La pacification de l’Ituri est en bonne voie. Après le désarmement et la démobilisation des ex-combattants, aujourd’hui le processus entre dans sa dernière phase qui est celle de la réinsertion des ex-combattants. Gustavo Gonzalez, coordonnateur de l’opération pour le PNUD, fait l’évaluation et le bilan des activités.
ENTRETIEN
Quel est le bilan du DDR phase III?
Comme vous le savez, le gouvernement vient de terminer le désarmement et la démobilisation dans le cadre la phase III du DDR en Ituri. Il y a eut une première phase (Septembre 2004-Juillet 2005) exécutée par le PNUD et la MONUC, une deuxième phase sous la responsabilité de l’ancienne CONADER (2006) et cette troisième phase qui a été conduite par le Ministère de la Défense. Le résultat de la Phase III est de 1.865 combattants qui sont passés par les 10 points de désarmement gérés par les FARDC et la MONUC et que se sont rendus dans les deux sites de transit du PNUD. De ce total, il y a 1.795 qui ont été effectivement démobilisés. Il n’y a pas eu des candidats pour intégrer l’armée, à l’exception de seize officiers qui sont arrivés récemment à Kinshasa pour suivre une formation militaire.
On ne peut pas faire encore une évaluation globale du processus car on n’a pas terminé la phase de réintégration. On sera en mesure de le faire d’ici quelques mois quand les ex-combattants auront été réintégrés dans leurs communautés et que toute la population de l’Ituri pourra dormir en paix en sachant qu’elle ne sera pas pillée ou volés à tout moment.
Tout de même, on peut dire déjà que c’est la première opération de désarmement et démobilisation crédible en RDC. Le processus a été transparent dans l’application de procédures et performant dans ses résultats sur le terrain. Le critère «un homme-une arme» a été rigoureusement respecté, il y a eu 1.625 armes individuelles récupérés plus 240 armes collectives.
Nous avons aussi appliqué, avec le Ministère de la Défense et la MONUC, des nouvelles techniques de désarmement, notamment l’utilisation des hologrammes pour détecter la falsification des certificats de désarmement et nous avons introduit un nouveau statut celui du «contrôleur du désarmement», qui sont des Observateurs militaires de la MONUC qui ont été places dans les 10 centres de désarmement. En plus, grâce á l’appui du BCPR (Bureau de Prévention des Crises et Relèvement du PNUD), c’est la première fois en RDC qu’on met en place une banque des données exhaustive pour faire l’enregistrement des armes et voir aussi son origine.
Comment se passe le processus de réinsertion?
Nous entrons maintenant dans la phase de la réinsertion qui est la plus complexe et la plus délicate du point de vue opérationnelle. Pour cela, le gouvernement, avec l’appui du PNUD, d’un réseau de 15 ONGs nationales, de l’UNICEF, et sous la base des leçons tirées du Programme national, est en train de développer une nouvelle approche de réinsertion. Elle consiste, d’abord, à substituer le système de paiement de subsides des démobilisés - qui a crée des sérieux problèmes sécuritaires dans le pays - á travers le «Service de Reconstruction Communautaire». Le SRC sont des brigades de reconstruction composées par des démobilisés et membres de la population civile qui ont comme objectif la reconstruction des communautés sérieusement affectées par la guerre.
Ceci a prouvé être un outil formidable de réintégration et de réconciliation. Ce service a une durée de trois mois, c'est-à-dire, durant trois mois les démobilisés travaillent ensemble avec d’autres membres de la communauté, et à la fin de ce processus, ils reçoivent un appui à la réintégration durable qui consiste à la formation professionnelle dans un métier choisi, à la fourniture des outils de travail et l’octroi d’un financement pour démarrer un micro projet à base communautaire.
Autre aspect important de cette nouvelle approche, c’est la révision du coût per capita de la réinsertion. Comme vous le savez, le coût per capita dans le cadre du programme national DDR est un des plus bas, non seulement de l’Afrique, mais du monde (400$). Ce qui rend difficile, voir impossible, une réinsertion bien réussite.
Le Gouvernement, le PNUD et ses partenaires ont amélioré ce coût per capita dans le cas de l’Ituri. Ainsi, on a optimisé les investissements en matière de réintégration en accord avec les besoins réels du terrain et on a amélioré la qualité de la formation, des outils productifs, ainsi que l’encadrement et l’accompagnement du démobilisé.
