus, et choisir entre l’intégration dans l’armée et la démobilisation.
Au cours de sa conférence de presse, Joseph Kabila a également longuement évoqué la problématique des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). A ce sujet, il a démenti les accusations selon lesquelles le Gouvernement congolais n’attacherait pas d’importance à la question de la présence de ces forces sur le territoire congolais : «Depuis 2001, nous ne sommes pas restés les bras croisés. Plus de 30000 combattants et leurs dépendants ont été désarmés et rapatriés. Il reste environ 6000 combattants sur le territoire congolais. Ils doivent tous désarmer et rentrer chez eux. Il est faux de dire que les opérations actuelles contre les dissidents nous empêchent de combattre les FDLR et que nous ne menons pas d’opérations militaires contre eux. Nous en avons menées et continuons à en mener au Sud Kivu, et également au Nord Kivu, dans le nord du territoire de Rutshuru». «Par ailleurs, a poursuivi le Président Kabila, nous avons présenté un nouveau plan d’action visant a apporter que solution définitive à ce problème au Rwanda et à la MONUC. Nous attendons leurs commentaires. Dès que ce plan d’action sera adopté, nous passerons à sa phase d’exécution».
Abordant la question de l’état des relations du Gouvernement congolais avec ses voisins
Joseph Kabila a évoqué l’évolution positive de ces dernières, en particulier dans le cadre du mécanisme de la Tripartite +. La question des FDLR tant que celle de Nkunda ne nécessitent pas seulement l’implication du Congo mais aussi celle des pays de la région, a t’il insisté. Ces questions sont inscrites a l’ordre du jour des réunions de la Tripartite, a-t-il rappelé, soulignant que lors de leur dernière réunion à Kampala, les pays voisins s’étaient notamment engagés à soutenir le Gouvernement congolais dans le processus d’intégration de l’armée et dans les efforts visant a pousser Laurent Nkunda d’envoyer ses troupes au brassage.
S’exprimant par ailleurs sur les rumeurs selon lesquelles la MONUC soutiendrait Laurent Nkunda et les dissidents, et les pressions soi disant exercées sur le Gouvernement Congolais pour empêcher ce dernier d’en «finir» avec les problèmes de fond d’insécurité au Nord Kivu, Joseph Kabila a rappelé combien la rumeur était un phénomène important dans la région.
«La collaboration avec la MONUC est très bonne», a-t-il dit. «Certes, dans le monde diplomatique, a dit le président, on n’a pas l’habitude de dire publiquement quand les choses ne vont pas. Mais je vous assure que la collaboration actuelle entre le Gouvernement congolais et la MONUC est bonne, et je ne pense pas que la MONUC soutienne Laurent Nkunda et les dissidents. Certes, il peut y avoir des petites contradictions ou malentendus, et il est important que la collaboration sur le terrain soit étroite, mais la coopération est bonne».
Le Président a également tenu a préciser que William Swing et les Ambassadeurs membres du Conseil de Sécurité qu’il avait rencontrés hier, n’étaient pas venus à Goma pour faire pression sur lui, mais bien à sa demande, parce qu’il était en déplacement au Nord Kivu, pour tenir une réunion qui était initialement prévue entre eux à Kinshasa.
«La population doit nous faire confiance», a encore dit le Président, «et notre position sur la situation de Laurent Nkunda et de la situation au Nord Kivu est tout à fait claire. Je n’ai pas connaissance d’une quelconque position de la communauté internationale qui serait tout à fait opposée à la nôtre. Nous sommes déterminés à trouver une solution durable à la crise. Et pour ce faire, il faut traiter les causes profondes de cette dernière. Lorsque je suis ici, je ne parle que de la paix, et ce, avec toutes les communautés. Mais je ne peux amener la paix au Nord Kivu tout seul. La paix est l’affaire de tous, de tous les enfants du Nord Kivu, aussi, et ceux-ci doivent ils s’impliquer à nos côtés pour la construire».