La guerre du Kivu est en train de prendre une autre tournure. Depuis hier mercredi, de violents combats opposent les FARDC au troupe du CNDP. Selon des sources concordantes et le communiqué du gouvernement congolais, le CNDP est appuyé " en hommes, armes et munitions par un pays voisin bien connu, qui a amassé ses troupes le long de notre frontière commune et organise l' appui sanitaire aux blessés de guerre ". La IIIème guerre contre la RDC serait-elle en marche ?
Dans un communiqué rendu public hier, le gouvernement annonce que ce mercredi 8 octobre 2008, le CNDP a attaqué à partir de 04 heures du matin, la localité de Rumangabo, dans le territoire de Rutshuru. Ce même communiqué précise que dans cette attaque, le CNDP " est appuyé en hommes, armes et munitions par un pays voisin bien connu, qui a amassé ses troupes le long de notre frontière commune et organise l' appui sanitaire aux blessés de guerre ".
Ces faits sont confirmés par des informations en provenance du terrain et rapportées par Radio Okapi. En effet, les responsables militaires des FARDC confirment cette nouvelle attaque. Outre des affrontements signalés ver les hauteurs du centre de brassage de Rumangabo et à Ntamungenga vers la frontière de Bunagana, des violents combats à l'arme lourde embrasent toute la région qui couvre les localités de Nkokwe, Rugari, Bukima, Kabaya et Ngungu, à près de 50 km au Nord-Est de Goma. Comme souvent en pareilles circonstances, Roger Bisimwa, porte - parole du CNDP accuse les FARDC d'avoir pris les premières l'initiative des combats. En attendant, la Monuc prise entre deux feux, s'active à s'interposer pour obtenir un cessez-le-feu.
IIIEME GUERRE EN MARCHE
Depuis l'interview que le président rwandais a accordée au journal Le Soir, s'attaquant à la RDC et au président Kabila, le déroulement des événements ne surprenne personne. Aussitôt publiée, et comme un déclic, Nkunda avait commencé par menacer jusqu'à quitter le Programme Amani pour mieux imposer une nouvelle guerre en Rdc, avec le soutien du Rwanda.
A en croire des sources concordantes, le CNDP, après avoir subi de lourdes pertes, a recouru au même stratagème pour entraîner le Rwanda dans cette nouvelle guerre. Brandissant le prétexte des FDLR que la RDC aurait armées pour lutter contre le CNDP, le Rwanda, considérant cette situation " inacceptable ", a alors décidé d'envoyer ses troupes à la rescousse du CNDP en lui fournissant hommes, armes et munitions. Ce fait a été déjà dénoncé en fin de la semaine passée par le gouvernement au regard du déploiement des forces rwandaises le long de la frontière commune. Sous prétexte de combattre les FDLR, ennemi commun avec le CNDP, de protéger des rwandophones, l'armée rwandaise est allée au secours du CNDP.
Il y a là une nouvelle escalade de la guerre qui cache d'autres intentions. D'ailleurs, dans son communiqué de presse, le gouvernement relève ce qui suit : " le CNDP recrute les forces de police, substitue son fanion au drapeau national, prélève des taxes douanières et cherche à implanter des représentations dans de pays étrangers ". Il ne fait l'ombre d'aucun doute que le premier objectif est d'occuper Goma qui serait sous administré par un pays voisin. Jusqu'à preuve du contraire, les observateurs sont de plus en plus d'avis que la IIIème guerre est en marche. La dernière " déclaration de guerre " de Nkunda qui s'emploie à muer son mouvement militaire en un parti politique vise à s'attirer de la sympathie des pays étrangers. Entre-temps, grâce aux négociations directes que le CNDP réclame, réussir à infiltrer plusieurs institutions nationales des éléments à la solde des étrangers.
CAPITALISER LES REACTIONS DE L'OCCIDENT
En séjour à Goma, notre compatriote Kä Mana, intellectuel, philosophe et théologien basé au Cameroun, a livré une réflexion intéressante sur la guerre du Nord Kivu. Il s'est attardé sur plusieurs aspects de cette guerre, principalement sur l'ambiguité de la Communauté internationale. Il relève que " les conflits actuels qui déchirent l'Est de notre pays sont liés à des enjeux mondiaux que tout le monde connaît ".
La presse congolaise, principalement Kinoise, y a abondé largement dans le même sens pour souligner les causes exogènes de cette guerre. De nombreux congolais qui suivent de très près cette situation, n'ont jamais cru à une question d'ethnie. Ils ont toujours évoqué ce fait que la République démocratique du Congo est au centre des enjeux régionaux et mondiaux. De par sa position géostratégique, ses nombreuses richesses, la Rdc est justement la cible de ces forces centrifuges, de ces groupes identitaires, de ces multinationales qui se servent des " Alliés locaux " pour réaliser leurs plans machiavéliques.
La " guerre du Kivu " n'échappe donc pas à cette analyse, car, elle survient, à l'instar des précédentes, au moment où l'on enregistre des coïncidences frappantes. Notamment l'organisation de la Conférence internationale Souveraine, le déroulement des élections générales de 2006 et la signature de la convention de collaboration sino-congolaise. A chaque fois, il y a eu des condamnations sans qu'elles soient capitalisées par les régimes qui se succèdent à Kinshasa.
