Tête-à-tête Tshisekedi-Bemba hier dans l’après-midi à La Haye. Que se sont-ils donc dits les deux leaders politiques congolais? La question est sur toutes les lèvres à l’occasion de cette deuxième entrevue entre les présidents nationaux des partis qui comptent parmi les plus en vue au sein de l’Opposition congolaise à quelque deux mois de la présidentielle 2011. Au-delà d’une déclaration jugée laconique de l’avocat du «Chairman» du MLC, bon nombre d’observateurs sont d’avis qu’une telle rencontre ne pouvait pas se passer des stratégies autour de l’élection à la magistrature suprême de la Rd Congo fixée au 28 novembre prochain.
Commentant la rencontre d’hier, Me Aimé Kilolo, avocat de Jean-Pierre Bemba Gombo à La Haye, a indiqué le «lider maximo» de l’UDPS et le «Chairman» du MLC ont échangé sur «la situation politique qui prévaut en RDC» et ont réfléchi sur «l’avenir du pays». En outre, l’avocat de l’ancien vice-président de la République a fait état d’une visite de courtoisie et d’une «entrevue confidentielle». Ce qui ne semble pas du goût de bon nombre d’observateurs qui pensent plutôt que cette rencontre ne pouvait pas ne pas avoir un rapport avec la compétition présidentielle.
TSHISEKEDI SOLLICITE LE SOUTIEN DE BEMBA
De l’avis des observateurs, en se rendant à La Haye, le leader de l’UDPS n’avait qu’une seule préoccupation: solliciter le soutien de Bemba pour la bataille présidentielle du 28 novembre prochain. En fait, soutiennent-ils, c’est pour contourner l’attachement du MLC à l’UNC de Vital Kamerhe et à l’UFC de Léon Kengo que Etienne Tshisekedi aurait finalement choisi de négocier avec le «Chairman», plutôt que de prendre langue avec ses lieutenants à Kinshasa. On se souviendra qu’à l’étape du Katanga, M. Tshisekedi avait déclaré, s’agissant des négociations autour d’une candidature commune de l’Opposition, que c’est «aux jeunes à aller vers les vieux». Mais, voilà maintenant que le «candidat unique et commun», presqu’octogénaire, a rendu visite à Jean-Pierre Bemba.
Pour rappel, la deuxième visite du «lider maximo» de l’UDPS intervient à deux mois de la présidentielle et après la demande formelle de l’UNC de Vital Kamerhe à propos d’un partenariat entre ce parti et la formation chère à Jean-Pierre Bemba. L’UNC, le MLC et l’UFC sont tous trois membres de ce qu’on appelle le camp de Sultani, du nom de l’hôtel où ils se réunissent souvent pour une candidature commune de l’Opposition, par opposition au camp de Fatima qui soutient bec et ongles la candidature dite «unique et commune» de Tshisekedi. Le leader de l’UDPS chercherait donc à contourner les exigences du camp de Sultani en négociant avec JP Bemba pour s’assurer le soutien du MLC dans la course vers la magistrature suprême de la Rd Congo.
DIVISER POUR MIEUX REGNER
Face à cette démarche du leader de l’UDPS, de plus en plus d’observateurs estiment que Tshisekedi viserait tout simplement à diviser pour mieux régner. Ce qui l’aurait poussé à d’abord couper le cordon ombilical qui lie le MLC à l’UNC de Kamerhe et à l’UFC de Léon Kengo. Question, pense-t-on, d’affaiblir le camp qui semble l’obliger à négocier sa candidature «unique» à la présidentielle. Mais, que pouvait-il donc dire à Bemba qui puisse toucher sa corde sensible? La question reste posée. Toujours est-il que si leur première rencontre avait permis de déblayer le terrain, le MLC se serait déjà rangé derrière le leader de l’UDPS et peut-être que Tshisekedi ne se verrait même plus dans l’obligation de refaire le chemin de La Haye.
Or, à voir les choses sur le terrain, le MLC de Bemba donne l’impression de n’avoir reçu aucun mot d’ordre pour se rapprocher de l’UDPS. Qu’en sera-t-il au retour de Tshisekedi? C’est sans nul doute ce qui déterminera l’attitude même du parti du «Chairman» du MLC dans les prochains jours. Car, tout indique, jusqu’à preuve du contraire, que le courant ne passe pas entre le camp de Fatima et celui de Sultani. Ce qui risque, finalement, de pousser l’Opposition à se présenter en ordre dispersé le 28 novembre 2011. Or, qui dit ordre dispersé, dit aussi faire le lit du président sortant qui, grâce au tour unique, peut remporter la bataille même avec 30%. En définitive, le sort de l’Opposition politique est entre ses propres mains.
L’UDPS DANS LA RUE CE JEUDI
Pendant que son leader sollicite le soutien de Bemba à La Haye, l’UDPS annonce une marche de contestation ce jeudi à Kinshasa pour exiger l’accès au serveur central de la Commission électorale nationale indépendante. Au cours d’une conférence de presse hier, le secrétaire général de ce parti, Jacquemin Shabani, a laissé entendre que son parti ne voulait pas subir le processus électoral et aurait ainsi décidé de revenir sur les mêmes revendications. Mais, les observateurs, eux, soutiennent que la CENI ayant déjà donné des garanties pour ce faire, il fallait plutôt saisir la perche pour convenir d’une date commune pour accéder à ce serveur central au lieu de recourir à une action musclée pour enfoncer une porte déjà ouverte au risque d’alimenter la thèse de ceux qui accusent l’UDPS de chercher à saboter les élections en RDC.