La crise diplomatique entre la Rdc et la Belgique a été momentanément éclipsée par la nouvelle surprise de l'arrestation de Jean-Pierre Bemba, président national du MLC.
Et de deux pour Karel De Gucht ! Le ministre belge des Affaires étrangères ne s’est pas empêché de prendre une fois de plus ses libertés avec les us diplomatiques pour s’ériger en magister moral de la RDC. Si la classe dirigeante à Bruxelles partage, sur le fond, les critiques émises par le chef de la diplomatie belge, les francophones ne cachent plus leur réserve quant à la forme et au ton utilisé par l’Open Vld (libéral flamand) De Gucht. Pour un initié aux arcanes de la politique belge, l’activisme de Karel De Gucht n’est que l’un des versants de la gué-guerre intercommunautaire.
Vu de Kinshasa, l’ « affaire Bemba » a occulté, le temps de l’émotion pour les uns et de la surprise pour les autres, une étape supplémentaire, dans la crise diplomatique entre la RDC et la Belgique. Outré par la récidive de Karel De Gucht, Kinshasa a rappelé son ambassadeur pour consultation et fermé momentanément son consulat à Anvers, la métropole néerlandophone.
A Bruxelles, les critiques répétées du ministre des Affaires étrangères contre le régime Rd Congolais sont partagées par l’ensemble de la classe dirigeante. Mais, les toutes dernières déclarations du Gucht depuis la Chine n’ont pas été du goût des francophones. Ces derniers, toutes tendances confondues, estiment que le ministre libéral flamand emploie un ton inconvenant.
Des libéraux francophones aux socialistes en passant par les écologistes, la réaction est la même. D’accord avec Karel De Gucht sur le fond, mais pas sur la forme. Côté francophone, des voix s’élèvent même pour que le ministre des Affaires étrangères s’explique devant la Chambre des députés.
Tout le problème, c’est que Karel De Gucht répète à l’envie que son discours sur la RDC reflète le point de vue du Premier ministre, le socio-chrétien (CDV-NVA) flamand Yves Leterme, donc du gouvernement belge. Les poches du ministre des Affaires étrangères confient aussi que la « croisade morale » de De Gucht est soutenue par toutes les formations néerlandophones. Or, la coalition gouvernementale belge est un compromis fragile entre flamands et wallons (francophones) après six mois d’impasse.
Voilà que le dossier congolais est en passe de cesser d’être friction diplomatique entre deux pays pour devenir une énième pomme de discorde entre néerlandophones et francophones. Pour les initiés aux affaires belgo-belges, la Rd Congo pourrait bien s’ajouter à la longue liste des sujets qui fâchent dans la gué-guerre intercommunautaire.
Ainsi, Kinshasa sera un énième terrain de confrontation entre francophones et néerlandophones. D’autant que vu de la Flandre, la Rd Congo n’est qu’ « un trou dans lequel les contribuables flamands versent l’argent ». De fait, en Flandre où l’opinion semble majoritairement favorable à une autonomie qui frise l’indépendance, la communauté française est perçue comme l’alliée du Président Kabila.
A Anvers, on cite le libéral wallon Louis Michel, le socialiste André Flahaut et tant d’autres ténors de la classe politique francophone comme des soutiens de Kinshasa. Bref, on est en plein dans les dédales de la politique intérieure belge. Une scène où le communautaire l’emporte sur l’idéologique. Contrairement à la France voisine, le clivage en Belgique est davantage linguistique que politique.
Et le fossé entre francophones et néerlandophones s’est élargi considérablement ces derniers temps du fait de la volonté de la Flandre de s’émanciper radicalement de l’Etat fédéral belge. Prospères et donc contribuant plus au gouvernement central que les Wallons, les Flamands sont en position de force. Et ils ne ratent aucune occasion de contrarier les francophones. Le cas Rd Congolais est donc un classique des tiraillements belgo-belges.
Reste que « la communautarisation » de la tension entre Kinshasa et Bruxelles risque de ne pas faire agréer la démarche belge au niveau de l’Union européenne. En effet, à l’heure de l’Europe politique, Bruxelles, siège de 27, est l’interface entre la Rd Congo et les autres pays européens. De ce point de vue, la voix de la Belgique rencontre toujours un écho favorable chez les autres partenaires de l’UE. Or, Bruxelles risque de ne pas parler le même langage sur le dossier congolais.
En plus, du fait de l’évolution de la géopolitique internationale, l’Europe ne saurait valider directement le schéma belge. Au risque de conforter la position d’autres acteurs internationaux, en tête desquels l’inévitable Chine.
(Yes)
José Nawej/Forum des As