Les négociations ne sont donc pas rompues entre les ténors de l’Opposition. Deux candidats rivaux, mais «amis», à l'élection présidentielle du 28 novembre prochain, en l’occurrence l’UDPS Etienne Tshisekedi et l’UFC Léon Kengo wa Dondo, ont plaidé, jeudi à Bruxelles, en faveur d'une candidature commune de l'Opposition, mais sans accepter de se désister pour l'autre à ce stade. Telle est la substance de la dépêche de l’Agence Belga enregistrée à Kinshasa.
Ils se sont rencontrés hier jeudi après-midi - en terrain neutre - à l'occasion d'une tournée en Europe et au Canada d’Etienne Tshisekedi. Léon Kengo wa Dondo a répondu à un appel de son «frère et ami Etienne», alors qu'il séjournait aux Etats-Unis, poursuit la même dépêche.
Les deux hommes se connaissent depuis des décennies après avoir toutefois connu des destins différents. Ils ont en commun d'avoir été, avec des succès divers, Premier ministre durant le règne du Maréchal Mobutu Sese Seko (1965-1997).
«Nous conjuguons nos efforts pour avoir une candidature commune», a affirmé Etienne Tshisekedi, le président de l'UDPS à quelques journalistes, à l'issue de cette rencontre dans un hôtel bruxellois.
«Nous sommes à la recherche d'un candidat commun» face au chef de l'Etat sortant Joseph Kabila, a renchéri Léon Kengo, l'actuel président du Sénat congolais et qui se présente à la présidentielle du 28 novembre sous la bannière de l'Union des Forces du Changement (UFC), après avoir obtenu le soutien du groupe Sultani regroupant plusieurs partis d'Opposition. Il a fait valoir qu'il avait été le premier, lors d'un meeting électoral le 24 juillet à Kinshasa, à avoir évoqué l'idée d'une candidature commune de l'Opposition pour ce scrutin à un seul tour - contrairement à celui de 2006, qui s'était joué sur deux tours.
Interrogés sur l'éventualité du retrait de la candidature de l’un au profit de l'autre, tant Etienne Tshisekedi que Léon Kongo ont souligné : « Nous n'en sommes pas encore là ». Considèrent-ils qu’il y a encore assez de temps pour se décider ? Difficile à dire pour l’instant. Ils ont deux mois pour se prononcer avant la date fatidique du 28 novembre 2011 prévue pour les scrutins présidentiel et législatifs couplés.
Vers un programme commun
Léon Kengo a insisté sur la nécessité de s'accorder d'abord sur un «programme commun», alors que le président de l'UDPS affirmait que les négociations, «terminées entre partis», allaient désormais s'engager « entre candidats».
Mais aucun des deux n'a explicitement mentionné la possibilité de se retirer en faveur de l'autre, même en échange, par exemple, de la promesse d'un poste de Premier ministre en guise de compensation.
Léon Kengo, deuxième personnage de l'Etat congolais dans l'ordre protocolaire après Joseph Kabila en tant que président du Sénat, a affirmé qu’Etienne Tshisekedi lui avait remis hier jeudi le programme de l'UDPS. «Il m'a demandé de le lire et de faire des remarques, ce que j'ai accepté», a-t-il dit, évoquant la recherche de «convergences» avec celui du groupe de Sultani afin d'établir un programme commun, avant de rechercher «le candidat idéal» de l'Opposition.
Léon Kengo a toutefois reconnu en Etienne Tshisekedi un "aîné" et en l'UDPS le fait qu'elle est aussi, conformément à son slogan, «la fille aînée de l'opposition» et jouit du soutien du groupe dit «de Fatima».
Rencontres avec Jean-Pierre Bemba
Les deux hommes ont aussi admis avoir rencontré à La Haye, où il est emprisonné, un autre opposant de poids, le sénateur Jean-Pierre Bemba, à la recherche d'une alliance électorale. Jean-Pierre Bemba, qui dirige le Mouvement de Libération du Congo (MLC), a été le rival malheureux de Joseph Kabila lors de la présidentielle de 2006. Jugé devant la Cour pénale internationale (CPI) pour des crimes de guerre commis par ses hommes en Centrafrique en 2002-2003, cet ancien vice-président de la République n'a pas pu déposer sa candidature pour l'élection de novembre.
«L'enjeu (de cette rencontre), c'est la candidature commune» de l'Opposition, a reconnu Etienne Tshisekedi, qui s'est entretenu mercredi avec Jean-Pierre Bemba au centre de détention de Scheveningen, près de La Haye aux Pays-Bas.
«J'ai déjà vu Bemba deux fois », a pour sa part dit laconiquement Léon Kengo.
Des avancées significatives
Il saute aux yeux de cet entretien de Bruxelles que l’Opposition a enregistré des avancées significatives. La diplomatie secrète est en train de porter des fruits pour que l’Opposition accorde ses violons.
L’on a observé cette élégance dans leurs propos, ce rapprochement des points divergents pour une harmonisation et cette volonté de hiérarchiser les choses au regard de certaines évidences ou réalités politiques. Mais des interrogations demeurent.
Aujourd’hui qu’Etienne Tshisekedi vient de remettre à Kengo le programme de l’UDPS, sera-t-il possible de l’harmoniser avec celui du groupe de Sultani ? Si jamais demain une quelconque alliance ou accord de partenariat serait signé, qu’adviendrait-il si l’une des parties ne disposerait pas de députés en nombre important dans la perspective de revendiquer des postes ?
Dans ces calculs, le candidat Vital Kamerhe est à prendre en compte, lui qui n’a jamais cessé de tendre sa main aux leaders de l’Opposition, en plus de ce fait que son parti est prêt à signer un partenariat avec le MLC. Une fois de plus, Jean-Pierre Bemba, bien que non partant parce que détenu à la CPI, passe pour ce verrou à déverrouiller pour simplifier l’équation.
Comme pour dire que pendant ce temps qui nous sépare de la tenue effective des élections, toutes les hypothèses sont permises. Rien n’est encore décidé, rien n’est encore joué.