Depuis la guerre de «libération» de 1996-1997, le «parrain» Kigali se sent dans la position de tout régenter en République démocratique du Congo au point de s’ingérer au vu et au su de tout le monde dans les affaires intérieures de son voisin.
Il se considère en droit d’y intervenir chaque fois que le besoin se fait sentir, en s’appuyant sur la présence quasi permanente des FDLR sur le sol congolais depuis le génocide de 1994.
A ce jour, il se constate que tous les accords signés entre les deux pays penchent en faveur du Rwanda, dont celui conclu le 19 mai 2012 à Kigali.
Comme les précédents, ce nouvel accord est fondé essentiellement sur la traque des FDLR, alors que ce n’est pas une urgence pour Kinshasa, compte tenu de la rébellion menée par les insurgés du Mouvement du 23 mars (M23). Mais, contre toute attente, la RDC a de nouveau fait la part belle au Rwanda, en acceptant totalement de coopérer à la neutralisation des rebelles hutu rwandais. Elle ne fait même pas siens les sages adages selon lesquels «A malin, malin et demi» et «chassez le naturel, il revient au galop».
En fait, l’expérience du passé renseigne que le rapprochement entre les deux pays n’a jamais été sincère. Car, c’est au nom de ses intérêts et pour se protéger que Kigali entraîne toujours Kinshasa dans son jeu en lui faisant signer des accords généralement contre-nature.
Classé confidentiel, un rapport de l’ONU vient de révéler au grand jour, le jeu dangereux du Rwanda qu’il présente comme le principal responsable du climat d’insécurité qui règne en permanence dans la partie orientale de la RDC. Ce document conforte la même conclusion du rapport Mapping sur le pillage des ressources de la RDC, également commandé par l’ONU. Les Nations unies disent détenir des preuves démontrant que la rébellion d’anciens membres du CNDP, qui combattent les forces gouvernementales dans l’Est de la RDC, est soutenue depuis le Rwanda.
Selon ce rapport interne de l'ONU basé sur les interrogatoires de déserteurs du M23 à Goma, l'approvisionnement en armes et même en hommes de ce nouveau mouvement rebelle provient du Rwanda. Ces combattants sont présentés comme des Rwandais recrutés au Rwanda, sous prétexte de rejoindre l'armée nationale de ce pays.
A en croire BBC, qui s'en est procuré une copie, les Nations unies ont conduit des entretiens avec onze (11) combattants, parmi lesquels un mineur, qui ont déserté leurs positions dans les forêts montagneuses situées à la frontière entre la RDC et le Rwanda.
De son côté, l’AFP indique avoir interviewé 15 mutins qui se sont rendus à ce jour, dont sept Rwandais, et qui ont témoigné sur les «renforts» du Rwanda en leur faveur.
«On le disait depuis bien avant : le Rwanda les appuie en munitions, armes lourdes et même en troupes», a déclaré à l’AFP un colonel des FARDC participant aux combats. «Le M23 ne pouvait pas résister pendant tous ces jours de combats sans le soutien du Rwanda. Combien d'hommes sont-ils pour qu'ils résistent jusqu'à aujourd'hui?», s’est-il interrogé.
REACTIONS MITIGEES
Contacté par BBC, le porte-parole du M23, le lieutenant-colonel Vianney Kazarama, a rejeté tout «soutien» du Rwanda à son mouvement rebelle. A l’AFP, il a été plus direct : «Si le Rwanda nous soutenait, on serait arrivés très loin aujourd'hui, car il a une armée organisée, et très forte! Or, nous sommes tout justes dans le Rutshuru. Que ces hommes nous disent dans quel régiment, dans quel bataillon ils étaient».
Le Rwanda n'a pas non plus tardé à réagir aux accusations de l’ONU, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Mushikiwabo. «Dans l'histoire récente de cette région, l’Onu n'a pas joué un rôle positif», a-t-il rétorqué. Une réaction qui ne semble le dédouaner de son soutien aux rebelles du M23. Car, comme lorsqu’il se sent à court d’arguments, c’est sur le génocide de 1994 que le Rwanda se réfugie pour justifier ses incursions en RDC.
Frappé d’amnésie, Kinshasa a presque minimisé les révélations faites par l’ONU.
Interrogé, le porte-parole du gouvernement, le ministre des Médias Lambert Mende, a nettement pris la défense de Kigali. «Il n'est pas exclu que l'on soit en face d'une provocation de gens qui veulent perturber davantage la situation en créant des problèmes entre le Rwanda et nous. Une vérification est en cours, mais a priori nous n'avons pas d'élément qui puisse confirmer de telles accusations», a-t-il déclaré.
Or, le Premier ministre, Matata Ponyo, a affirmé devant les députés congolais en session plénière au Palais du peuple qu’«aucune rébellion ne peut prospérer si elle ne bénéficie de l’appui de la population, si elle n’a pas une base de repli dans un territoire voisin».
Sans le dire ouvertement, Matata Ponyo est convaincu de l’existence d’une main invisible qui, bien au-delà des frontières de la RDC, commanderait les opérations pour la déstabilisation de l’Est. Il s’est toutefois réservé de la nommer. Et si c’était le Rwanda qui tirerait les ficelles ? Rien n’exclut cette hypothèse.
De toute évidence, c’est la preuve qu’à Kinshasa, on est bien conscient de l’implication du Rwanda dans ce qui s’est toujours passé dans l’Est. Mais, pour s’être trempés totalement dans la compromission, certaines personnalités congolaises laissent Kigali poursuivre son expédition criminelle en RDC, feignant de compatir à la cause du Congo-Kinshasa.
A l’analyse, le silence de Kinshasa donne à penser qu’il y a des complicités internes. Sinon, comment continuer à «protéger» Kigali lorsque toutes les hypothèses corroborent sa culpabilité dans le drame à répétition de l’Est ?
«Le cerveau de la maffia se trouve à Kinshasa», avait affirmé le président Joseph Kabila, en évoquant il y a peu, la situation sécuritaire dans l’Est.
Qu’on ne se méprenne pas ! La stabilisation de la partie orientale du pays doit partir de Kinshasa en cherchant avant tout à séparer le vrai de l’ivraie. Passer outre cette voie, c’est s’enfermer dans un cercle vicieux. Ce qui ne fera que raffermir le Rwanda dans sa stratégie de fragiliser davantage la RDC.
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