Finalement, le programme de réinsertion du DDR Phase III inclut l’amélioration des services et des infrastructures dans les communautés où il y a une forte concentration des démobilisés.
Il y a encore des combattants qui ne sont pas démobilisés, qu’est ce qui va se passer avec eux?
C’est très important de voir tout le processus en perspective. Il y a eu trois phases en Ituri. La première a permis de démobiliser 15.941 combattants, la deuxième 6.728 combattants et cette dernière phase, qui a ciblé les groupes les plus récalcitrants, a permis de démobiliser 1.795. Nous avons seulement en Ituri 24.462 combattants démobilisés, ce qui représente environ 25% du total des démobilisés du pays.
Grâce à l’utilisation du système d’enregistrement biométrique, nous savons avec certitude qu’aucune de ces personnes n’a été démobilisée deux fois. Ceci démontre la nature du conflit dans cette zone, dont le recrutement des enfants et des jeunes désœuvrés, ainsi que la circulation des armes légères constituent un fléau difficile à combattre. Il semble qu’avec la dissolution du FNI, FRPI et MRC nous sommes maintenant plus proches d’un Ituri libre des milices.
Il faut rappeler que le concept de combattants en Ituri est très relatif et ambigu. Vous avez des combattants qu’on pourrait appeler «à temps partiel», c'est-à-dire, des gens qui sont des paysans durant la journée, alors que pendant la nuit, ils font des activités proches de la criminalité.
Nous croyons qu’avec la reddition des derniers chefs de guerre, le problème des combattants est aujourd’hui résolu en Ituri. Cependant, sans des mesures concrètes pour combattre la pauvreté, sans offrir des moyens alternatifs à l’utilisation des armes, et sans restaurer l’autorité de l’Etat, on risque de reproduire le cercle vicieux des conflits.
C’est important de voir quelles sont les causes du conflit en Ituri. D’une part, vous avez la pauvreté, avec plus de 170.000 déplacés internes et environ 700.000 retournés à la recherche d’emploi, d’autre part les tension inter communautaires, car en Ituri vous avez une longue histoire de problèmes foncières, qui se sont exprimés comme des tensions inter-ethniques, et troisièmement des enjeux transfrontaliers.
L’Ituri est situé dans une zone à haute instabilité géopolitique, avec des frontières avec des pays dont leurs groupes rebelles utilisent l’Ituri comme base arrière et d’autres pays qui ne sont pas frontaliers avec l’Ituri mais qui exercent une gravitation géopolitique très importante sur la sous-région. Alors, il ne faut pas être naïf. Ce n’est pas seulement avec le DDR qu’on peut résoudre le problème des milices en Ituri, de la circulation illégale des armes légères ou l’exploitation illégale de ressources naturelles. Le DDR n’est qu’un chapitre d’un processus global de résolution d’un conflit, dont la lutte contre la pauvreté, la justice et la reforme du secteur sécuritaire sont aussi également importantes.
Quel a été le rôle du PNUD et le rôle du gouvernement dans ce processus de DDR?
La contribution du PNUD remonte à 2003 avec la «Conférence pour la pacification de l’Ituri», qui a été le premier mécanisme de résolution des conflits dans le district. A partir de cette période, le PNUD a investi 12 millions de dollars dans des activités de reconstruction communautaire avec le concours de 11 bailleurs des fonds. Tout cet appui a été fait en partenariat direct avec le gouvernement, d’abord avec l’administration intérimaire, après avec les autorités de la transition et maintenant avec les autorités démocratiquement élues.
Aujourd’hui en Ituri, avec la présence des FARDC, de la Structure Militaire d’Intégration et des autorités locales en place, l’autorité de l’Etat commence à être renforcée, ce qui n’était pas le cas en 2003. Le PNUD a accompagné ce processus, avec un rôle très actif dans le renforcement de la sécurité humaine et la pacification.
Dans ce contexte, il est vrai que le DDR a occupé une place décisive dans notre plan d’action, mais aujourd’hui nous sommes en train d’élargir nos lignes de coopération dans les domaines de la bonne gouvernance et de la lutte contre la pauvreté. Ainsi, l’appui à la gouvernance locale et la promotion de la micro finance seront des lignes d’action prioritaire du PNUD dans le district. D’autre part, la mise en place cette année d’un Sous Bureau du PNUD en Ituri est la démonstration de notre engagement ferme avec la population du district.
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