Réunis hier dimanche autour de leur autorité morale, Joseph Kabila, les sociétaires de l’AMP ont mené une réflexion prospective sur les voies et moyens de gérer les répercussions éventuelles du référendum au Sud Soudan sur la RDC et prévenir les risques des dérapages électoraux à l’instar de la Côte d’Ivoire et du Kenya.
La réunion de la Majorité hier a la ferme présidentielle de Kingakati, a donné lieu à des supputations. Plus d'un analyste de la situation politique en RDC ont vite fait de croire que cette rencontre devrait, sans conteste, être l'occasion pour l'alliance de jouer à la défense face à l' " effervescence " autour du duo Tshisekedi-Kamerhe. Normal quand on sait que les deux hommes ont défrayé la chronique de l'actualité politique de la première quinzaine de décembre.
Voilà qu'on l'attendait sur cette piste, l'AMP choisit une autre voie. Selon une source qualifiée de l'AMP, aucune allusion n'a été faite ni à Tshitshi, ni à Kamerhe!
2010 et 2011 sont des années de tous les enjeux et de tous les dangers pour l'Afrique. C'est la période de renouvellement du bail électoral à travers plusieurs pays. Certains s'y adonnent depuis au moins quatre mandats, d'autres, comme la République démocratique du Congo, s'apprêtent à retourner aux urnes. L'ambiance de l'heure est, d'ailleurs, déjà, aux élections. Depuis bientôt un mois, en effet, les différents états majors politiques se déploient sur terrain pour marquer l'opinion et parer pour les échéances qui s'annoncent dès janvier 2011.
Consciente de ces perspectives, la majorité actuellement au pouvoir prend la situation au sérieux, mais la tâche, pour elle, n'est pas aussi facile que celle de l'opposition. Il s'agit, d'une part, de se préparer à présenter et défendre un bilan et, de l'autre, de solliciter un nouveau bail. L'exercice ne s'arrête pas là. Il s'agit, surtout, d'assurer au pays un bon déroulement des élections afin d'en garantir la bonne acceptabilité des résultats et, ainsi, assurer la paix nécessaire à la poursuite des efforts de reconstruction nationale.
Pour la RDC, justement, l'exercice n'est pas aussi facile qu'on peut le croire. Outre les réglages internes à faire dans tous les domaines, surtout sécuritaire, le pays est appelé à faire les réglages nécessaires pour pouvoir sécuriser ses frontières. Depuis au moins cinq ans, le Gouvernement, sous la houlette personnelle du président de la République, s'y emploie assidûment. A l'Est, surtout, le travail de lutte contre les résidus des milices locales ainsi que des FDLR et de la LRA, poursuit son bonhomme de chemin. A l'Ouest, c'est de manière récurrente que le même Gouvernement qui se bat sur le front des expulsions des congolais d'Angola sous le prétexte officiel, également régulier, de l'organisation des élections.
Aujourd'hui, les regards des autorités sont désormais tournés vers le grand nord du pays. Pas le grand nord kivutien, mais bien la lisière frontalière des deux Uélé faisant face au bouillonnant sud Soudan qui doit, dès janvier 2011, aller en référendum d'autodétermination. La population doit, en effet, se prononcer pour savoir si cette partie du grand Soudan doit devenir indépendante ou continuer à demeurer sous le giron de Khartoum.
Vu de Kinshasa, l'exercice peut s'inscrire dans l'ordre normal de la vie d'autres pays africains. Seulement, quand on est à Dungu, par exemple, la donne se présente autrement. C'est, en effet, une frontière de plus de 600 Km qui est en jeu avec tous les problèmes qui se posent au pays. Il s'agit, d'abord, de la question récurrente de la LRA qui écume la zone depuis plusieurs années. Il s'agit, ensuite, de la nébuleuse Mbororo, ces éleveurs centrafricains qui écument, bétails et familles, les vastes espaces quasi inhabités des Uélé.
Prenant la mesure de la situation, le Gouvernement, selon des sources proches dignes de confiance, déploie déjà une réflexion visant à prendre en charge la situation. Le chef de l'Etat en personne a ouvert, toujours selon ses sources, des consultations visant à prévenir les conséquences d'éventuels conflits pouvant survenir du référendum sur l'autodétermination du Sud Soudan. Le 18 décembre dernier, le chef de l'Etat, qui a présidé la réunion du Conseil supérieur de la défense, a ordonné la mise en application des mesures prises par le Gouvernement en vue du rapatriement des éleveurs Mbororo dans leurs pays respectifs afin de stabiliser la région des Haut et Bas Uélé et la mettre sur la rampe de développement.
En effet, de plus en plus, des rumeurs font état de la préparation d'une grande confrontation autour du fameux référendum sur l'autodétermination du Sud Soudan. Des sources très dignes de foi soulignent, en effet, l'imminence d'une coalition qui pourrait unir Khartoum aux rangs de la LRA en vue de prendre en tenaille la SPLA, l'armée de résistance du Sud Soudan.
L'enjeu est de taille, au regard du grand intérêt que manifestent, non seulement Khartoum, mais aussi la communauté internationale sur le sort du riche, très riche Sud Soudan. Zone pétrolière à haute teneur quant aux gisements, cette zone représente aussi un enjeu majeur d'intégration économique du continent pour, notamment, assurer le flux des marchandises entre le Nord et le Sud, mais aussi le centre et l'Est du continent.
Pour l'Occident, les USA très particulièrement, cette zone est un carrefour à tenir pour déployer un corridor sécuritaire devant stopper les avancées terroristes, notamment avec les groupements pro Al Quaida pouvant faire jonction avec les autres qui pullulent déjà vers le centre du continent et dans le Maghreb.
Toujours hier à Kingakati, les sociétaires de l’AMP ont également lancé des réflexions sur les perspectives électorales de 2010 dans le souci d’en assurer un bon déroulement. A la lumière des dérapages observés en Côte d’Ivoire, aujourd’hui engluée dans un grave conflit post-électorale, mais aussi du Kenya qui a vécu, voici plus de deux ans, la même situation, la famille politique au pouvoir voudrait se mettre sérieusement en ordre de bataille afin d’éviter toute situation confuse. Il s’agirait, pour l’AMP, de se mettre à l’abri de toute surprise en s’armant de toutes les stratégies qui s’imposent. Rien n’a filtré de ces réflexions pour savoir dans quel sens elles sont allées. Alors ni Tshisekedi ni Kamerhe? Il n’est pas totalement exclu que la prospective sur les cas ivoirien et kenyan ait été inspirée en partie par la nouvelle donne politique caractérisée par le retour d’Etienne Tshisekedi et l’épopée de Vital Kamerhe.