Corruption généralisée, manque d’indépendance et impunité, c’est le constat fait dans le secteur judiciaire par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur l’indépendance des juges et des avocats, Leandro Despouy, après son séjour en RDC entre le 15 et le 21 avril 2007.
ENTRETIEN
Quelle est votre évaluation sur la justice en RDC?
Parmi les institutions de ce pays, la justice est le parent pauvre, c’est l’institution qui se trouve dans la situation plus préoccupante. D’abord c’est une justice qui ne compte pas les moyens nécessaires pour fonctionner, les magistrats ne sont pas payés ou très mal payés, il a beaucoup d’endroits où il n’y a pas des tribunaux ou bien il y a des tribunaux qui n’ont pas des juges, ensuite il n’y a pas des moyens logistiques pour mener des enquêtes. Les conséquences de cet état des lieux sont une corruption généralisée, le manque d’indépendance, dont une justice vulnérable face aux autres pouvoirs de l’Etat, et l’impunité qui se traduit entre autres par le manque d’accès a la justice pour la population en générale. Après ce constat, on peut imaginer quelle est la situation des droits de l’homme.
Après vos entretiens avec les autorités locales, quelles assurances vous ont elles donné?
Sur ce diagnostic il y a un consensus avec les autorités congolaises. J’ai insisté sur le fait que dans cette nouvelle étape, si c’est vrai qu’il y a une nouvelle étape dans le pays, la construction de la justice doit être une priorité. J’ai pu comprendre que les autorités ont conscience de ce fait et aussi que pour y arriver a cela il faut se doter des instruments légaux qui manquent, notamment la loi portant la création du Conseil Supérieur de la Magistrature, la Cour Constitutionnelle et la Cour de Cassation, parmi d’autres. J’ai aussi rencontré les parlementaires et je les ai demandé d’octroyer a la justice un budget en accord a ses besoins, c'est-à-dire un appui économique beaucoup plus grande. La communauté internationale doit aussi s’impliquer dans la construction du secteur judiciaire et je le dis d’autant plus que la coopération ne doit pas être seulement au niveau matériel mais aussi des ressources humaines, c’est une pre-condition pour le redressement de la justice dans le pays et pour le respect des droits de l’homme.
En parlant de la coopération internationale, pouvez vous nous donner des exemples d’une collaboration réussie entre la MONUC et le gouvernement congolais?
En ce qui concerne les droits de l’homme, le rôle qui joue la MONUC est très important surtout du point de vue de la dissuasion, cela veut dire qu’on est présent un peu partout sur le territoire congolais car l’Etat n’est pas en conditions de le faire et ça contribue a une surveillance accrue du respect des droits de l’homme. On peut imaginer ce qui pourrait arriver si la MONUC n’était pas la. Je citerai deux cas concrets de collaboration réussie, parmi d’autres. Celui des viols massifs à Songo Mboyo où des enquêtes menées par la Division des droits de l’homme de la MONUC et le gouvernement congolais ont conduit a la condamnation des officiers des FARDC pour des crimes contre l’humanité. L’autre cas est celui du chef Kalwa qui a été condamne a 20 ans de prison aussi pour des crimes contre l’humanité.
Quels sont les grands traits des recommandations que vous allez faire au Haut Commissariat des Droits de l’homme?
Les grands traits sont évidement de lui donner à la justice la priorité qu’elle mérite non seulement au niveau de l’aide en générale mais concrètement au niveau matériel et budgétaire, et bien sur le cadre légale qui manque pour sa construction comme sont les lois que j’ai cité toute a l’heure. Il y a aussi le problème des avocats qui ne peuvent pas plaider a cause des menaces ou fautes des moyens, une loi concernant le barreau doit être mise en place pour garantir le droit à la défense qui est inscrit dans la Constitution. Je ferai aussi une recommandation sur la maîtrise des ressources naturelles qui au lieu de profiter à la population sont souvent une source de violations des droits de l’homme. Si on voit l’histoire du pays on se rend compte que la distribution inégale de ses ressources et le non respect des lois ont conduit à des violations des droits de l’homme. La justice doit jouer un rôle important dans le redressement de cette situation.
Etes vous en faveur de la peine de mort?
Non, je ne suis pas en faveur de la peine de mort, il n’y a aucun argument avancé par les partisans de la peine de mort qui peut me convaincre, je suis convaincu de l’inutilité de la peine de mort, quand l’Etat exécute cette peine il donne un message cruel et pervers, donc je ne suis pas contre seulement au niveau morale mais c’est une méthodologie qui nous emmène au moyen age dans laquelle le supplice était une partie de la peine, avec le temps on a compris que quand on va sanctionner quelqu’un on le fait pour l’améliorer, pour le reformer mais pas pour le détruire.
Et dans le cas de la RDC?
Après la guerre et ses conséquences catastrophiques, les pays ont besoin d’une réconciliation nationale. Ceci s’applique à la RDC où l’abolition de la peine de mort ou bien un moratoire en attendant son abolition, peut contribuer beaucoup à la réconciliation de tous les Congolais.