C’est le résultat des rencontres fructueuses qui se sont déroulées, les 2 et 3 février 2008, au Sud-Soudan entre le gouverneur de la Province Orientale, Médard Autsai Asenga, et son homologue soudanais de la Province de l’Equateur central, le Général Major Clément Wani Konga. L’accord conclu a mis fin à un vieux conflit frontalier, exacerbé par les incidents du 24 janvier à Kengezi Base.
©MONUC
Kengezi Base - poste frontière congolais aux confins du Soudan et de la République démocratique du Congo (RDC) - situé à quelque 120 Km au nord d’Aru. Cette partie du territoire était occupée depuis 1996 par les SPLA (Southern Sudan Liberation Army), qui disent l’utiliser comme rempart contre d’éventuelles infiltrations des LRA (Lord’s Resistance Army) au Sud-Soudan. En 2004, lors de la création des brigades brassées, des éléments de la 1ere brigade sont déployés à 5 Km de là, à Rumu, mais n’ont pas pour instructions d’évacuer les SPLA avec lesquels ils vivent en bon voisinage.
En juillet 2007, le gouverneur Autsai Asenga, en mission à Aru, ordonne le rapprochement des FARDC de la frontière. Les militaires congolais quittent alors le cantonnement de Rumu pour s’installer dans une nouvelle base, construite à 900 m du point de passage. Une barrière est érigée à 300 m de la frontière, et plusieurs services frontaliers s’y établissent.
Chronique d’une crise…
Au soir du 23 janvier, selon les autorités du territoire d’Aru, un haut gradé des SPLA arrive à la barrière, la démonte et fait descendre le drapeau congolais. Alertés, le lendemain 24 janvier, les FARDC replacent la barrière et retournent à leur nouveau poste de cantonnement. Les brefs contacts de la journée entre officiers des deux camps sont sans résultats. Les éléments de l’ex-rébellion soudanaise se disent inquiets de cette nouvelle proximité et demandent aux FARDC de quitter leur base pour regagner la précédente, celle de Rumu. Les FARDC rejettent la proposition.
Les SPLA leur lancent alors un ultimatum pour 13 heures. Le commandement de la 1ere brigade ordonne à une compagnie basée à Kumuru, 24 Km de la frontière, de venir en renfort à Kengezi Base. A leur arrivée, et peu après l’échéance de l’ultimatum, les SPLA tirent. Les FARDC ripostent. Selon les autorités territoriales congolaises, un seul militaire est blessé dans les rangs des FARDC. Les jours qui suivent, les humanitaires présents dans la région dénombrent plus de 3000 personnes déplacées des villages environnants.
Ballet diplomatique et accord historique…
Les 25 et 26 janvier donnent lieu à d’intenses tractations. Hiérarchies militaires et autorités territoriales des deux côtés campent sur leurs positions. La partie soudanaise insiste pour que les négociations soient conduites à un plus haut niveau, celui des gouverneurs. Dans l’attente, une trêve de sept jours est conclue.
Lorsqu’il arrive le 1er février à Aru, le gouverneur de la Province Orientale fait part à la MONUC de son intention de se rendre le lendemain à Kaya, au Soudan, pour y rencontrer son homologue de la Province de l’Equateur central, le Général Major Clément Wani Konga, et d’aller «calmer les esprits» des militaires et des populations. Force est de constater que la mission du gouverneur Autsai et de sa délégation - notamment le général André Kinkela, en charge des opérations en Ituri, le colonel Hassan Masudi, commandant de la 1re brigade intégrée d’Aru et de Mahagi, M. Mawa Enzoronzi, administrateur du territoire d’Aru, et un représentant du Commissaire de district de l’Ituri - semble couronnée de succès.
En effet, l’accord signé le 03 février à Saba, dans le district de Morobo, met non seulement un terme à la crise de Kengezi Base, en réitérant la volonté des deux pays de «renforcer leurs relations de bon voisinage en vue de consolider la paix dans la région», mais marque aussi un retour sans équivoque au tracé des frontières héritées de la colonisation.
L’accord prévoit également un calendrier de rencontres trimestrielles pour une meilleure efficacité dans la lutte contre la fraude et la contrebande à la frontière. Les deux gouverneurs se sont ensuite adressés aux populations. Le moment fort a été sans conteste, sur le chemin du retour du Soudan, la cérémonie symbolique tenue à Kengezi Base où les deux délégations ont replanté et hissé les couleurs du Congo au poste frontière.
Dès le lendemain 5 février, l’application de la principale mesure décidée par l’accord de Saba est intervenue. Tous les éléments des SPLA ont quitté la localité, qui est désormais sécurisée par la Police nationale congolaise. Quant aux quelque 3000 personnes déplacées autour de Kengezi Base, cet accord signifie aussi l'espoir de regagner prochainement leurs villages. Ce que l’UNICEF et OCHA, par le biais de l’ONG Solidarité qui revient d'une mission d’évaluation sur place les 2-3 février, souhaitent encourager. Le Programme Alimentaire Mondial (PAM) a, pour sa part, prévu de convoyer une aide alimentaire d'urgence.