Radio Okapi : Claude Mashala, bonjour.
Claude Mashala : Bonjour mon frère.
R.O. : Vous initiez une pétition pour la révision de la constitution. Qu’est ce que vous visez avec votre démarche et où comptez-vous avoir les signatures?
C.M. : J’aimerai d’abord apporter une précision. Il ne s’agit pas d’une pétition pour la révision de la constitution. Il s’agit du changement de la constitution parce que, si vous la lisez très bien, cette constitution là, vous allez voir que nulle part elle n’interdit à un groupe de citoyens, ayant constaté des iniquités contenues dans cette constitution là, puisse aussi demander, au lieu qu’elle soit révisée, mais qu’elle soit carrément changée.
R.O. : Devrait-on changer toutes les dispositions de la constitution, en partant du premier article au dernier? Au besoin, remonter jusqu’au déluge?
C.M. : Je ne pense pas qu’il y aura de déluge. S’agissant de la constitution elle-même, quand vous me dites que vous pensez changer les choses du premier au dernier article, mais pourquoi pas? Parce que d’entrée de jeu, si vous lisez l’article 2 de cette constitution, il dit que la République démocratique du Congo est composée ou constituée de 25 provinces plus la ville province de Kinshasa. Ce qui fait 26. Point. Et on énumère. On cite ces 26 provinces. Dites-moi, au jour d’aujourd’hui, un investisseur qui vient d’Indonésie, qui descend à l’aéroport de Ndjili, vous pose, vous Radio Okapi, la question : écoutez, j’aimerai prendre mon vol pour la province de la Mongala. Vous savez où se trouve la province de la Mongala ? Existe-t-elle? Il y a un gouverneur? Vous voyez des iniquités pareilles!
Et plus loin, dans l’article 4 de cette fameuse constitution toujours – nous l’appelons fameuse, je vais vous expliquer pourquoi – il est dit, dans le cadre des provinces à créer, on pourra faire soit un regroupement, ou disséquer certaines de ces provinces pour les provinces à créer. Déjà les 26 n’existent pas. Et on veut encore en créer d’autres imaginaires. Je crois que c’est quelque chose que nous devons éviter à chaque fois, de vouloir brandir aux yeux du monde comme étant la loi fondamentale, celle qui régit un aussi grand et beau pays.
Pourquoi je l’appelle fameuse constitution : vous savez très bien que l’actuelle constitution, c’est le fruit d’un compromis entre belligérants! Il fallait qu’il y ait la paix. Notre peuple n’avait pas de choix en 2005. Et à la rédaction de cette fameuse constitution, on a vu même participer des criminels! Je crois qu’un document déjà souillé au départ ne peut pas continuer à avoir le soutien populaire. Nous, nous voulons une constitution qui soit dynamique, qui s’adapte aux enjeux de l’heure, aux urgences de l’heure. C’est à dire, à la cohésion nationale.
Et puis, pourquoi il faut la changer? A un député national, à un sénateur, on ne détermine pas le nombre de mandats. Ces gens là peuvent se présenter autant de fois tant que physiquement ils sont forts. Mais au chef de l’Etat, à qui on demande tout, dans un pays qui a été mis à terre, 5 ans, on trouve que c’est suffisant pour qu’une vision politique rationnelle et raisonnable soit réalisée?
R.O. : 5 ans deux fois…
C.M. : Mais pourquoi pas 20 fois?
R.O. : Et pourquoi votre démarche intervient à la veille des élections? On vous prête même l’intention, surtout que vous êtes un haut cadre du PPRD, parti au pouvoir vous l’avez dit vous-même, de vouloir séduire les députés pour faire sauter les verrous de l’article 220 de l’actuelle constitution.
C.M. : D’abord, j’aimerai vous faire remarquer que je suis d’abord un Kabiliste, de l’aile dure et pure, avant d’être membre du PPRD. Le PPRD vient après. Je suis d’abord un Kabiliste. Vous me dites à la veille des élections. L’élection, ce n’est pas demain!
R.O. : C’est en 2016…
C.M. : Non, la prochaine élection, ce n’est pas en 2016. Laissez-mois vous le dire, parce que vous le savez vous-même : techniquement, cela n’est pas possible. Il y a des préalables. On a été aux concertations nationales! Par exemple, il faut qu’il y ait au préalable le recensement. Ça, c’est de un. Et de deux. Vous savez, moi, je compare un peu la politique comme un match de football. Il y a un règlement. Il faut nécessairement consommer les 90 minutes réglementaires.
Kabila prend le pouvoir… Il prête serment le 20 décembre 2011… Quelques mois après, un groupe de « nazis polpotistes » se permettent d’annoncer et de commencer des tueries, des viols massifs, des assassinats et des meurtres sous l’autorité morale d’un homme de Dieu, le très vénéré « archbishop » Jean-Marie Runiga. Et vous pensez que Kabila allait rester dans son bureau, bras croisés, se permettre de rêver, malgré les troubles dans cette partie de l’Est, d’être à même de réaliser sa vision?
Quand il y a des troubles dans un stade, le règlement impose à l’arbitre d’arrêter la partie, d’arrêter le chrono, mais pas le temps. Le temps peut continuer de courir. Et le match reprend quand? Quand les troubles ont cessé dans le stade! Pour nous, pour moi, ça n’engage que Claude Mashala, qui est Kabiliste, d’abord, le mandat de Kabila n’a démarré que le jour où le brave Mamadou Ndala, avec ses éléments, ont eu à planter le drapeau national sur la colline de Chanzu. Et si vous comptez avec moi, je crois que le 2e mandat de Joseph Kabila Kabange n’a que 6 mois.
R.O. : Mais, il y a aussi les ADF et les FDLR. S’il faut mettre tout ensemble, il faut encore prolonger…
C.M. : Mais écouter, pourquoi pas?
R.O. : Donc, si nous comprenons bien, Claude Mashala, c’est l’article 220 de l’actuelle constitution qui vous fâche beaucoup? Mais où comptez-vous avoir les signatures pour votre pétition?
C.M. : Mais le peuple! C’est tout le monde qui veut voit Kabila continuer son œuvre, parce que Kabila, c’est juste l’ouvrier du peuple!
R.O. : Et une dernière question : ne pensez-vous pas que changer de constitution ou la réviser à tout va, fragilise la démocratie?
C.M. : Pas du tout. Combien de fois la constitution française n’a-t-elle pas été révisée? Même américaine? Vous pensez qu’à l’époque de Lincoln ou de Georges Washington, le mariage pour tous était permis? Mais voilà qu’au jour d’aujourd’hui, dans les rues de Paris par exemple, vous pouvez trouver un monsieur qui se fait appeler maman! C’est pour vous dire que même les constitutions des pays de grande liberté sont aussi dynamiques! Pourquoi pas la nôtre? Pourquoi pas?!
Et vous savez pourquoi dans ces pays là on est arrivé à réduire les mandats présidentiels? Mais c’est parce que ces gens là ont travaillé pendant des siècles! Nos ne voulons pas de chantiers inachevés. Nous aimerions aussi que les amis de Nyiragongo, Aketi, Bumba, Buta, Befale, Ankoro, Bokonde, Tshela… ne soient pas complexés. Nous aimerions que la fameuse modernité puisse toucher toutes les couches de notre population. Qui dit mieux?
R.O. : Claude Mashala, merci d’avoir répondu à nos questions.
C.M. : C’est moi qui vous remercie.
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