I. Introduction
Le Secrétaire Général des Nations-Unies chargé des Opérations de maintien de la paix, M. Alain Leroy, a été informé la semaine dernière de la position de la RD Congo sur la reconfiguration et le retrait progressif subséquent de la Mission de l'Organisation des Nations-Unies au Congo (Monuc). Dans les jours qui ont suivi sa visite, des discussions de haut niveau ont débuté entre plénipotentiaires de la RD Congo et des Nations-Unies à ce sujet. Le Conseil de sécurité aura bientôt sur sa table les conclusions de ces discussions.
Il a été constaté depuis lors que plusieurs chroniqueurs n'arrivent pas à mettre ensemble le concept de la reconfiguration de la Monuc et celui de son retrait progressif de notre pays. Il s'agit pourtant de deux actions appelées à se succéder en se complétant. Il convient dès lors de les juxtaposer chaque fois que l'on voudrait visualiser la situation de la Monuc aujourd'hui.
II. 1999 - 2003 : Règlement pacifique du premier cercle du conflit
II n'est pas inutile de rappeler que la Monuc a été créée dans le contexte de la mise en œuvre de l'Accord de cessez-le-feu de Lusaka, signé le 10 juillet 1999 entre les Parties Belligérantes de la guerre du Congo.
Dans ce contexte de fin de guerre, les missions assignées à la Monuc, ont été fixées et ajustées par 16 résolutions du Conseil de Sécurité sous le chapitre VI de la Charte des Nations-Unies. Dans la première phase allant de 1999 à 2003, ces missions furent les suivantes :
- surveiller l'application de l'Accord de cessez-le-feu et enquêter sur les éventuelles violations par les Parties de leurs engagements réciproques ;
- établir et maintenir en permanence une liaison sur le terrain avec les quartiers généraux militaires des Parties;
- élaborer un plan d'action pour la mise en œuvre du cessez-le-feu ;
- collecter et vérifier les informations concernant les troupes ;
- collaborer avec les Parties pour obtenir la libération des prisonniers politiques ;
- faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire ;
- empêcher l'entrée des armes dans les zones d'opérations ;
- aider à instaurer un dialogue entre les belligérants; - préparer une transition pacifique.
Cette première phase a concerné les racines profondes du conflit qui a embrasé le pays, lesquelles tenaient essentiellement aux agendas croises d'acteurs internes et externes dont les projets entraient littéralement en collision avec nos Intérêts Nationaux.
L'évolution de la situation en RDC au cours de ces quatre premières années d'existence de la Monuc permet d'affirmer que les premiers objectifs lui assignés ont été atteints. La guerre de 1998 a bel et bien pris fin. Une transition apaisée a été inaugurée en 2003 pour préparer des élections.
III. 2003-2006 : Encadrement et sécurisation des élections
Le Conseil de Sécurité a assigné dès 2003 à la Monuc d'autres tâches d'appui à la RDC compilées dans 23 Résolutions relatives à de nouveaux challenges. Il s'agissait particulièrement de l'appui au processus électoral fragilisé par l'activisme criminel d'une multitude de groupes armés qui menaçaient aussi des pays voisins de la région des Grands Lacs, l'élaboration des lois essentielles pour la démocratisation des institutions et la surveillance de l'exploitation illicite des richesses congolaises. Les membres étrangers des groupes armés devaient être rapatriés dans le cadre du programme DDRRR (Démobilisation, Désarmement, Rapatriement, Réintégration et Réinsertion.) Quant aux éléments des groupes armés nationaux, un programme de réinsertion sociale leur était destiné à travers l'Opération DDR (Démobilisation, Désarmement, Réintégration et Réinsertion).
Certes, le bilan de la Monuc par rapport à l'exploitation illicite des ressources naturelles de la RDC n'a guère été brillant. La seule réponse efficace à ce fléau viendra en fait des pays de la région qui, associés à des partenaires bilatéraux, s'accorderont sur un instrument juridique de référence, à savoir : le Protocole sur la lutte contre l'exploitation illégale des ressources naturelles, souscrit dans le cadre du Pacte sur la Sécurité, la Stabilité et le Développement dans la région des Grands Lacs.
