La première session parlementaire du 15 mars 2008 consacre traditionnellement la rentrée politique. A lire la presse kinoise et à entendre les forces politiques et sociales dites significatives, cette rentrée est déjà pressentie chaude avec, notamment, des dossiers « brûlants » comme la loi sur l’amnistie recommandée par la Conférence de Goma, la loi organique sur le Conseil supérieur de la magistrature (à la suite de la controverse soulevée par les ordonnances du 9 février relatives aux nominations et mises à la retraite opérées dans la magistrature), la loi organique sur la Décentralisation etc.
On parle aussi, et de plus en plus, de la désignation du Porte-parole de l’Opposition, terme trouvé pour éviter celui de chef de file. A l’article 18, il est dit, en effet, que « Sans préjudice des droits dévolus à chaque parti politique ou regroupement politique, l’Opposition politique, au niveau national, est représentée par un Porte-parole. Ses missions et ses prérogatives sont déterminées dans le Règlement intérieur ». Promulguée le 4 décembre 2008, la « LOI N° 07/008 DU 04 DECEMBRE 2007 PORTANT STATUT DE L’OPPOSITION EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO » est entrée en vigueur le même jour. En d’autres termes, la session parlementaire de mars devra démarrer avec une Opposition devant avoir son animateur principal !
Première évidence
A 15 jours de l’échéance, les violons semblent ne pas s’accorder entre les « composantes et entités » du Contre-Pouvoir. Pourtant, il va bien falloir que la désignation ait lieu soit par consensus, soit par scrutin à deux tours. A l’article 19, il est clairement spécifié que « Sans qu’il ne soit nécessairement parlementaire, le Porte-parole de l’Opposition politique est désigné par consensus, à défaut, par vote au scrutin majoritaire à deux tours, dans le mois qui suit l’investiture du Gouvernement, par les Députés nationaux et les Sénateurs, membres de l’Opposition politique, déclarés conformément à l’article 3 de la présente Loi ». La loi °07 dispose cependant que « Les Députés et les Sénateurs de l’Opposition politique se réunissent, à cet effet, sous la facilitation conjointe des Bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat, à la demande écrite de tout groupe parlementaire ou politique de l’Opposition politique, selon le cas ».
La première évidence à sauter aux yeux est que le Porte-parole peut être de l’Opposition institutionnelle (cas de Bemba ou Kiakwama) ou de l’Opposition non institutionnelle (cas de Tshisekedi ou Mokia). L’article 2 est assez clair là-dessus. « Aux termes de la présente Loi organique, il faut entendre par Opposition politique le parti politique ou le regroupement des partis politiques qui ne participent pas à l’Exécutif et/ou ne soutiennent pas son programme d’action aux niveaux national, provincial, urbain, municipal ou local » dispose-t-il à son alinéa 1 ; l’alinéa 2 soulignant que « L’Opposition politique est parlementaire ou extraparlementaire selon qu’elle exerce au sein ou en dehors d’une Assemblée délibérante ».
Cette bravade
Les 4 noms avancés pour le poste de porte-parole sont ceux qui courent. Trois, cependant, passent pour chevaux partants. Au Mlc, cela va de soi, le poste doit absolument revenir à son président national, le sénateur Jean-Pierre Bemba. Ses arguments sont solides : deuxième parti politique en termes de représentativité à l’Assemblée nationale et au Sénat, il pilote l’Union pour la nation. Bemba lui-même étant le challenger malheureux de Kabila au Second tour, le Mlc estime qu’il tient au travers de ce poste l’unique atout majeur pour obtenir le retour de Chairman.