Aujourd'hui, avec le concours de la Communauté internationale, des initiatives encourageantes ont été amorcées pour autant qu'après l'organisation des élections 2006, il est impensable que le pays replonge dans la guerre. C'est dans ces conditions que s'est tenue la Conférence sur la sécurité, la paix et le développement des provinces du Nord et Sud-Kivu, sanctionnée par l'Acte d'engagement de Goma. Comme lors des élections, la Communauté internationale y a apporté une grande contribution financière qui se poursuit avec le soutien au Programme Amani. Malheureusement, les choses s'empirent chaque jour davantage que les mêmes causes sont en train de produire les mêmes effets. La rébellion de Nkunda se fortifie, grâce à ce soutien qui n'est pas inconnu de la communauté internationale.
Cependant, la " déclaration de guerre " a suscité de nombreuses réactions. Washington, Bruxelles, New York, Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, et tant bien d'autres au plan local, ont condamné cet appel à la guerre. Karel De Gucht, ministre belge des Affaires étrangères a qualifié ces propos d'irresponsables. Washington abonde dans le même sens, allant jusqu'à promettre des poursuites judiciaires contre les auteurs des crimes de guerre au Kivu et appuie la requête de la Monuc sur l'amélioration de la logistique militaire transmise au Conseil de sécurité. L'Union européenne y va du même élan et réaffirme son engagement au Programme Amani, le seul cadre de dialogue vers une paix durable.
Condamnations honnêtes ? Déclarations de bonnes intentions ou simples effets d'annonce ? Distraction ? Attitude de pyromanes ?
Il faut s'appesantir sur ces interrogations pour prendre tous ces partenaires au mot et éviter la répétition de l'histoire.
En effet, le plus souvent, Kinshasa s'est toujours contenté de ces déclarations pour croire qu'il bénéficie de tous les soutiens et que la partie serait gagnée d'avance. La tournure prise par les événements vécus, a toujours prouvé le contraire. Tout simplement parce que Kinshasa n'a jamais su capitaliser ces déclarations positives, préférant toujours verser dans une naïveté qui s'est chaque fois avérée trop coûteuse.
L'HEURE DE LA VRAIE PAIX
La réponse à cette préoccupation, le professeur Kä Mana la donne dans sa réflexion consacrée à son dernier séjour à Goma. Il écrit notamment sur cette ambiguité de la communauté internationale : " La communauté internationale aurait dû prendre des mesures dans les hautes instances des Nations Unies pour éviter au Congo le destin des guerres attisées de l' étranger et des conflits envenimés par la voracité prédatrice des conglomérats mondiaux. Rien ne se fait dans ce sens. Les initiatives de construction de la paix ne sont pas soutenues avec vigueur. Aucune pression internationale ne s'exerce réellement ni sur les dirigeants congolais dans leurs dérives despotiques, ni sur les diverses rébellions qui lorgnent vers les richesses de la RDC, ni sur les conglomérats financiers qui tirent profit des troubles actuels, ni sur les vendeurs d'armes qui nous bercent de douces illusions d'une victoire militaire facile sur nos ennemis. A la place d'une telle pression, nous avons une présence onéreuse de la Monuc qui sert de force de statu quo devant les belligérants auxquels elle n' offre que de plans dérisoires de sortie de crise, sans une volonté de paix décisive dans la région des Grands Lacs ".
Nkunda serait-il imprudent de faire une telle déclaration de guerre sans être assuré du soutien extérieur ? Serait-ce une pression pour amener Kinshasa au dialogue ? La réaction de ces nombreux partenaires viserait certainement Kinshasa à faire preuve de réalisme politique pour saisir " cette main tendue " de leur part.
Une fois de plus, notre compatriote Kä Mana propose la voie de sortie : "Les éléments d'analyse que je viens de mettre en lumière devraient nous pousser, nous Congolaises et Congolais, à chercher des solutions à la tragédie de la guerre de l'Est dans une approche intelligente et lucide de nos problèmes. Une approche capable de mettre le doigt sur les ressorts profonds qui peuvent nous servir d'énergie pour la paix et d'orientations pour le développement… L'initiative de paix devra venir de l'intérieur de nous-mêmes, du fond de notre propre volonté de paix afin que nous devenions suffisamment unis, suffisamment forts, et suffisamment organisés pour nous faire respecter par nos voisins et nous faire craindre, si cela est nécessaire à la paix des braves et à la construction de la communauté des pays des Grands Lacs, notre horizon politique, économique et social, et culturel pour le développement solidaire".
Si les déclarations, disons encourageantes, de Washington, de Bruxelles, de Paris, de l'Onu et de la Monuc constituent une réponse à l'ambiguité de la communauté internationale que soulève Kä Mana, Kinshasa a l'obligation morale et politique de capitaliser ces propos encourageants. Le moment est venu pour une vraie paix.
Le dernier communiqué du gouvernement s'inscrit dans cette logique : " Le gouvernement invite les populations à soutenir et à faire confiance aux troupes des FARDC et continuer à appuyer les efforts de la communauté internationale à travers la Monuc et la facilitation internationale. Le gouvernement appelle également la population à éviter le piège de la stigmatisation ethnique qui profite à l'ennemi et à préserver par tous les moyens la coexistence fraternelle entre toutes les communautés. Le Gouvernement de la République tient à rappeler que le seul cadre pour une solution globale et durable de la crise reste le Programme Amani ainsi que le Communiqué conjoint de Nairobi ".
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