La paix demeure toujours fragile en République démocratique du Congo. La reprise des combats au Kivu, entre les Fardc et le CNDP de Nkunda, atteste que le Congo n’est pas encore sorti de l’auberge. Malgré toutes les initiatives de paix, rien n’ y fait. C’est dire que le problème est profond. Il repose sur des enjeux beaucoup plus géostratégiques qu’un simple fait divers national et sous-régional. Il y a l’ombre des multinationales enclines à ne pas tolérer que la Rdc dispose d’un leadership fort.
Dans son dernier point de presse, le gouverneur de la province du Sud Kivu, Louis Léonce Mudehrwa, a porté une grave accusation sur la place publique en recevant 13 groupes armés de sa province. Le gouverneur dénonce que « leurs éléments sont entretenus par des personnalités politiques tapies dans la capitale». «Ces gens sont à Kinshasa, ont des voitures, des cravates et voyagent avec l’argent du gouvernement. Il suffit qu’une personnalité ne trouve pas son compte dans un partage quelconque des postes à Kinshasa, le lendemain tel groupe tire, tue et viole », a-t-il précisé.
Grave accusation qui soutient la thèse d’un « fonds de commerce » entretenu par certaines personnalités tant à Kinshasa, à Kigali que dans quelques capitales occidentales. Certes, à en croire le Groupe conjoint de suivi, JMG, de l’ Accord de Nairobi, certains progrès ont été réalisés. Mais tant que les forces négatives n’ont pas été neutralisées, et que bien plus, elles continuent à renforcer leur capacité militaire, le cas du CNDP qui s’est affronté dernièrement avec les FARDC, la République démocratique du Congo n’est pas encore sortie du tunnel. Cette accusation du gouverneur du Sud-Kivu, confirme, si besoin en est encore, la présence des « loups» dans la bergerie.
DES ENJEUX GEOSTRATEGIQUES
Si cette thèse s’affirme, il revient à dire que ces personnes poursuivent un but précis : le fonds du commerce. Ou dans le cas contraire, elles sont manipulées par des forces occultes qui ont d’autres objectifs à atteindre.
Tout est possible dans la mesure où lors de l’évaluation des causes principales de l’insécurité à l’Est, ou des guerres d’agression subies par la RDC, ces manoeuvres de déstabilisation dignes du terrorisme international s’inscrivent dans un contexte d’un vaste complot, planifié depuis de longues années.
Au fait, la Rdc n’en est pas à son premier calvaire. En pleine période de la guerre froide, les deux blocs antagonistes, Est-Ouest, se sont acharnés en territoire congolais pour contrôler ce point stratégique qu’est la RDC. Ils utilisaient la même stratégie par des Congolais interposés.
Aujourd’hui, ils s’appuient sur la même tactique, poussant leurs pions, les «groupes armés » soutenus par des Etats voisins, pour déstabiliser le Congo. Son malheur ? Son étendue géographique. Son péché mortel ? Toutes ses richesses naturelles incommensurables : eau, minerais, pétrole, gaz, forêt…
Si autrefois, la région de prédilection était le Katanga avec le cuivre et l’uranium, cette fois, c’est le Kivu avec le coltan et le nobium. Toute cette insécurité n’est que mise en scène pour maquiller toutes ces initiatives funestes. Certes, les forces négatives, particulièrement les ex-Far ou Interahamwe, sont une réalité.
Mais un beau prétexte pour noyauter et infiltrer davantage la Rdc jusqu’à la tourner en dérision. Et cela tout le temps que ça prendra, sans lâcher prise. Sinon comment comprendre l’inefficacité de toute cette armada installée dans cette région à telle enseigne qu’elle soit incapable de neutraliser les forces négatives ? Pourquoi multiplier les «conférences de paix » en RDC comme si les Interahamwe constituaient un problème congolais alors qu’il est rwandais et la solution définitive ne peut venir que du Rwanda ? Tout le monde le sait, communauté internationale et pouvoir de Kigali y compris. Mais tout le monde tourne le dos à la solution dès lors qu’elle apparaît à l’horizon pour se rabattre sur des subterfuges.
Que dire du CNDP de Laurent Nkunda ? Ce groupe armé joue le même rôle auquel s’adonnent toutes les forces négatives.
