Les chefs de Mission des Etats membres de l’Union Européenne en RD Congo ont lu à la presse, le 27 mars 2007, une déclaration dans laquelle ils expriment leur « indignation » suite aux graves affrontements armés qui ont eu lieu à Kinshasa du 22 au 25 mars 2007. Selon l’ambassadeur de l’Allemagne, le nombre des morts pourrait atteindre 600.
Les représentants de l’UE « déplorent le recours prématuré à la force alors même que toutes les voies de négociation n’étaient pas encore épuisées ». Comme l’a précisé l’Ambassadeur d’Allemagne, Karl-albrecht Wokalek «l’Union européenne négociait depuis 10 jours avec les deux parties, on était sur la voie du dialogue pour trouver une solution au désarmement de la garde de l’ex vice-président».
Unanimement, les Chefs de Mission des Etats membres de l’Union Européenne en RD Congo ont exprimé leur « indignation » suite aux affrontements armés qui ont opposé les FARDC, la Garde Républicaine et la Police nationale congolaise, d’un coté, et les éléments assurant la protection du Sénateur Jean Pierre Bemba de l’autre.
Aussi, ils déplorent les moyens militaires déployés qui se sont «avérés inadaptés » car ils ont causé « la perte de nombreuses vies humaines parmi lesquelles des civils».
Par ailleurs, ils condamnent les pillages et les viols commis par « les militaires des deux camps » et demandent aux autorités congolaises d’appeler les forces de l’ordre « à la retenue et à la discipline ».
Garantir la libre expression
De même, ils demandent aux autorités congolaises «de tout mettre en œuvre pour garantir la libre expression de toutes les opinions politiques», notamment celle de l’opposition. C’est pourquoi l’Ambassadeur du Royaume Uni, Andy Sparkes, a attiré l’attention sur le fait que «M. Bemba a gagné 42% du vote du peuple congolais et quoi que l’on pense des événements des derniers jours, cela lui donne une certaine importance sur le plan politique. Et la stabilité de ce pays est attachée à ce qui arrivera à M. Bemba». L’Ambassadeur d’Allemagne a ajouté qu’il «doit y avoir un cadre pour l’opposition politique pour manœuvrer dans un système démocratique républicain de type parlementaire».
«Le processus a été gravement blessé et il faut absolument le guérir », a renchéri l’ambassadeur du Royaume Uni. Aussi, « il faut un nouvel esprit de réconciliation et nous voulons voir un vrai engagement de la part des autorités d’accepter le rôle légitime et important d’une opposition démocratique, et de réaffirmer l’importance de la liberté d’expression dans ce pays ».
Respect des Droits de l’Homme et de la Convention de Vienne
L’Union Européenne « exige » par ailleurs le respect des Droits de l’Homme et du Droit international humanitaire et demande que les auteurs des crimes et pillages soient jugés. Aussi, les Chefs de Missions des Etats Membres ont « prix acte des excuses des autorités congolaises » en ce qui concerne la violation de la protection des missions diplomatiques ainsi que de leurs agents.
Cependant, l’Ambassadeur du Royaume Uni a tenu a affirmer qu’il y « a toujours dans le pays, un esprit de guerre; et c’est un esprit de guerre comme la malaria. Nous avons pensé que nous l’avions guéri avec une grande dose de quinine avec des élections libres et transparentes. Il faut finalement pour le bien être du peuple l’éradiquer». Il propose de « remplacer cet esprit de guerre par un esprit de réconciliation et d’inclusivité » car « c’est la seule voie pour la stabilité dans ce pays ».
L'ambassadeur de l'Union Européenne au Congo, Carlo de Filippi, a pour sa part estimé que « nous devons continuer à travailler pour faire en sorte que ce dialogue, cette inclusivité aient le dessus sur la violence. Pour que la démocratie soit effective, il faut créer les conditions pour qu’elle s’exprime ». Et il y faut « un cadre politique et législatif ». « Et nous comptons travailler sur ce cadre pour que l’investissement et l’aide au développement puisse être encore plus effectif ». Dans ce cadre, « il y a un pilier important, c’est la réforme du secteur de sécurité… qui nécessite une réforme en profondeur ».
C’est cette nécessité qui amène l’Ambassadeur d’Allemagne a déclaré que « les Ambassades d’Italie, de Grèce et d’Espagne ont essuyé des attaques directes de leurs bâtiments qui sont protégés par la convention de Vienne ». Et l’Ambassadeur d’Italie, Léonardo Baroncelli, de préciser qu’en particulier l’Article 22 de cette convention « prescrit l’inviolabilité d’une mission diplomatique, de la résidence du chef de la mission et l’obligation spéciale de l’Etat créditaire de prendre toutes les mesures appropriées pour garantir que les locaux des missions diplomatiques ne soient pas envahis ou endommagés, que leur paix ne soit pas troublée et que leur dignité ne soit pas amoindrie».
L’Ambassadeur de la Grèce, Ioannis Christofilis, a souligné avoir obtenu la promesse des autorités congolaises qu’il y aura une enquête officielle pour « trouver qui et avec quelle responsabilité, sous quelles conditions, ou pour quelle raison on a visé concrètement le drapeau grec et l’ambassade » ainsi que « l’ambassade d’Espagne avec des tirs d’armes lourdes tout comme les bâtiments de l’UNICEF et de la BIAC qui travaille pour le développement de ce pays ».
Néanmoins, ils ont tous estimé que ces violations ne doivent pas constituer un chantage par rapport à l’aide qui bénéficie au peuple congolais pour contribuer à le sortir de la pauvreté. C’est pourquoi l’Ambassadeur d’Allemagne a précisé que « l’aide est pour le peuple congolais et non pour le gouvernement. On n’utilise pas l’aide comme une arme contre le peuple congolais ».
Enfin, l’Ambassadeur de la Grande Bretagne a conclut en disant : «nous sommes ici devant vous pour exprimer notre solidarité avec peuple congolais qui a beaucoup souffert ».