Alors que la Cour suprême de justice vient de le reconnaître légalement dans ses fonctions, le président de la chambre délibérante de Kinshasa a totalement perdu la confiance de 36 sur 48 de ses collègues députés provinciaux.
Roger Nsingi demeure le seul président légalement reconnu de l'Assemblée provinciale de Kinshasa. Ainsi en a décidé la Cour suprême de justice dans un arrêt rendu le 26 octobre 2010 à la suite de la requête introduite par Nsingi le 20 septembre dernier après sa "destitution" par 36 des 48 députés provinciaux réunis au cours d'une plénière présidée par le vice-président de leur bureau. Par sa décision, la Cour suprême de justice a ainsi déclaré anticonstitutionnelles et nulles les résolutions 002 et 003 de l'Assemblée provinciale de Kinshasa. Ces résolutions portaient, respectivement, sur les pleins pouvoirs accordés au vice-président de l'APK pour conduire les débats, et sur la déchéance du député Roger Nsingi de ses fonctions de président. De facto donc, l'élection d'un autre président intervenue dans les couloirs du Palais du peuple est nulle et de nul effet.
Dans ses arguments, la Cour suprême avance que la résolution 003 destituant Roger Nsingi ne comporte pas de motivation sur les griefs éventuellement portés à charge du concerné. De plus, la décision est intervenue sans que le concerné n'ait eu la possibilité de présenter ses moyens de défense.
Quant à la résolution 002, la CSJ estime qu'elle a été prise en violation de l'article 64 de la constitution, puisqu'émanant d'un groupe de personnes et non pas de la majorité des députés tel que le prévoient les articles 58 alinéa 2, 59 alinéa 2, 63 et 65 alinéa 1 du règlement intérieur de l'Assemblée provinciale de Kinshasa.
La Cour a donc estimé que les moyens présentés par Roger Nsingi sont fondés, tout en soulignant que sur pied de l'article 64 alinéa 2 de la constitution, "aucun individu ou groupe d'individus ne peut prendre le pouvoir, quel qu'il soit, par la force et au mépris des formes prescrites, notamment les droits de la défense."
La crise de légitimité demeure
Ainsi est close la dimension juridique et judiciaire de la crise qui paralyse l'Assemblée provinciale de Kinshasa depuis plus de deux mois. Mais les observateurs retiennent que l'essentiel de la question reste entier, à savoir la légitimité dont doit jouir Nsingi pour être écouté de ses collègues députés provinciaux. C'est, en effet, un groupe de 36 députés sur 48 qui se sont prononcés pour son départ, quoique dans des conditions légalement peu recommandables. Et au regard de leur attitude vis-à-vis de Roger Nsingi qui, par ailleurs, n'est plus en odeur de sainteté - comme Président - au sein de son propre parti politique, le MLC, on n'a même pas à parier sur le fait que l'homme ne saura plus contrôler ses troupes pour réussir à constituer un quorum valable pour présider une plénière. Les faits précédant le droit, il va donc falloir que les protagonistes trouvent une solution à ce volet afin de libérer l'APK des démons de la crise qui la tenaille.
Il y a quelques temps, en effet, des propositions avaient été avancées pour amener Roger Nsingi à s'incliner devant l'évidence et se trouver une sortie honorable : soit qu'il convoquait une plénière négociée pour présenter sa démission, soit qu'il le faisait à travers une correspondance adressée au bureau. Dans les deux cas, c'est à lui que devrait revenir, comme Vital Kamerhe à l'Assemblée nationale, la tâche de présider la plénière d'élection de son successeur.
Pour rappel, c'est le 13 août 2010, au cours d'une plénière qui devait statuer sur la déclaration de déchéance de Nsingi, que devait être débattue cette question. Après avoir échoué à convaincre le concerné de passer la question au débat, et alors que Nsingi avait suspendu la plénière, 36 députés resteront dans la salle des spectacles du Collège Boboto pour, d'abord " investir " le vice-président comme président de séance, ensuite voter la destitution de leur président. S'en suivra alors une confusion dans le fonctionnement de l'Assemblée provinciale avec des plénières convoquées par Nsingi, mais qui ne connaîtront pas le moindre quorum, et d'autres convoquées par le camp adverse, mais qui ne se tiendront pas puisque la police, sur réquisition du Parquet général, leur interdisait l'accès à la salle.
En désespoir de cause, la " bande à 36 " écumera la ville avant d'aller échouer dans les couloirs du Palais du peuple, après avoir été chassée de la salle de cinéma, pour élire un nouveau président, toujours du MLC.