En dépit de cette contre-performance en matière de lutte contre le fléau de l'exploitation illégale des ressources économiques congolaises, les résultats des programmes DDR et DDRRR conduits par la Monuc ont été jugés substantiels et salués comme tels à la fois par la RDC et ses voisins, le Rwanda et l'Ouganda, pays d'origine et cibles desdits groupes armés étrangers. A ce succès, s'ajoute l'indéniable réussite de l'organisation des élections générales de 2006 à laquelle la Mission apporta un appui logistique décisif. Une réussite qui se répercute dans le bon fonctionnement, reconnu par la Communauté internationale, des institutions issues des urnes.
IV. 2007-2009 : Réforme du Système de Sécurité et démantèlement des groupes armes étrangers
D'autres défis, notamment sécuritaire et humanitaire, ont fait l'objet de l'engagement de la Monuc dans le cadre de la troisième phase de son mandat entre 2007 et 2009.
Il est utile de noter que la question de la réforme du système de sécurité s'était posée pour la première fois dans notre pays en 1990, neuf ans avant le déploiement de la Monuc. Elle a, par la suite, figuré à l'ordre du jour de la Conférence Nationale Souveraine (1991-1992) et dans l'agenda du régime issu de la guerre de libération de 1997 respectivement en 1998 et 2001 et lors du Dialogue Inter congolais.
Dès son avènement en 2007, notre Gouvernement a participé avec espoir à des synergies, notamment avec la Monuc, pour trouver les voies et moyens de mise en œuvre de cette réforme qui concerne les Forces armées, la Police, les services de sécurité et l'appareil judiciaire.
L'absence d'un Plan de Réforme du Système de la Sécurité démontre que face à ces défis, la présence de la Monuc n'aura pas été une panacée. Le Gouvernement a dû, de guerre lasse, élaborer seul ce plan qui a d'ores et déjà été déposé au Parlement pour être intégré dans l'arsenal législatif du pays. Toutefois, la RDC attend encore beaucoup de la Mission onusienne qui dispose indéniablement de capacités reconnues pouvant être mises à contribution pour consolider les institutions publiques congolaises. Un mandat reconfiguré qui laisse l'Etat congolais et ses technostructures jouer leur rôle de manière adulte et responsable s'avère indispensable à cette fin.
V. Les capacités de l'Etat face aux dommages de guerre et aux groupes armes résiduels
II appert assez clairement de cette rétrospective que le travail abattu par la Monuc en République Démocratique du Congo est globalement satisfaisant. En exprimant le souhait de voir cette mission se retirer progressivement, le Gouvernement n'entend donc pas remettre en cause l'utilité de l'action de la Mission, loin s'en faut.
Certes, des faiblesses dans la coordination sur terrain entre les acteurs de la pacification que sont le Gouvernement et la Monuc ont pu impacter négativement les opérations d'éradication des groupes armés criminels à l'Est. Ces dysfonctionnements perturbent la gestion des défis humanitaires nés de la guerre.
Toutefois, il faut bien noter que lorsque le Gouvernement envisage le retrait progressif de la Monuc, il énonce sa conviction que l'engagement de cette Mission dans notre pays a connu une fin heureuse.
C'est le couronnement d'un travail somme toute bien accompli et qui aura eu le grand mérite de nous aider à en finir avec une guerre qui avait failli railler notre pays de la carte du monde.
Le Gouvernement de la République apprécie la qualité de l'accompagnement dont la RDC a bénéficié au cours de ces dernières années. Un accompagnement dont le résultat est tout à l'honneur du personnel civil et militaire de la Monuc.
Nous voudrions que les vrais amis de notre pays comprennent une fois pour toutes qu'au moment où commencent à s'apaiser les tensions consécutives à la guerre, notre peuple veuille se dépouiller aussi rapidement que possible du rôle infamant du boulet que l'Afrique et le monde traînent à leurs pieds depuis plus d'une décennie. Cette ambition des Congolais à redevenir un peuple comme un autre, à vivre dans un pays normal est une simple question de dignité humaine.
