Alors qu’en milieu d’après-midi d’hier mercredi, on annonçait à Kinshasa la chute de Goma, vidée de ses habitants, le général Mayala intervenait en début de soirée sur Radio Okapi pour démentir cette information. « Je voudrais vous rassurer : la ville de Goma est toujours contrôlée par les FARDC avec l’appui de la Monuc ». Entre-temps, Nkunda venait de décréter un cessez-le-feu unilateral et que ses troupes seraient à 15 km de Goma. Confusion.
Le commandant de la 8ème région militaire, le général Vainqueur Mayala a lancé un message sur Radio Okapi, selon lequel la ville de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, est sous contrôle des forces gouvernementales appuyées par la Monuc, rapporte radiookapi.net
«Je voudrais vous rassurer : la ville de Goma est toujours contrôlée par les FARDC avec l’appui de la Monuc. Ce sont des rumeurs qui font qu’aujourd’hui et à cette heure, et en ce moment, toute la population, si pas les trois quarts, est en train de vider la ville de Goma», a déclaré le commandant de la 8ème région militaire. « Je vous rassure une fois de plus : croyez aux efforts des FARDC et de la Monuc. Au moment où je suis en train d’adresser ce message, la ville de Goma est sous contrôle des FARDC appuyées par la Monuc. Je voudrais seulement apaiser l’esprit de la population.» Le général Vainqueur Mayala a terminé son message par un appel aux militaires FARDC : «Je demande particulièrement aux militaires de ne vraiment pas procéder au vol, au pillage de la population. Notre mission est de protéger la population et ses biens».
Auparavant, en milieu d’après-midi, selon les conversations téléphoniques captées à Kinshasa, l’on annonçait la chute de Goma.
« Les déplacés, regroupés dans un camp à Kibati, mais aussi les habitants de cette localité à 10 km du centre de Goma, fuyaient les combats entre l’armée congolaise (FARDC) et la rébellion de Laurent Nkunda », affirme AFP.
« Les forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) ont abandonné mercredi la ville de Goma, dans l’Est de la RDC devant l’avancée de la rébellion. C’est fini», écrit l’ AFP qui cite une source militaire, précisant que les FARDC allaient se replier vers la localité de Minova, située entre Goma et Bukavu, deux villes distantes d’une centaine de kilomètres.
«Il n’y a plus aucun militaire dans la ville», a indiqué un habitant de Goma, sous le couvert de l’anonymat, toujours selon l’AFP.
Les chars de combat des forces gouvernementales qui reviennent du front au nord de Goma «prennent la direction» de Bukavu, chef-lieu du Sud-Kivu, ajoute-t-on. Selon un autre habitant, des hélicoptères de la Garde Républicaine (GR, garde présidentielle) ont décollé en direction du Sud-Kivu, lui aussi frontalier du Rwanda. Plus tôt dans la journée, 20.000 civils, poussés par un mouvement de panique, avaient convergé vers Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, a constaté un journaliste de l’AFP.
LE CESSEZ-LE-FEU
Toujours en début de la soirée d’hier mercredi, Nkunda est intervenu sur les antennes de RFI annonçant qu’il venait de décréter un cessez-le- feu et que ses troupes seraient à 15 km de Goma. Serait-ce pour éviter un bain de sang dans la ville, la pression extérieure ou attend-il la réaction de Kinshasa, principalement du Parlement après la lettre qu’il vient d’adresser à cette instance, notamment aux présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale pour des entretiens ? Tout à la fois.
Ce qui est vrai, en position de force, Nkunda continue à exercer une pression tant sur le gouvernement de Kinshasa que sur la communauté internationale. Le CNDP vient donc de décréter « un cessez-le-feu unilatéral et temporaire » pour éviter la panique au sein de la population. Il demande à la Monuc de la sécuriser et n’entend pas entrer pour le moment à Goma. Et ce en attendant la réponse de Kinshasa sur des négociations sur terrain neutre, avec un médiateur. « Nous sommes à 28 km de Goma. La ville étant vidée des troupes des FARDC, nous avons jugé utile de ne pas entrer dans la ville pour ne pas paniquer la population. Nous avons écrit aux autorités nationales et à la communauté internationale et attendons la réponse. Notre objectif n’est pas Goma. Mais des négociations avec le gouvernement pour une résolution pacifique du conflit. Nous n’avons pas donné de délai. Mais il s’agit d’une urgence qui a besoin d’une réponse urgente », a déclaré Nkunda sur les antennes de RFI.
