En l'espace de trois mois, Joseph Kabila aura foulé le sol kasaïen deux fois. Dimanche dernier, au sortir des cultes et messes, les habitants de Mbuji-Mayi ont gagné l'aéroport de Bipemba pour accueillir, une fois de plus, le Président. La veille, Etienne Tshisekedi lançait sur France 24 son appel de Paris. Simple coïncidence? Hasard de calendrier ? Pas si évident en cette période politiquement fort suspecte.
Certes, avec sa casquette de chef de l'Etat, et donc garant de la Nation-au sens républicain du concept-Joseph Kabila peut sillonner la Rdc de part en part et en tout temps. Histoire de se rendre compte de l'état réel du pays. Mais, il est des périodes qui confèrent forcément une connotation particulière aux faits et gestes d'un acteur politique, président de la République, soit-il. A moins d'un an de la fin du quinquennat, le pays est en campagne larvée.
Et lorsque le Président atterrit dans le Kasaï, il est difficile de décrypter cette virée à la seule aune de l'agenda officiel. Personne, en commençant par le Raïs, n'ignore que 2011 n'est plus loin. Nul n'est sans savoir non plus que l'espace kasaïen avait suivi majoritairement le mot d'ordre de boycott des élections lancé par Etienne Tshisekedi. Et que ceux des Luba-Kasaï qui avaient voté l'avaient fait contre Joseph Kabila et ses partisans. Ce fut une véritable bérézina pour le camp présidentiel.
La présence du Président sur les terres kasaïennes prend aussi un relief particulier du fait qu'elle survient au lendemain de la rentrée médiatique du leader de l'Udps. Avant son grand retour au pays, prévu pour début décembre, Etienne Tshisekedi a puisé dans son lexique traditionnel d'opposant radical pour tirer à boulets rouges sur le pouvoir en place. Le même discours nihiliste avec lequel le lider maximo descendait en flammes Mobutu et même Kabila père, a été déversé sur la majorité actuelle.
Le leader de l'Udps, candidat déclaré à la prochaine présidentielle, donne le ton de sa campagne. Tout le problème, c'est que pour excessive qu'elle puisse paraître, la charge de Tshisekedi peut trouver un écho favorable dans les bas quartiers de grandes villes au regard de la misère ambiante. Etienne Tshisekedi est d'autant plus à l'aise sur ce terrain que l'homme joue au censeur depuis trois décennies. A lui le beau rôle de demander des comptes aux gestionnaires. A ces derniers la posture ingrate de rendre compte.
Surtout, la vulgate tshisekedienne pourrait bien avoir valeur de vérité d'Evangile dans son fief du Kasaï. Nous revoici dans les prémices du combat de Mbuji-Mayi. Sur ses terres kasaïennes, Tshisekedi est plus qu'un leader politique. C'est une icône. C'est un gourou. Pas sûr que l'investissement -au propre comme au figuré- du camp présidentiel fasse tomber ce mythe vivant.