La révision constitutionnelle n’est plus un tabou. Elle ne pouvait l’être dans la mesure où qu’il s’agit d’un exercice constitutionnel conformément au chapitre VIII, article 218 de la Constitution. La réunion interinstitutionnelle vient d’ailleurs de déterminer les premières matières qui pourront faire l’objet d’une révision constitutionnelle. Mais la question fondamentale est celle de savoir si l’on ira jusqu’au bout de cette logique pour toucher aux matières qui constituent le fondement même de la Constitution du 18 février 2006(?). Les premiers gestes ne cachent pas cette intention. Ce qui se fera dans les tout prochains jours ne constituerait qu’un ballon d’essai.
La dernière réunion interinstitutionnelle en date vient de se prononcer clairement sur des questions qui doivent faire l’objet de la révision constitutionnelle. Ce, aux termes de plusieurs réflexions des experts représentant le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat, le Premier ministre, le premier président de la Cour suprême de Justice ainsi que le cabinet du président de la République. Ce groupe de réflexion a convenu de la nécessité de modifier certaines dispositions de la Constitution et de la loi électorale en vue d’opérer un recentrage autour de certains impératifs majeurs.
Les points sur lesquels la réunion interinstitutionnelle s’est prononcée clairement sont les suivants : Découpage territorial ; Recettes à caractère national allouées aux provinces ; l’indépendance du pouvoir judiciaire ; Conseil supérieur de la Magistrature ; Fonctionnement des institutions provinciales ; Droit au retour des députés et sénateurs appelés à d’autres fonctions ; Système électoral ; Extension de la compétence des juridictions militaires.
Mais la réunion interinstitutionnelle qui s’est appropriée le rapport des experts a renvoyé certaines de ses questions à une réflexion approfondie. Allusion faite au mandat du président de la République, de la question de la nationalité, des immunités et du régime politique.
Or à en croire les observateurs avertis, ces points qui ont été envoyés à une étude approfondie constituent le fondement même de la Constitution du 18 février 2006.
C’est-à-dire que l’on vient de toucher à l’article 220 pour des raisons qui seront certainement connues après cet examen approfondi. Cet article stipule : « La forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du Gouvernement, le nombre et la durée des mandats du président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical, ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle. Est formellement interdite toute révision constitutionnelle ayant pour objet ou pour effet de réduire les droits et libertés de la personne, ou de réduire les prérogatives des provinces et des entités territoriales décentralisées ».
Examen approfondi ou ballon d’essai ? Interrogation pertinente dans la mesure où parmi les questions qui ne devraient pas faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle, la réunion interinstitutionnelle s’est prononcée clairement sur « l’indépendance du pouvoir judiciaire », pour ne citer que ce cas.
L’on ne serait donc pas surpris qu’une bataille juridique s’engage dans quelques jours entre les constitutionnalistes tant il est vrai que certains affirment même que l’article 220 de la Constitution est « révisable ». Ce qui expliquerait certainement le fait que des questions qui touchent au fondement même de la Constitution du 16 février 2006 ont été « renvoyées à une réflexion approfondie ».
CURIEUSES COÏNCIDENCES
Mais lorsque l’on rapproche certains faits politiques, l’on constate que le 5 novembre 2007, une proposition de loi constitutionnelle a été présentée à l’Assemblée nationale. Elle portait révision des articles 110, 152 et 197 de la Constitution. Le premier a trait au mandat du député national ou sénateur après la cessation de la fonction incompatible. Après avoir fait l’économie de cette proposition, il a été suggéré que l’on insère un nouvel alinéa à l’article 110, qui sera l’alinéa 6 pour être libellé de la manière suivante : « Un député national ou un sénateur nommé à toute fonction incompatible avec l’exercice du mandat parlementaire cesse de siéger et reprend celui-ci de plein droit après la cessation de cette fonction ».
La réunion institutionnelle qui s’est penchée sur le même sujet a suggéré que pour des raisons évidentes « le retour pur et simple des députés ou sénateurs dans leurs chambres respectives en vue de parachever leur mandat d’interruption honorable des fonctions aux quelles ils ont été appelés ». Premier fait.
Deuxième fait. De la révision de l’article 152 portant attributions et composition du Conseil supérieur de la magistrature. La suggestion proposée est la suivante : Ainsi, l’article 152 alinéa 2 actuel de la Constitution doit être abrogé et remplacé par les alinéas suivants : « Le Conseil supérieur de la magistrature est composé du président de la République, du ministre de la Justice, des magistrats et des personnalités indépendantes issues de la Société civile.
« Le président de la République préside le CSM. Il peut être remplacé par le ministre de la Justice qui en est le vice-président.
« Une loi organique détermine la composition, l’organisation et le fonctionnement du CSM ».
La réunion interinstitutionnelle propose de ramener la composition du Conseil supérieur de la magistrature dans le domaine de la loi.
Troisième fait. De la révision de l’article 197 de la Constitution. La proposition de loi s’est attardée sur la question de l’immunité qui devrait être étendue jusqu’ aux députés provinciaux.
La réunion interinstitutionnelle a renvoyé cette question à un examen approfondi. Mais empressons-nous de relever qu’à cette époque, le président de la République avait rejeté l’idée d’une quelconque révision constitutionnelle. Soit.
Pas plus tard que dans une interview accordée au journal Jeune Afrique, publiée dans son édition du 10 mars 2010, Olivier Kamitatu, ministre au Plan, répondait en ces termes à une question sur la réforme de la Constitution : « Une coalition entraîne toujours de blocages mais ceux-ci tiennent aussi à notre Constitution. C’est un copier - coller de la Vème République française. Notre démocratie n’est pas aussi achevée que celle de la France. Le chef de l’Etat doit avoir plus de pouvoir. Au lieu d’un binôme « Président - Premier ministre », nous avons besoin d’un leadership fort avec une autorité bien établie ». Et les journalistes de Jeune Afrique d’insister : Appelez-vous à la suppression du poste de Premier ministre ? « Un régime présidentiel peut effectivement se passer d’un Premier ministre », a répondu Olivier Kamitatu.
Ces deux curieuses coïncidences touchent à la forme républicaine de l’Etat, à la forme représentative du gouvernement, à la durée des mandats du président de la République. Les mêmes points font partie des questions renvoyées à un examen approfondi par la réunion interinstitutionnelle. – C’est tout dire.