Ceci implique concrètement, la rétrocession à l'Etat de ses missions traditionnelles assumées par diverses technostructures dans le cadre de l'assistance internationale durant la période d'exception.
VI. La reconfiguration de la Monuc
Le réalisme commande que soient pris en compte, d'une part la survivance des résidus des bandes criminelles nationales et étrangères dans cinq territoires du Nord-Kivu et du Sud-Kivu et, d'autre part, les résultats actuels des efforts de reconstitution des forces armées et de sécurité du pays dans la nouvelle, et dernière configuration de la Monuc.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé que le désengagement des forces de la Monuc commence par celles d'entre elles qui étaient déployées dans les zones non perturbées du pays. C'est dans ce sens qu'il a été demandé que d'ici la fin de l'année 2010 le transfert de toutes les unités de la Monuc encore présentes en RDC vers les deux provinces du Nord et du Sud-Kivu qui font encore l'objet d'incursions des groupes armés dans cinq de leurs territoires ruraux.
Pour le Gouvernement, les nouvelles attributions de la mission onusienne doivent être exclusivement orientées vers le soutien aux efforts de renforcement des capacités organisationnelles, opérationnelles et d'encadrement des Forces armées de la RDC, de la Police et des forces de sécurité ainsi que l'appui à la réforme de l'appareil judiciaire.
Le Gouvernement congolais ayant pris la décision de se faire assister par des partenaires bi ou multilatéraux pour cette réforme globale du Système de la sécurité, l'implication de la Monuc dans ce projet pendant le reste du temps qu'elle aura encore à effectuer dans notre pays a été souhaitée.
VII. Le retrait progressif
Les hauts responsables des Nations-Unies ont été informés de la volonté du Gouvernement qui, tout en souhaitant voir le retrait total de la Monuc de la RDC être constaté courant 2011.
Cette position de notre pays se fonde sur la nécessité impérieuse de nous démarquer d'un état d'exception qui dure depuis 1999.
Certains esprits chagrins, au paroxysme de la suspicion, ont cru voir dans cette échéance de 2011 un " stratagème " du pouvoir pour " se débarrasser de la Monuc (et) pouvoir truquer les élections générales de 2011 ". C'est une manière désinvolte, simpliste et caricaturale de présenter l'exercice légitime par la RDC de sa souveraineté. La proximité des élections n'a jamais exonéré un peuple à prendre en charge son destin, au contraire.
Les détracteurs oublient un peu vite que nos dirigeants ont été élus en 2006 en plein mandat de la Monuc qui a du reste apporté un concours apprécié au scrutin. On ne voit pas en quoi le retrait de la Monuc leur serait particulièrement bénéfique. Cette mission de l'organisation mondiale n'ayant jamais exercé de mandat d'observation électorale, est-ce à dire que des " hommes d'influence " l'auraient infiltré pour interférer dans le processus électoral contre la majorité au pouvoir ?
D'autres, excipent d'une prétendue incapacité de la RDC à se prendre en charge pour accuser le Gouvernement de faire preuve d'irréalisme et d'aveuglement. Ce raisonnement est identique à celui des renégats qui tentaient en 1960 de déstabiliser le mouvement d'émancipation nationale emmené par le leader indépendantiste Patrice-Emery Lumumba d'heureuse mémoire.
Après le départ de la Monuc, la RDC ne se transformera probablement pas en un paradis terrestre. Il y aura comme dans tout autre pays, et comme en RDC avant et après l'arrivée de la Monuc, des problèmes socio-économiques ou de sécurité et des abus de droits.
Force est cependant d'admettre que la situation aujourd'hui n'a rien de comparable avec le chaos provoqué par la présence inédite dans notre pays d'une dizaine d'armées belligérantes à la fin des années '90, lequel poussa précisément la RDC à solliciter l'assistance des Nations-Unies.
