Tel qu'il est mené actuellement, le programme de démobilisation et de réforme de l'armée de la République démocratique du Congo (RDC) risque de mettre en péril toute l'évolution politique du pays et sa stabilité future, a déclaré Amnesty International ce jeudi 25 janvier 2007.
Mis en œuvre sans réelle volonté politique, le processus national de démobilisation et de réforme s'est accompagné jusqu'à présent de violations graves des droits humains et n'a pas permis un contrôle efficace des soldats, a révélé l'organisation dans un rapport détaillé.
«L'échec du programme de démobilisation et de réforme de l'armée risque de déclencher un nouveau cycle de crises politiques et militaires qui pourrait entraîner une escalade de la violence ainsi qu'une détérioration de la situation humanitaire et des droits humains, dans un pays déjà ravagé par la guerre, a déclaré Tawanda Hondora, directeur-adjoint du programme Afrique d'Amnesty International. Cette aggravation pourrait avoir des conséquences désastreuses pour des centaines de milliers de personnes.»
La majorité des atteintes aux droits humains signalées actuellement dans le pays sont imputables aux unités – intégrées ou non – des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC, l'armée nationale).
En septembre 2006, la première brigade intégrée de la nouvelle armée a tué au moins 32 personnes à Bavi, en Ituri. Sept des dix soldats arrêtés ont été mis en accusation pour crimes de guerre. Plus récemment, le 11 janvier 2007, plus de 250 militaires d'une unité intégrée des FARDC basée à Bunia ont semé la terreur durant toute la nuit dans la ville, pillant habitations et magasins et violant plusieurs femmes, selon les témoignages recueillis.
«La réforme de l'armée n'est pas seulement une mesure technique souhaitable ; c'est un passage obligé sur le chemin de la paix et de la stabilité en RDC, a affirmé Tawanda Hondora. La démobilisation, composante essentiellement civile, et la réforme de l'armée, initiative militaire, sont liées de manière indissoluble. Le succès de l'une dépend de la réussite de l'autre.»
Déterminés à conserver le contrôle du pouvoir, un grand nombre de commandants de groupes armés se sont montrés hostiles au programme de démobilisation. Ils n'ont pas hésité à perpétrer des homicides, des actes de torture et d'autres atteintes aux droits humains pour empêcher leurs membres de participer au processus.
La base des groupes armés a malgré tout répondu massivement de manière favorable au programme. Dès le lancement de celui-ci, les centres de réception ont été pris d'assaut par les miliciens qui devaient choisir entre l'intégration – après une période de formation – dans la nouvelle armée nationale et la réinsertion dans la vie civile.
«Les manquements du programme sont d'autant plus navrants que celui-ci a été accueilli de manière positive, a poursuivi Tawanda Hondora. Des milliers de combattants qui s'étaient présentés pour être démobilisés ont été laissés sans formation, sans proposition d'emploi digne de ce nom et sans rémunération décente. Beaucoup ont eu l'impression d'avoir été trompés et ont demandé qu'on leur restitue leurs armes.»
Un ex-combattant démobilisé en Ituri a déclaré à Amnesty International :
«Ces gens nous ont trompés. Nous avons rendu les armes au péril de nos vies […] Certains de nos amis sont tués du fait d'avoir adhéré au plan DRC. Maintenant, nous ne pouvons plus vivre dans nos villages, les gens cherchent à nous tuer. Nous sommes incapables de nourrir nos familles, même le frais du loyer n'est pas payé. La solution est que ces gens remettent nos armes.»
Des organisations locales de défense des droits humains ont constaté une recrudescence des pillages, des actes d'extorsion et des crimes qui, indiquent-elles, sont commis par d'anciens militaires ou membres des groupes armés qui n'ont pas été réinsérés au sein de leur communauté ou intégrés à l'armée.
Amnesty International a également exprimé sa préoccupation à propos des activités de la Garde républicaine, l'ancien Groupe spécial de sécurité présidentielle (GSSP). Ce corps d'élite responsable de la sécurité du président de la RDC compterait plus de 10000 soldats, qui sont déployés à travers l'ensemble du pays.
«Bien que la Garde républicaine fasse désormais en principe partie de l'armée nationale, elle se comporte à l'évidence comme une armée indépendante au sein des FARDC et agit manifestement en dehors de toute chaîne de commandement des forces nationales», a précisé Tawanda Hondora.
Selon des témoignages recueillis par Amnesty International, les soldats de la Garde républicaine s'en prennent à la population civile, soumise régulièrement au harcèlement et au vol, entre autres violations graves des droits humains.
Des membres des forces armées indiquent que la Garde républicaine n'est responsable que devant le président.
«Le cadre permettant la création d'une armée véritablement nationale, apolitique et respectueuse des droits humains existe bel et bien, a souligné le responsable d'Amnesty International. Il reste désormais à le traduire dans les faits. Il est absolument essentiel que le nouveau gouvernement s'engage à mener à terme dès que possible la réforme de l'armée, et à faire en sorte que la Garde républicaine fasse partie de ce programme.»
Amnesty International a notamment demandé au gouvernement de la RDC de :