Le Représentant spécial des Nations unies en RDC, William Swing, a fait le point sur l’actualité et le rôle de la MONUC en cette fin de la transition politique, lors de sa rencontre hebdomadaire avec les auditeurs de radio Okapi, le samedi 9 septembre 2006. Entre-temps et dans un cadre plus global, nous continuons de déployer des efforts pour soutenir les FARDC, surtout à l’est, pour faire rentrer chez eux les éléments armés, notamment les 9000 éléments étrangers armés, pour la plupart par des Rwandais interahamwe qui doivent être rapatriés afin de ramener la paix dans cette partie du pays.
Que prévoient la Communauté internationale, le CIAT et le Gouvernement congolais pour sécuriser la campagne du deuxième tour des présidentielles, surtout après ce qui s’est passé à Kinshasa?
W. Swing : Premièrement, c’est la Police Nationale Congolaise qui est responsable de la sécurisation des élections ; ceci est inscrit dans un décret présidentiel qui date du 6 mai 2005. Toutefois, nous avons, avec d’autres partenaires, notamment l’Union Européenne, la France, l’Angola, l’Afrique du Sud et bien d’autres pays, pris l’engagement d’aider la RDC à former 50.000 policiers pour sécuriser les 40.000 bureaux de vote à travers le territoire national.
Deuxièmement, il y a un comité de coordination, c'est-à-dire un comité de pilotage chargé de la sécurisation des élections qui se réunit régulièrement sous la supervision du ministre de l’Intérieur et d’autres ministres comme ceux de la Défense, de la Justice ainsi que la CEI, les responsables de la Police et les bailleurs de fonds, pour planifier la sécurité des élections.
Pourquoi la MONUC ne peut-elle pas désarmer les milices des deux candidats au second tour et assurer leur protection jusqu’aux élections?
W. Swing : Il faut revenir en arrière par rapport à cette question. La garde républicaine du président Kabila et l’unité de protection du vice-président Bemba sont des unités des FARDC. Deuxièmement, il faut constater que ces 2 unités ne sont pas brassées. C'est-à-dire qu’elles sont parmi les 87000 éléments des FARDC qui ne sont pas passés par un des 6 centres de brassage et de recyclage disséminés à travers le pays. Il est vrai qu’il y a trop de troupes et d’armes dans la ville de Kinshasa.
Depuis les événements malheureux du 20 au 22 août, la MONUC a assuré la protection du vice-président Bemba à la demande du président Kabila. Il ne faut pas oublier aussi que nous avons, pendant la période 2003 jusqu'à mai 2006 assurer la protection du vice-président Bemba et du vice-président Ruberwa selon les accords de Sun City et de Pretoria. Mais on a enlevé cette protection avec le début de la campagne électorale. Aujourd’hui, si c’est le vœu des deux candidats de voir la MONUC les assister dans leur protection, nous sommes prêts à le considerer, mais pour le moment, ça n’a pas été demandé.
Combien de temps la MONUC va-t-elle rester au Congo après la mise en place des nouvelles institutions?
W. Swing : C’est une très bonne question, mais il m’est difficile d’y répondre, parce que les éléments de réponse ne sont pas dans mes mains. Je dirai surtout qu’une telle décision, celle de prolonger la présence de la MONUC, dépendra largement de deux considérations.
Premièrement, quel sera le vœu du nouveau gouvernement élu, qu’est-ce qu’il voudra faire? Est-ce qu’il demandera à la MONUC de rester comme elle est ou voudra-t-il voir la MONUC dans une autre configuration ? Ce sont des questions auxquelles je n’ai pas présentement de réponses. Deuxièmement, tout dépendra aussi du Conseil de sécurité. Parce que nous sommes une institution créée par le Conseil de Sécurité. Ensuite, il faut savoir faire la distinction entre la fin de la transition et la fin des tâches de la transition.
La transition va finir avec l’installation d’un Président élu, mais les tâches de la transition vont se poursuivre, parce que au moins 40 pour cent des tâches ne sont pas achevées. Il reste encore beaucoup de choses à faire pour former une nouvelle armée, une nouvelle police. Il reste au moins 9000 éléments étrangers à l’est du pays ; il reste le problème du déminage, la restauration de l’autorité de l’Etat à travers ce vaste pays.
Mais la MONUC est aussi en compétition avec d’autres missions de maintien de la paix à travers le monde : il y en a 18 au total. Cette compétition devient de plus en plus féroce. Au mois d’août, pour la première fois dans l’histoire des Nations Unies, le Conseil de Sécurité a approuvé 3 nouvelles missions de maintien de la paix y compris le Liban. Le budget, qui était il y a 5 ans de moins de 3 milliards, est passé à plus de 5 milliards et va dépasser probablement 8 milliards en 2007.
C’est pour ça que votre question nous renvoie aussi à la décision du Conseil de Sécurité. Toutefois si vous me demandez si la MONUC a encore des tâches à accomplir en RDC, je dirai oui.
Le CIAT et la CEI ont-il prévu le 2eme tour de l’élection présidentielle ? Si oui pourquoi ne l’ont-ils pas organisé selon la Constitution?
W. Swing : La question de l’article 71 est beaucoup discutée aujourd’hui. Le problème est plutôt pratique. Sur le plan pratique et logistique, il est impossible d’organiser le deuxième tour dans un délai de 15 jours. Ce qu’on doit savoir c’est qu’il faut commencer les préparatifs, et nous avons déjà commencé. Nous sommes en train d’acheminer depuis le 5 septembre dernier 1200 tonnes de kits électoraux de l’Afrique du Sud vers le Congo. Après cela, il faut distribuer ces kits dans 50000 bureaux de vote, souvent dans des endroits très isolés. Avec tout cela, je crois que nous avons besoin de tout le temps qui nous reste, surtout que nous avons perdu une semaine après les malheureux évènements de Kinshasa, entre le 20 et le 22 août.
Quelle est la réaction de la MONUC suite à la déclaration de Karel de Gucht qui dit qu’il faut mettre le Congo sous tutelle internationale, même après les élections. Et que deviendra le CIAT après les élections?
W. Swing : La MONUC est une institution du Conseil de Sécurité et elle reçoit ses mandats directement des 15 membres du Conseil de Sécurité. Les mandats de la MONUC sont très clairs : nous sommes ici pour jouer un rôle de soutien, celui d’assister le gouvernement et les institutions de la transition.
Et nous les soutenons sur plusieurs volets : faire repartir les troupes étrangères qui sont toujours à l’est, aider la FARDC à venir à bout des groupes armés afin de ramener la paix en Ituri, aider la police à protéger la population civile, surtout les femmes et les jeunes filles et les enfants contre les violences sexuelles, soutenir le gouvernement et la CEI à organiser de bonnes élections.
Quant au CIAT, c’est une institution unique en son genre. C’est une institution de la transition en soi, mentionnée dans tous les accords. Le CIAT a une grande responsabilité, avec les autres institutions, quant à l’accomplissement de la transition, en particulier des élections, parce que c’est la dernière étape de la transition. Mais, en ce qui concerne l’avenir, en tant qu’institution de la transition, le CIAT va cesser d’exister, comme les autres institutions de la transition, lorsque le nouveau président sera élu et entré en fonctions.