Il s'agit par ailleurs pour nous de restaurer des relations normales avec les Nations-Unies, à l'instar de n'importe quel Etat-membre. Le retrait des éléments de la Monuc de RDC n'implique aucune forme de rupture, la RD Congo s'inscrivant résolument dans la poursuite des relations les plus denses et directes avec les Nations-Unies et ses agences spécialisées. Les pouvoirs publics congolais considèrent en effet la coopération avec le Pnud, l'Unicef, le Fnuap, le Pam et les autres agences onusiennes comme indispensable.
VIII. Principes de la reconfiguration du mandat de la Monuc
C'est fort de cet état des lieux que le Gouvernement a demandé que la reconfiguration du mandat de la Monuc intègre les principes essentiels suivants :
1. Le respect de l'indépendance et de la souveraineté de la RD Congo;
2. La mise en œuvre du Plan National de Réforme du Système de Sécurité élaboré par le Gouvernement Congolais ;
3. L'abrogation du cadre stratégique intégré qui a instauré 'de facto' depuis 2003 une subordination des agences spécialisées des Nations-Unies dans notre pays à la Monuc ;
4. Le renforcement des institutions de l'Etat congolais auxquelles nul ne doit plus chercher à se substituer. Il s'agit de la rétrocession à l'Etat de ses missions traditionnelles;
5. Le retrait progressif des forces de la Monuc en suivant un calendrier précis.
IX. Echec du schéma de somalisation de la RD Congo
Ceux qui perçoivent une contradiction entre la reconfiguration du mandat de la Monuc et son retrait progressif demandé par le Gouvernement se lancent dans un faux débat. De fait, il n'y a aucune contradiction entre les deux concepts. Du point de vue du Gouvernement, la reconfiguration du mandat de la Monuc et son retrait progressif de la RDC s'harmonisent.
Le contexte de la menace de la paix et de la sécurité ayant justifié la création de la Monuc en 1999 n'est plus le même à ce jour. Les capacités de nuisance des groupes armés qui faisaient la loi dans de vastes étendues du territoire ont été ramenées à la portion congrue grâce à l'action des Farde soutenues par la Monuc. Les cas de violations graves des droits de l'homme et d'insécurité sont pour la plupart confinés dans moins de cinq territoires sur les 145 du pays dans deux provinces sur onze. Partout ailleurs, la délinquance et la criminalité relèvent plus de la Police.
Contrairement aux allégations non documentées d'accusateurs connus pour leur tendance à broder sur les faits pour les besoins de la Charity business, les FARDC ne constituent certainement pas " la plus grande menace contre les populations du Kivu" comme le prétendent certains. International Rescue Committee a estimé à 5,4 millions le nombre total des Congolais tués du fait des guerres provoquées par la présence des rebelles hutus rwandais à l'Est entre 1996 et 2006, soit 500.000 morts pour tout le pays, ce qui représente une moyenne par province de 45.000 morts par an. Après l'intervention des FARDC, déployées à l'Est depuis fin 2007, dans le cadre de l'opération conjointe Umoja Wetu puis de concert avec la Monuc (Kimia II et Amani Léo], le chiffre des personnes tuées par an est passé de 90.000 pour les deux provinces du Nord et Sud-Kivu à 1.400, selon une des Organisations les plus virulentes contre l'armée congolaise. Il est difficile face à un tel tableau de donner raison à ceux qui s'évertuent à faire croire au monde entier que l'intervention des FARDC a aggravé les menaces qui pèsent sur les populations civiles au Kivu. Les auteurs de ces fausses interprétations sont en réalité des chauds partisans de la liquidation de l'Etat congolais qui font feu de tout bois pour se donner bonne conscience. On peut se souvenir que dans un passé très récent, leurs semblables s'étaient en tête de déstabiliser la Somalie pour la balkaniser. Après avoir accompli leur sale besogne, ils se sont emmurés dans un silence assourdissant pendant que le monde entier peine à endiguer sur les routes maritimes de l'Océan Indien les conséquences de leurs manœuvres sordides dans ce pays. Ce qui confirme la sagesse des nations qui veut que les conseilleurs ne sont pas toujours les payeurs.