Hier jeudi 15 décembre, la Cour suprême de justice, toutes chambres réunies, a siégé dans la salle d’audience de la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe (Palais de justice) en matière de contentieux électoraux pour statuer sur la requête déposée par le candidat à l’élection présidentielle Vital Kamerhe Lwa Kanyiginyi contre le candidat Joseph Kabila Kabange et la Commission électorale nationale indépendante (CENI).
L’audience à peine ouverte, le président de la Cour a exigé la présence physique du requérant, tel que l’exige la loi. Après un interminable débat, les avocats de Vital Kamerhe ont accepté de remplir ce devoir, mais à la seule condition que le candidat contesté Joseph Kabila puisse aussi se présenter en personne. En application de la loi, la Cour a accédé à cette demande. Mais les avocats de la partie adverse ont déclaré être mandatés par leur client. Ce qui a été tout de suite rejeté par la partie requérante.
C’est dans cette ambiance que Vital Kamerhe a atterri dans la salle. De leur côté, les avocats du candidat Joseph Kabila ont accepté de ne pas plaider, tout en priant la Cour de prendre en compte leur mémoire en réponse déjà déposé au greffe.
Cette étape franchie, la partie requérante a cette fois brandi l’article 74 de la Loi électorale qui stipule : «La requête est notifiée au candidat dont l’élection est contestée, au parti politique ou regroupement politique ayant présenté un candidat ainsi qu’à la Commission électorale nationale indépendante. Ceux-ci peuvent adresser à la juridiction saisie un mémoire en réponse dans un délai de trois jours après notification. L’absence de mémoire en réponse n’est pas suspensive de la procédure».
Pour la partie Kamerhe, la Cour ne pouvait se déclarer valablement saisie que si cette requête avait été aussi notifiée à tous les partis ou groupements politiques ayant présenté un candidat à l’élection présidentielle. En clair, cette requête devait être notifiée aux dix autres candidats ayant postulé à l’élection présidentielle. Mais dans l’interprétation du ministère public et des conseils de la CENI, ce sont seulement les partis politiques dont les résultats des candidats ont été contestés qui doivent être notifiés.
La Cour a dû suspendre momentanément l’audience pour examiner les moyens soulevés par la partie requérante. A la reprise, tous ces moyens ont été rejetés. Dans sa décision, la Cour a fait savoir, par la bouche de son président, que lorsque la requête est notifiée, et dès lors que les éléments sont réunis, la Cour reste en état. A ce moment précis, le candidat à l’élection présidentielle Kakese Malela s’est présenté. Le président de la Cour a vite réagi : «Nous ne sommes pas saisis de sa requête».
Du coup, l’ambiance s’est surchauffée dans la salle. Pour la partie requérante, on assistait là à une parodie de procès. Fulminant de colère, le bâtonnier Jean-Joseph Mukendi wa Mulumba, doyen des avocats de la partie requérante, a pris la parole pour dire à la Cour : «Vous avez rejeté l’exception de non-saisine, vous ne voulez pas rendre justice. Nous vous disons au revoir !». Immédiatement, toute la partie requérante s’est levée en bloc pour évacuer la salle. Il était 15h40 quand cela s’est produit, et la salle est restée vide aux trois quarts. Toutefois, l’audience s’est poursuivie.
La parole sera accordée aux avocats Shebele et Ngele de la CENI pour plaidoiries. Le premier, Me Shebele s’est attaqué à la forme de la requête en relevant que l’UNC, dans les dispositifs, prie la Cour d’ordonner l’organisation d’une nouvelle élection alors que la CENI s’est conformée aux dispositions de l’article 71 de la Loi électorale. Il a estimé que cette requête en annulation des résultats devrait être déclarée irrecevable, car attaquant une décision qui n’existe pas. Il a invoqué le défaut de qualité de ladite requête, en alléguant qu’il n’y avait pas de procès-verbal des membres fondateurs de l’UNC qui auraient désigné Vital Kamerhe.
Venant à sa suite, Me Ngele a analysé les griefs sur la violation de la Loi électorale. Il a, notamment, fait voir à la Cour que concernant la présentation tardive de la liste des électeurs, il n’y a aucun élément de preuve. S’agissant de l’absence de témoins dans certains bureaux, la CENI n’avait jamais interdit la signature des procès-verbaux par plus de cinq témoins. Même chose pour le manque de sincérité des résultats dans la ville d’Idiofa du fait de l’existence de deux procès-verbaux. Il a aussi ajouté que la loi n’interdit pas à un candidat d’avoir 100% de voix.
Appelé à émettre son avis, le ministère public a prié la Cour de déclarer cette requête recevable, mais non fondée. Selon l’organe de la loi, la partie requérante n’a pas pu démontrer que les électeurs non favorables au candidat gagnant n’ont pas voté. Il a, en outre, soutenu que l’absence de témoins n’est pas un motif d’invalidation. Et d’ajouter que la requête n’a pas apporté la preuve que les témoins du candidat Vital Kamerhe ont été éconduits. Toujours selon l’organe de la loi, il n’a pas été prouvé que le candidat n°3 a utilisé les moyens de l’Etat pour battre sa campagne. Enfin, il a précisé que la procédure aurait conduit à la radiation du candidat mais non à l’invalidation du scrutin. Quant à l’existence de deux procès-verbaux à Idiofa, il a estimé que ce moyen n’est pas fondé, du fait que ces procès-verbaux n’ont pas été fournis.
Le ministère public a conclu en disant à la Cour : «La requête doit être déclarée recevable dans la forme, mais non fondée. Et ce sera justice». Aussitôt, la Cour a pris l’affaire en délibéré et annoncé la publication de sa décision ce vendredi. «Par voie des ondes (sic !)». Le public ne se fait plus d’illusions sur l’issue de ce contentieux électoral.