La République Démocratique du Congo (RDC) est en passe d’assister, dans un avenir proche, à une épreuve de force bien particulière entre le chef d’une entité politico-administrative provinciale et une institution nationale, nous avons cité le Sénat. En effet, le gouverneur de la province de l’Equateur, qui avait brillé il y a quelques semaines par son refus d’être entendu par la commission d’enquête du Sénat, vient de relancer les hostilités. Il conteste non seulement la validité des conclusions de la commission dirigées par le sénateur Lunda Bululu, mais en outre ne croit pas que la justice pourrait se saisir de son dossier.
Jean-Claude Baende, gouverneur élu de la province de l’Equateur depuis le 13 novembre 2009, en remplacement de José Makila déchu au mois de février 2009 et dont il avait eu à assumer l’intérim jusqu’en octobre dernier, est monté sur les grands chevaux hier pour s’attaquer au Sénat. Selon le précité, le rapport de la commission d’enquête de cette institution adopté le vendredi 27 novembre et l’accusant d’un détournement avéré des deniers publics (recettes des rétrocessions en provenance du gouvernement du gouvernement destinées aux entités territoriales décentralisées) serait truffé de données sans preuves.
Même la promesse du Sénat de transmettre son dossier au gouvernement en vue de sa traduction en justice endéans 30 jours ou de saisir lui-même le Parquet général de la République dans l’hypothèse du non respect de ce délai par l’exécutif national ne lui fait pas peur.
Le numéro un de l’Equateur affirme avoir les mains propres. Pour ce faire, il soutient avoir été contrôlé par des fonctionnaires de l’Inspection Général des Finances (IGF), qui n’auraient rien trouvé d’anormal dans sa gestion. Jean-Claude Baende annonce pour ce faire la publication imminente du rapport d’audit de l’Inspection Générale des Finances pour « humilier » le Sénat, auquel il reproche d’avoir fait un travail d’amateur. « Quand nous allons publier, dans les jours à venir, le rapport de l’Inspection Générale des Finances qui a toutes les preuves et les éléments matériels de ma gestion, le Sénat de la République sera humilié », a-t-il confié à Radio Okapi. A son avis, la Chambre basse du Parlement serait instrumentalisée par des forces politiques occultes dans le dessein inavoué de le déstabiliser.
Baende plus puissant que le Sénat ?
A entendre Jean-Claude Baende clamer son innocence en s’appuyant sur le rapport d’audit de l’Inspection Générale des Finances, on se croirait dans un Etat autre que la RDC. Il y a en effet à se demander si l’une des structures de contrôle de l’exécutif de la République, investie des pleins pouvoirs en la matière par le législateur, ne pourrait pas avoir un droit de regard sur une entité politico-administrative provinciale.
S’il est admis que le Sénat n’est pas compétent pour chercher à connaître la traçabilité des fonds publics que le gouvernement national rétrocède à la province de l’Equateur, on devrait s’interroger sur le contenu de la campagne dite de « tolérance zéro » et sur les missions fondamentales du Parlement. Que le gouverneur de l’Equateur brandisse déclare ne s’en tenir qu’au rapport d’audit de l’Inspection Générale des Finances, cela ne peut que paraître suspect. Connaissant les mœurs des fonctionnaires congolais, l’on est tenté de soupçonner le gouverneur Baende d’avoir commandité un audit complaisant pour chercher à endormir l’opinion et échapper ainsi aux griffes de la justice, que le Sénat se propose de saisir soit par le biais du gouvernement, soit directement.
Dans le cas où ce présumé détourner, qui avait refusé de se présenter aux enquêteurs de l’institution chère à Léon Kengo wa Dondo, réussissait dans sa volonté de se rebeller contre une institution nationale, ce serait un précédent fâcheux pour la crédibilité de l’institution parlementaire.
Il faut que qui de droit se réveille pour mettre le roitelet potentiel de l’Equateur hors d’état de nuire. Les Congolais se souviennent qu’il y a deux ans, une autre autorité provinciale- Gabriel Kyungu wa Kumwanza pour ne pas le citer- qui s’était cruel au-dessus de l’ Assemblée Nationale, en refusant de répondre à sa convocation à Kinshasa, avait été démystifiée par la détermination de cette institution à ne pas se laisser marcher sur le pied. L’opinion en appelle à un relais rapide par les pouvoirs exécutif et judiciaire, du travail abattu par la Commission Lunda Bululu avant que le pays ne s’engage dans une dangereuse galère.