Le nouveau déploiement des troupes étrangères dans la partie Est de la RDC, ainsi que les prochaines opérations conjointes contre les rebelles rwandais des FDLR, inquiètent la communauté humanitaire. Du côté de la population de Bukavu, elle vit dans la crainte de ces opérations contre les FDLR. Quant au PPRD, elle appelle la population au calme.
Les troupes FARDC sont entrées mercredi après-midi à Rutshuru-centre, à 70 kilomètres au nord de Goma, sous les applaudissements nourris de la population locale. Ce sont plusieurs habitants de Kiwanja, l’une des localités importantes du territoire de Rutshuru qui étaient contrôlées depuis fin octobre par le CNDP de Laurent Nkunda, qui le déclarent.
Une autre source FARDC affirmait que des centaines de militaires de l’armée rwandaise, entrés mardi par le secteur de Kibumba et Kibati, faisaient également mouvement, parallèlement aux troupes FARDC, vers Rutshuru. Selon cette source, ils seraient au moins 5 000.
Le ministre congolais de la communication a déclaré mercredi qu’il n’y a pas d’invasion rwandaise. Il a précisé que les unités de renseignements rwandaises ont été invitées par le gouvernement congolais pour une mission d’observation des opérations de désarmement forcé des rebelles FDLR et Interahamwe, par les FARDC.
Toujours mercredi, l'armée congolaise a appelé, dans un communiqué, les rebelles hutus rwandais ex Far, FDLR et Interahamwe, ainsi que les autres groupes armés, à « déposer les armes ».
Nestor Djema, chargé des affaires humanitaires à Ocha, a déclaré mercredi au cours de la conférence de presse hebdomadaire de la Monuc tenue à Kinshasa, l’inquiétude de la communauté humanitaire : « Pour le Nord-Kivu, la communauté humanitaire exprime une profonde et vive inquiétude au regard du nouveau déploiement des troupes dans la zone de Goma et dans le Rutshuru, suite à l’annonce du gouvernement, d’opérations futures contre les FDLR. Cette présence militaire accrue fait craindre une nouvelle crise, au moment où la cessation des hostilités avait permis aux populations de regagner progressivement leurs zones d’origine et offert aux humanitaires un accès plus aisé pour faire parvenir l’aide dans plusieurs zones »
Bukavu : la population vit dans la crainte des opérations contre les FDLR
Au Sud Kivu, autre province où sont localisés les FDLR, précisément à Bukavu, la population vit dans la crainte de ces opérations conjointes FARDC - Armée Rwandaise contre les combattants hutus rwandais FDLR. Beaucoup pensent que ces attaques risquent d'entraîner beaucoup de victimes au sein de la population civile, surtout la population qui habite dans les zones occupées par les FDLR.
Le groupe Jérémie, une association de défense des droits humains, exprime, dans un communiqué, sa crainte de voir ces opérations toucher durement les populations civiles.
La même crainte s'observe dans l'esprit des habitants du chef-lieu de la province. C’est ce que témoigne un vox pop réalisé dans les rues de Bukavu :
« Moi je trouve que c’est inadmissible. Si notre armée est incapable, nous, étudiants et étudiantes, nous allons prendre aussi des armes et aider notre armée. Là, c’est une faiblesse », affirme un bukavien.
Un autre : « Ce n’est pas intéressant pour nous, au contraire, il fallait que les Congolais eux-mêmes chassent ces Rwandais. Les Congolais seront victimes de ça. Ils vont aussi en mourir. »
« Nous sommes désolés de la décision prise par nos autorités. Vraiment, c’est une confusion qu’on vient de mettre dans nos têtes. On pensait que les européens, ce sont eux qui les ont amené ici, et ce sont eux qui devraient s’occuper de leur retour dans leur pays », conclut un autre.
AMP : « Ceux qui maîtrisent les visages et le langage des Rwandais, ce sont les Rwandais eux-mêmes »
Le coordonnateur de l’AMP/Sud-Kivu a confiance, lui, dans la décision du gouvernement de joindre les troupes rwandaises aux FARDC pour traquer les combattants hutus rwandais. Hilaire Kikobya explique : « Ceux qui maîtrisent bien les visages de ces Rwandais là, ce sont les Rwandais eux-mêmes, et ceux qui maîtrisent leur langage, ce sont les Rwandais eux-mêmes. De notre coté, nous savons les lieux de retranchement de ces individus. Vous voyez qu’il y a possibilité qu’ensemble, en conjuguant les efforts, il est tout à fait normal et réalisable qu’une synergie soit réalisée. La démarche qui parait actuellement noble, tout en l’associant au programme Amani, car il y a plusieurs autres groupes armés qui ne seront pas traqués, mais qui vont intégrer le programme Amani ».
La société civile du Sud-Kivu se dit aussi favorable au rapatriement forcé des FDLR, à condition que le gouvernement envisage des mesures de protection de la population civile durant les opérations.
Des députés du Sud Kivu demande l’arrêt des opérations contre le FDLR
Dans une déclaration faite à Kinshasa, la coalition de ces députés nationaux demande au gouvernement et au président de la République d’arrêter ces opérations militaires contre les FDLR. Pour ces parlementaires, le Rwanda ne peut pas être juge et partie. Ils s’inquiètent aussi des conséquences sur les populations civiles, et affirment avoir rencontré le premier ministre pour cela.
Le PPRD appelle la population au calme
Le Parti du peuple pour la reconstruction et le développement appelle la population au calme, particulièrement celle des provinces où les FDLR sont présents, et leur demande de s’impliquer dans la pacification du pays. C’était mercredi à l’issue d’une réunion entre le comité exécutif national et les députés et sénateurs élus de ce parti.
René Bofaya, porte-parole du PPRD, explique : « le PPRD déclare comprendre et retenir les diverses réactions suscitées par les participants et par une partie de notre population, preuve de leur attachement à l’unité et à l’intégrité territoriale de notre pays. Le PPRD constate que ces différentes réactions, parfois contradictoires, procèderaient de l’oubli, mais surtout d’un déficit de communication. Le PPRD réitère sa solidarité avec l’ensemble de notre peuple, exprime son soutien au président de la République. Le PPRD appelle au calme tous le compatriotes, particulièrement ceux des provinces du Nord Kivu et du Sud Kivu, et leur demande de s’impliquer activement et comme par le passé, dans le processus visant la pacification de cette partie de la République. »
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