Il est de ces signes qui ne trompent pas. L'on assiste effectivement à une succession d'événements depuis la rentrée parlementaire à telle enseigne que l'agitation politique est manifeste dans tous les états-majors des partis politiques. Les festivités du 11è anniversaire de la prise du pouvoir de l'AFDL, arrosées par une multitude de déclarations politiques, comme pour précipiter une « décision politique », ont retenu l'attention des observateurs avisés de la politique congolaise. Car, bien avant cela, il y a eu les débats très animés autour de la Convention sino-congolaise; du contrat SNEL-Mag Energy, de la désignation du porte-parole de l'Opposition, et pas plus tard que lundi 19 mai, l' audition du Rapport de la mission d'enquête sur les terrains et maisons de l'Etat spoliés. Sans oublier bien sûr la grande opération de séduction de la « troïka financière » congolaise auprès des institutions de Bretton Woods et de la Bad dans la perspective d'un soutien financier conséquent. Le tout sur fond d'un éventuel remaniement ministériel. Autant de signes annonciateurs d'un nouvel événement politique.
La République démocratique du Congo a besoin d'un second souffle. Sous d'autres cieux, il serait question d'accélérer les réformes en vue de donner une nouvelle impulsion à l'effort global de reconstruction nationale.
Le déclic est venu certainement de différentes déclarations politiques qui, aussi paradoxales soient-elles, ont émaillé les festivités marquant le 11è anniversaire du renversement de Mobutu par l'Afdl. Comme si ceux-là même qui ont réussi cet exploit voudraient faire le constat d'une « révolution dévoyée ». Ils ont appelé à un réajustement politique. Que ce soit les ténors du Regroupement des Kabilistes, REK, le M.- 17? ils ont donné de la voix en faisant l'état des lieux de la situation politique et économique en République démocratique du Congo. Ils venaient de constater sûrement un certain « immobilisme » et un « déviationnisme ».
Au sein du PPRD, les contradictions qui ont apparu lors du débat sur le contrat MagEnergy seraient consécutives à un malaise qui couve au sein de ce parti. D'aucuns ont parlé d'une indiscipline mais qui pourrait être le ras-le bol avant de jeter le pavé dans la mare lors de cette plénière à l'Assemblée nationale. Avec la possibilité d'entraîner des répercussions négatives sur la plate-forme, Alliance de la majorité présidentielle, AMP, lors de l'examen des grandes questions nationales au Parlement.
CONVENTION SINO- CONGOLAISE : LE DECLIC
Apparemment, tout est parti du débat ouvert sur les termes de la Convention sino-congolaise, communément appelée « Contrats chinois ». L'information livrée par le gouvernement, à travers la prestation du ministre des Infrastructures, Travaux publics et Investissements, Pierre Lumbi, a permis de constater que même au sein de la majorité, quelques parlementaires soutenaient le point de vue exprimé par l'Opposition qui a réclamé la renégociation des termes de ce contrat. Du fait qu'à la plénière intervenue après le boycott des députés de l'Opposition, l'on se soit attardé sur la définition des concepts ; « recommandations ou observations » démontre clairement la diversité des points de vue. Tout indique que certains députés de la majorité n'ont pas apprécié l'approche ayant abouti à la signature de cette convention. Qu'une campagne de sensibilisation soit déclenchée pour soutenir « les contrats chinois » justifie amplement cette thèse.
La tension est montée d'un cran lors du débat sur le contrat « SNEL Mag Energy », qualifié de contrat léonin. Même au sein du gouvernement, les ministres n'ont pas parlé le même langage, donnant l'impression qu'il y avait quelque chose de louche dans ce contrat. De manque de cohésion avec cette impression que quelques dossiers à caractère national ne sont pas suffisamment discutés au niveau du gouvernement. Compte tenu de la gravité des faits relevés tant par les députés que les membres du gouvernement et le Comité de gestion de la SNEL, certains observateurs insinuent l'existence d'un « groupe de pression » qui a tout l'air d'un « gouvernement parallèle ». Si tel ne serait pas le cas, il ne reste que l'hypothèse de la chasse aux primes à la signature des contrats. Une situation qui fragilise l'Exécutif tant elle entretient l'existence des réseaux maffieux.
Comme si cela ne suffisait pas, le Rapport de la Commission d'enquête des terrains et maisons de l'Etat spoliés vient appuyer cette dernière thèse. Un rapport accablant susceptible de relancer le débat politique.
PORTE-PAROLE DE L'OPPOSITION
L'agitation est également perceptible au sein de l'Opposition. Plus précisément en ce qui concerne la désignation du Porte-parole. Jusqu' à preuve du contraire, c'est le sénateur Jean-Pierre Bemba, président national du Mouvement de libération du Congo, Mlc, qui était en première ligne.
Du fait qu'il soit encore en exil, d'autres prétendants ne cachent plus leurs intentions de briguer ce poste. Parmi ceux-ci, on cite le nom du député Kiakwama kia Kiziki. Mais la rentrée politique de Me Azarias Ruberwa, président national du Rassemblement congolais pour la démocratie, Rcd, bouleverse déjà les données. Dans sa déclaration politique, il estime que le mandat du « porte -parole » de l'Opposition doit être rotatif. Proposition qui divise l'Opposition. Une situation que suit de très près l'AMP.
Entre-temps, l'Union pour la démocratie et le progrès social, UDPS, ne s'avoue pas vaincue, même si elle demeure en dehors des institutions nationales. Bien au contraire, elle se prépare à relancer les activités du parti après avoir dressé un « bilan très sévère » du gouvernement. Une façon aussi de faire remarquer aux uns et aux autres de l'Opposition que ce poste de porte-parole n'est pas vacant. Il appartient toujours à Etienne Tshisekedi.
La réplique ne s'est pas fait attendre pour dire qu'il est hors de question de continuer à se faire d'illusion. Et que l'Udps n'opérera point de miracle.
REMANIEMENT MINISTERIEL
Toute cette agitation se déroule sur fond d'un probable remaniement ministériel. Le problème consiste à donner un nouveau souffle à l'équipe gouvernementale pour combattre cet immobilisme qui le caractérise depuis quelques mois et que les partenaires extérieurs ont même stigmatisé. La campagne de séduction entreprise par la « troïka financière », entendez les ministres des Finances, du Budget et le Gouverneur de la Banque centrale du Congo, auprès des institutions de Bretton Woods et la BAD, vise à briser cette image. Mais cela suffit-il ?
Il n'est pas seulement question de procéder au remplacement des hommes, mais la vision de la gestion du pays, liée à l'existence d'un « leadership fort » au sommet de l'Etat. C'est ainsi que dans les milieux politiques, on évoque déjà la possibilité de constituer un « gouvernement d'union nationale » dans le but justement d'amener ce second souffle.
Dans ce cas, faudrait-il que les partenaires de l'AMP se mettent d'accord sur ce point, dans l'intérêt supérieur de la Nation, en vue d'éviter une crise politique. Au-delà, l'éclatement de la plate-forme.
Malheureusement, l'agitation qui s'est emparée de toute la classe politique fait que tout remaniement ministériel est vu sous l'angle de la répartition des postes entre partenaires. On est ministre du PPRD, de Palu, de l'Udemo, de l'Arc, du RCD-Kml, et rien d'autre.
Ceci dit, la République démocratique du Congo est à un tournant crucial de son existence. Réussite ou échec de cette législature ? Telle est la question fondamentale. Tous ces grands dossiers évoqués ci-dessus et qui viennent de susciter cet emballement politique ou cette agitation, c'est selon, doivent être gérés avec doigté et haute responsabilité politique.