A travers ses déclarations, le chef des insurgés a maintes fois prouvé qu’il était «bien renseigné et soutenu ». En plus, ses « actions » sont bien planifiées, donc calculées. Les derniers combats qui ont mis à mal le Programme Amani se sont déroulés à la veille du IIIème sommet de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs prévu à Kinshasa. Mais surtout au moment où le Programme Amani s’apprête à entamer l’étape cruciale de désarmement, de démobilisation des groupes armés. Plus grave, Nkunda qui a justifié l’existence de son groupe armé pour traquer les «Interahamwe», fait plutôt la guerre à l’armée régulière de la République démocratique du Congo au vu et au su de la MONUC, pour ne pas dire de la Communauté internationale. Allez-y comprendre quelque chose.
Non. Il s’agit d’un travail de sape, des coups de boutoir pour fragiliser le pouvoir de Kinshasa, affecter son autorité afin de l’ opposer aux populations locales avant de s’engager lentement mais sûrement dans le schéma du Kosovo, de l’ Ossétie du sud et de l’ Abkhazie. Sur internet circule déjà un message qui distille ce venin de la « sécession ». Et toute riposte musclée serait assimilée à un « autre génocide » : carte rouge que l’on brandirait au pouvoir de Kinshasa.
Et le tour est joué pour créer de nouvelles frontières d’un nouvel Etat. C’est la tactique classique occidentale qui vient de faire des émules en Russie, dans le Caucase. La leçon continuera à faire d’autres émules tant que la RDC constituera une pépinière susceptible de soutenir plusieurs économies, de consolider les positions des «groupes identitaires » qui émergent progressivement à travers le monde et dicteront dans un proche avenir les « politiques nationales » avec leurs hommes en main au pouvoir. Fini le règne de l’Etat-Nation. Vive les Etats nains.
L’on vient d’évoquer l’autre aspect important de l’insécurité permanente au Kivu. Tous ces «groupes identitaires » qui se reconnaissent dans des multinationales s’emploient à freiner le développement de la RDC pour qu’elle ne retrouve pas son « leadership fort » d’autrefois.
Des objections soulevées lors de la signature des contrats entre la Chine et la RDC visent à priver le Congo des infrastructures modernes pour bloquer son développement. L’affirmation de la Chine dans un Etat à même de servir de rampe de la relance du développement de tout un continent affecterait l’influence de l’Occident. Ainsi apparaissent les « faiseurs de guerre » dans ce complot international contre la RDC.
LA DYNAMIQUE NATIONALE
La situation dramatique au Kivu qui menace manifestement l’intégrité territoriale de la RDC doit être vue sous cet angle. Les commanditaires de ce complot international continueront à fabriquer des « ennemis » au Congo pour que les Congolais s’entretuent. Ils alimenteront la méfiance dans le but de repousser la confiance au plan interne et d’éloigner le développement de la RDC.
Le gouverneur de la province du Sud-Kivu appréhende déjà la chose en parlant des groupes armés : « Cependant, prévient-il, il ne faudrait pas céder à la naïveté et croire qu’ils vont du jour au lendemain quitter tous et volontairement la province. Certains semblent installer à demeure et ont fondé des familles avec des Congolais ». Naïveté, le mot est lâché.
Il souligne d’autre part que le problème des FDLR est à la fois national et peut-être provincial. «Mais il faut d’abord trouver des solutions aux conflits qui déchirent les Congolais entre eux avant de traiter de la question des étrangers », a-t-il insisté.
En d’autres termes, il faudra une dynamique nationale, dans un sursaut de mobilisation générale, à travers laquelle les Congolais comprendront réellement le vrai danger. L’«élite qui nous gouverne» devrait servir de locomotive pour quitter ce vieux sentier battu de «naïveté» qui conduit indubitablement au suicide collectif. Plutôt que de se confondre dans une attitude compromettante.
Elle devrait faire preuve de haute responsabilité politique, de nationalisme éprouvé pour écarter cette menace de consacrer l’inexistence de l’Etat et de la Nation au Congo.
Il y a effectivement péril en la demeure : la République démocratique du Congo est au centre des enjeux géostratégiques. Comme aux temps forts de la guerre froide.