En dépit de l’organisation en janvier-février 2009, des opérations militaires conjointes entre les armées congolaise et rwandaise au Nord-Kivu d’une part ; congolaise, ougandaise et du Sud-Soudan en Province Orientale, la paix durable ne s’est pas encore installée dans les habitations, les champs, les montagnes, les vallées et les forêts de nos compatriotes vivant dans cette partie de la République. Bien que des actions de nettoyage des poches dites « résiduelles » des rebelles membres des FDLR (Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda) et de la LRA (Armée de Résistance du Seigneur) soient menées par les FARDC (Forces Armées de la République Démocratique du Congo) depuis trois mois, avec le concours logistique de la Monuc, ces deux groupes armés étrangers paraissent plus nuisibles qu’avant.
Ils se livrent, à travers des espaces géographiques qui semblent échapper à tout contrôle des autorités administratives congolaises civiles et militaires locales, à des actions de représailles -exécutions sommaires des civils, incendies des maisons, villages et champs, prises d’otages, pillages des biens, fraudes minières- qui fait penser à une situation de non Etat. Ces « forces négatives » étrangères commencent même à s’aménager des alliés au niveau des groupes armés internes. Tel est le cas des combattants de l’APCLS (Alliance des Patriotes pour un Congo Libre et Souverain), qui étaient aux côtés des FDLR, lors des affrontements du week-end dernier avec les FARDC, dans les villages de Kahira et Butindo, à 30 kilomètres de Kitshanga, dans le territoire de Masisi.
Certes, l’opération Kimia II se traduit par une série de victoires de l’armée nationale sur des groupuscules d’éléments des FDLR, mais ces rebelles rwandais, qui ont choisi de rentrer à l’intérieur des forêts, pour opérer des razzias ponctuelles dans la périphérie des villes, représentent une source permanente d’insécurité.
Aussi, les observateurs se montrent-ils fort pessimistes quant à la tenue, en 2010, des élections urbaines, municipales et locales en Ituri (Province Orientale), au Nord et Sud-Kivu, et surtout des scrutins présidentiels, législatifs et sénatoriaux en 2011. A l’allure où se développe l’insécurité entretenue par les « forces négatives » ougandaises et rwandaises, avec la complicité des éléments armés incontrôlés congolais, il y a lieu d’émettre un doute épais sur les opérations éventuelles de recensement et de révision du fichier électoral dans les zones troublées de l’Est. Le gâchis du processus électoral futur est bien visible, car la RDC risque de connaître, en 2010 et 2011, des élections à plusieurs vitesses.
A quand la paix durable ?
Depuis 2006, la RDC s’était dotée d’institutions nationales animées par des élus du peuple. L’on avait cru qu’à la faveur de la transformation des ex-mouvements rebelles en partis politiques évoluant dans la coalition au pouvoir pour les uns et dans l’opposition institutionnelle pour d’autres, que le spectre de la guerre allait s’éloigner à jamais. Hélas, le pays est retombé dans la spirale de la violence armée à la suite du dysfonctionnement du processus de brassage et de mixage des soldats de l’ex-RCD au Nord-Kivu, au point de donner naissance à une nouvelle rébellion baptisée CNDP (Conseil National de la Défense du Peuple) et de réveiller les combattants de la nébuleuse Mai-Mai, éclatée aujourd’hui en plusieurs micro-rébellions.
La paix durable est toujours absente dans de larges étendues des territoires de la Province Orientale, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, ce qui pousse nombre de nos concitoyens à se demander si d’ici 2010 et 2011, le décor de la guerre pourrait changer. Si les foyers de tension persistent, le verdict est clair : des millions des Congolais de l’Est de la République seraient exclus du processus électoral. D’où, il est temps de réfléchir à des stratégies politiques et militaires de nature à créer des conditions de retour à la paix.
Relancer le débat
Pour d’aucuns, le débat tant décrié et redouté autour de la double présence des armées ougandaises et rwandaises en Province Orientale, au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, avec des résultats qui n’ont pas consacré l’anéantissement total des rebelles de LRA et des FDLR, se doit d’être relancé. Les Congolais de tous les horizons devraient mettre ensemble leurs intelligences pour aider la patrie en danger à trouver des pistes – politiques, diplomatiques ou militaires- susceptibles de conduire vers la construction d’une vraie paix, celle que l’on ne vit pas l’espace d’une parade militaire ou d’un discours politique.
Les citoyens de la RDC de 2010 et 2011 méritent de savoir s’il faille absolument que leur armée et ses alliées de circonstance continuent d’appuyer, sans résultats durables, sur le piston militaire pour faire plier des rebelles ougandais et rwandais qui n’ont nullement envie de se laisser faire ou si la solution devrait passer par le dialogue avec ceux-ci, dans le créneau onusien du désarmement et du rapatriement volontaires, et pourquoi de la promotion d’un dialogue inter-rwandais d’un côté et inter-ougandais de l’autre. En effet, pourquoi Rwandais et Ougandais n’engageraient-ils pas le dialogue de l’autre côté de la frontière, comme cela avait semblé prendre corps entre Museveni et Koni ?