Il se fait seulement que les autres membres de l’Opposition ne l’entendent pas de cette oreille. Cas de Gilbert Kiakwama. « Beaucoup croient que face au quasi parti unique au pouvoir (l’AMP), il faut un parti unique de l’opposition. C’est oublier que les partenaires de la coalition au pouvoir renoncent à leur identité parce qu’ainsi ils récoltent en récompense l’impéritie qu’ils érigent en méthode de gouvernement et l’impunité. S’organiser selon la même logique signifierait, qu’une fois au pouvoir nous nous dépêchons de faire la même logique que ceux qui nous ont précédés. L’Opposition politique n’est pas et ne sera jamais un parti unique », a déclaré le président national de la Cdc (Convention des démocrates chrétiens) et président du Groupe parlementaire Cd (Chrétiens démocrates). Cette bravade – car c’en est une -, il l’a faite en plein séminaire de l’Udps organisé à l’occasion de la célébration du 26ème anniversaire de sa création, donc devant les célèbres « Parlementaires-debout » ou tout au moins ce qui en reste. C’est à leur présence qu’il a convié l’Udps à reconnaître qu’elle s’est trompée dans sa stratégie. Pour ce faire, il est parti d’un constat avant de déboucher sur une interpellation. Le constat, il l’a rendu en ces termes : « Nous ne sommes ni les premiers, ni les derniers entrés en opposition. D’autres ont parlé avant nous. Ils en tirent quelques fois l’impression qu’ils peuvent nous écarter d’un revers de la main comme des cadets ennuyants ».
L’interpellation, il l’a exprimée par les propos suivants : « Nous nous interrogeons lorsque nous voyons que nos aînés dans la lutte refusent de reconnaître les autres et de les respecter. Sans doute à cause des épreuves endurées, vous avez tiré la conclusion que vous êtes seuls à vouloir le bien de ce pays. Vous vous enfermés dans un idéal de pureté inflexible sans tenir compte du monde extérieur. Vous en êtes arrivé à réduire la lutte pour la démocratie à une lutte entre vous et le reste du monde. En faisant cela, vous en êtes arrivé à nier même les aspirations des millions d’habitants de ce pays ».
Les confrères ayant couvert la manifestation ne disent pas si Kiakwama a été applaudi, hué ou simplement ignoré. Ce dont on peut cependant être sûr, c’est qu’il a jeté une passerelle en direction d’Etienne Tshisekedi. Et dès lors qu’il est maintenant de notoriété publique qu’il n’est pas pour la candidature de Jean-Pierre Bemba à la tête de l’Opposition politique – il s’oppose fermement au vote à main levée préconisé par le Mlc – on peut supposer de deux choses l’une : ou il y est personnellement candidat (auquel cas il a besoin des forces politiques et sociales gravitant autour de l’Udps au sein de l’Opposition non institutionnelle), ou il est favorable à la candidature d’Etienne Tshisekedi (auquel cas, il se positionne comme le n°2 dans l’éventualité d’un ticket avec le lider maximo).
Etienne Tshisekedi le favori !
La campagne semble avoir démarré avec tout ce qui se rapporte sur Chairman. On sait, par exemple, que certains voient Jean-Pierre Bemba devant la Cpi à la suite des crimes commis par ses troupes à Bangui pendant que d’autres continuent de croire dans l’action judiciaire envisagée à sa charge par le Pgr congolais en raison des événements de mars 2007. On apprend en plus une « compromission » ; Jean-Pierre Bemba étant soupçonné d’avoir perçu des sous pour accepter les résultats du Second tour ! On apprend également que Chairman et Adam Bombole se seraient fâchés !
D’ici au 15 mars prochain, on en apprendra davantage, car les « fournisseurs » semblent tenir le bon bout. Et quand l’intéressé déclare, lui-même, qu’il n’entend pas revenir à Kinshasa de si tôt, on peut déduire que le poste est en voie d’être refilé à Etienne Tshisekedi. Déjà, l’Udps a engagé un rapprochement vis-à-vis des institutionnels en faisant des recommandations au Gouvernement par rapport à l’Acte d’Engagement.
Pour un parti qui avait déclaré ne pas se reconnaître dans l’ordre institutionnel issu d’un processus électoral qu’il avait qualifié de vicié et d’improductif, cette reconnaissance implicite peut bien susciter des ambitions. Surtout lorsque le poste de porte-parole est attractif.
Omer Nsongo die Lema