Le mandat du sénateur Jean-Pierre Bemba, parti aux au Portugal « pour des raisons de santé » début 2007, est sur le point de prendre fin au cours de l'actuelle session ouverte le 15 mars pour se clôturer le 15 juin 2008.
Se référant à une correspondance du Premier ministre Antoine Gizenga, le Bureau du Sénat vient, par sa lettre du 31 mars 2008, de le prier de « se conformer » à l'article 204-6 du Règlement intérieur. Aux termes duquel le mandat d'un sénateur prend fin par « absence non justifiée et non autorisée à plus d'un quart des séances d'une session », notamment.
Que va-t-il alors se passer si le président du Mouvement de libération du Congo (MLC), par retour de courrier, s'en tient aux « multiples tentatives à mon intégrité physique » pour ne pas rentrer en RDC ?
Par un communiqué de presse rendu public le 31 mars 2008, le Bureau du Sénat dévoile avoir écrit le même jour à l'honorable Jean-Pierre Bemba, le « priant de se conformer, dès réception de la présente, aux prescrits de l'article 204-6 du Règlement intérieur ».
Parmi les neuf dispositions relatives à la perte du mandat d'un sénateur, il y a l'« absence non justifiée et non autorisée à plus d'un quart des séances d'une session ». L'actuelle session pourrait voir le sénateur Bemba « exclu » de la Chambre haute du Parlement si la situation reste en l'état.
EXPLICATIONS DU BUREAU DU SENAT
« L'opinion se souviendra qu'à la suite des tristes événements des 22 et 23 mars 2007, l'honorable sénateur Jean-Pierre Bemba Gombo a quitté le pays pour raisons de santé. Par sa lettre du 12 juin 2007, le sénateur Jean-Pierre Bemba Gombo a justifié son absence aux travaux de la session ordinaire de mars 2007 et une autorisation de 30 jours lui avait été accordée », rappelle le communiqué de presse signé par le rapporteur Modeste Mutinga.
Le 20 septembre de la même année, JP Bemba sollicitait une « attestation d'absence » d'une durée de 30 jours « pour des raisons d'insécurité » que lui accorda le Bureau du Sénat.
Le 4 novembre 2007, il invitait de nouveau le Bureau du Sénat à « constater l'impossibilité pratique pour lui de vivre dans la capitale congolaise, eu égard aux dommages consécutifs aux événements des 22 et 23 mars 2007 le plaçant ainsi dans l'impossibilité de revenir au pays » pour justifier son absence. Evoquant le « principe général de la force majeure ».
C'est donc en « analysant » ce cas de force majeure que le Bureau du Sénat a saisi le Premier ministre par ses lettres datées respectivement des 26 novembre 2007 et 24 mars 2008 « aux fins d'obtenir du gouvernement de la République les garanties nécessaires aux préoccupations du sénateur Jean-Pierre Bemba », signale Modeste Mutinga.
Il indique, par ailleurs, que dans sa lettre du 29 mars 2008, le Premier ministre relève trois éléments essentiels et affirme : « 1. le départ pour les soins à l'étranger du sénateur Jean-Pierre Bemba Gombo a été autorisé par l'institution dont il est membre ; 2. en exécution du décret présidentiel n°8/143-b du 13 novembre 2006, le gouvernement de la République, par la Primature, s'acquitte parfaitement des engagements pris vis-à-vis du sénateur Jean-Pierre Bemba en rapport avec son statut d'ancien vice-président de la République, notamment en lui payant régulièrement les émoluments lui accordés dans ce cadre ; 3. le sénateur Jean-Pierre Bemba n'a jamais exposé formellement au gouvernement la situation d'insécurité dont il serait victime afin que des mesures de protection appropriées et dévolues légalement à chaque citoyen congolais soient envisagées, le cas échéant, en sa faveur ».
INTERROGATIONS SUR L'AVENIR DE JP BEMBA
De son côté, le sénateur Jean-Pierre Bemba stigmatise ? à partir du Portugal - « l'aventurisme guerrier du pouvoir », dans son message du 28 mars 2008, commémoratif des événements des 22, 23 et 24 mars 2007.
Il soutient qu'en RDC, « tous les indicateurs sont au rouge : la situation socio-économique est sortie des sentiers de l'espoir, les droits de l'homme sont bafoués, la souveraineté et l'intégrité du pays menacées de toutes, la corruption généralisée, le pillage du pays, une pseudo démocratie qui laisse place au terrorisme politique ».
« Face à ce désastre, l'alternative que nous incarnons ne peut pas se construire seulement à l'intérieur du pays. Elle doit également habiter la diaspora qui a tant contribué à l'éclosion du réveil patriotique dans nos populations », affirme JP Bemba. « Je travaille, travaillez-y aussi (?). Le Congo appartient à tous. Le devoir que nous avons de persister dans notre combat pour le Congo nouveau un impératif pour notre futur », lance-t-il.
Dans ces courriers échangés entre le Bureau du Sénat et JP Bemba, et entre le gouvernement et la Chambre haute du parlement, profilent des interrogations sur le rôle légal que l'opposition institutionnelle aspirait à lui confier.
En effet, Jean-Pierre Bemba, sur qui 42% des électeurs congolais avaient porté leur dévolu, risque de ne pas être désigné porte-parole s'il perd son mandat de sénateur. « Ce n'est pas de l'extérieur qu'il obtiendra le rang de ministre d'Etat dévolu au porte-parole de l'opposition », s'inquiètent ses partisans.
En outre, il n'est pas certain que son aura résistera à l'usure de son absence auprès de ses militants de base du MLC, note un observateur.
D'où, cette autre interrogation. Homme d'action, qui affirmait à partir du maquis avoir choisi la voie militaire pour contribuer à l'instauration de la démocratie en RDC, JP Bemba va-t-il se complaire dans un rôle passif, celui d'un pantouflard qui suit la vie socio-politique de son pays dans un fauteuil ?
Par ailleurs, d'autres analystes politiques n'écartent pas l'éventualité de le voir tenté par une nouvelle aventure guerrière, quand bien même il aurait affirmé, à diverses occasions, qu'il répugnait de reprendre les armes.
Dans tout cet imbroglio, la communauté internationale pourrait avoir son mot à dire. Elle qui a souvent appelé le pouvoir de Kinshasa à régler tous les différends politiques par le dialogue.