REUNION D’URGENCE DU CONSEIL DE SECURITE SUR LA RDC
Le Conseil de sécurité de l’Onu devrait se réunir encore d’urgence hier mercredi après-midi pour discuter de la situation en République démocratique du Congo, a annoncé l’Onu. L’heure de cette réunion n’a pas été précisée.
Mardi, le Conseil de sécurité avait examiné, sans prendre de décision, une requête urgente de renforcement de la Mission de l’Onu en RDC, la Monuc, pour tenter d’empêcher Laurent Nkunda de prendre Goma.
Le chef de la Monuc, Alan Doss, avait promis peu auparavant que ses forces feraient tout pour arrêter l’avancée des hommes de Nkunda vers Goma et pour faire cesser les combats. De son côté, la France est prête à envoyer 1.500 soldats dans le cadre d’une force européenne. Mais d’ici là, avec les Etats-Unis, elle privilégie le règlement de la crise par voie diplomatique. D’où ce ballet diplomatique soutenu par l’Union européenne avec Louis Michel, Commissaire européen au Développement et à l’Aide humanitaire, et Madame Frazier, sous-secrétaire d’Etat américaine aux Affaires africaines.
Mais pour les observateurs avertis, si Goma tombait, ce serait une victoire importante. Cette victoire militaire, activement recherchée par Nkunda, marquerait un tournant dans cette guerre du Kivu. Allusion faite à toutes les conséquences politiques qui devront découler de ce fait militaire tant sur le plan national que régional, entendez dans la région des Grands Lacs. Déjà hier mercredi, lors de la plénière de l’Assemblée nationale, les députés se sont longuement appesantis sur cette situation avant d’adopter un certain nombre de résolutions et recommandations à transmettre au président de la République, au gouvernement, au Parlement, au Conseil de sécurité, à l’Union européenne, à l’Union africaine et à la SADC.
Au plan national, il a été décidé de dégager une dynamique interne qui devra s’appuyer sur la diplomatie parlementaire. En attendant, et pour permettre au gouvernement de fonctionner dans la légalité afin de gérer cette crise, disons cette guerre, il s’est dégagé à l’unanimité la volonté d’investir le gouvernement dans les meilleurs délais dans ses prérogatives constitutionnelles. La date retenue est le 31 octobre 2008. Mais les députés se sont empressés de préciser qu’il ne s’agit point d’un « chèque en blanc » à accorder au gouvernement. Mais que cette décision a été dictée seulement par des circonstances particulières dues à la gravité de la situation à l’Est du pays tant sur le plan sécuritaire qu’humanitaire. Doté de pouvoirs constitutionnels, le gouvernement peut valablement engager le pays sur tous les plans : politique, diplomatique et militaire.
L’EFFET DE CONTAGION
Cette nouvelle guerre a de conséquences imprévisibles. En premier lieu, il faut analyser les idées principales du chef du CNDP. S’il persiste à transformer son mouvement militaire en un parti politique, il a donc de grandes ambitions politiques. En l’état actuel des rapports de force, il exige des négociations directes avec Kinshasa. Entre-temps, il s’emploiera à recruter le plus grand nombre de personnalités pour donner une substance politique à son mouvement. Il n’est pas surprenant que l’on redécouvre certaines personnalités qui avaient disparu un moment de la scène politique. Tout comme des opportunistes qui pourraient rallier ce mouvement pour des raisons faciles à deviner.
En fait, l’on assistera là à du déjà-vu, au risque de voir les mêmes causes produire les mêmes effets. C’est-à-dire, l’on s’engagera, une nouvelle fois, dans une spirale de négociations aux résultats imprévisibles. Il revient donc au gouvernement légitime, appuyé par toutes les institutions nationales, d’analyser rapidement toutes les hypothèses. Ce, dans cet élan de lever une option porteuse de résultats positifs dans le but de faire revenir rapidement la paix en République démocratique du Congo.
En effet, cette guerre refait surface au moment où en Ituri, la situation est également inquiétante avec le retour en force des milices locales. Si la conjonction s’établissait avec le CNDP, la partie risque de ne pas du tout être aisée pour les populations congolaises qui subissent les exactions et des traitements dégradants de la part des éléments de la LRA et les Mbororo.
Mais la crainte, c’est l’effet de contagion avec ce qui se passe au Burundi, en Ouganda, en République Centrafricaine, au Soudan, au Tchad. Dans ces pays, il existe également des mouvements rebelles à même d’intensifier la tension militaire dans leur pays. C’est toute la région qui va s’enflammer et s’embraser. L’Onu aura fort à faire pour éteindre tous ces incendies dès lors qu’en RDC, la mission de la Monuc aura été un échec.