Le président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, déclare n’avoir pas été informé de l’entrée de l’armée rwandaise en RDC. Pour sa part, la Monuc affirme qu’elle n’est pas présentement impliquée dans l’opération en cours. Kigali confirme pourtant cette présence de ses militaires en RDC, que la commission européenne voit d’un œil salutaire. Quant aux communautés du Nord Kivu, elles exigent le retrait, sans délai, des troupes rwandaises de la RDC.
« Tout ce que je sais c’est que l’Assemblée nationale avait adopté un plan de sortie de crise en octobre 2008, soumis au gouvernement sous forme des recommandations. Ce plan avait tracé le cadre de la normalisation de nos relations avec le Rwanda. Ce plan avait aussi le volet politique. Ce qui était en train de se faire donc à Nairobi. Mais nous avons aussi retenu dans ce plan qu’il faut absolument arriver d’une manière ou d’une autre à éradiquer les ex FAR Interahamwe», explique Vital Kamerhe.
Le président de l’Assemblée national rappelle aussi que son institution avait demandé qu’une force régionale, de la Sadc, puisse venir en RDC pour faire ce travail aux côtés des FARDC.
« Maintenant vous me dites que les troupes rwandaises viennent d’entrer au Congo, je préfère croire que c’est faux, puisque si c’est vrai, c’est tout simplement grave, parce que cela va soulever un certain nombre de questions. Nous nous posons la question de savoir dans quel état d’esprit se trouvent nos populations qui viennent à peine de sortir de l’agression rwandaise», s’interroge-t-il.
Réaction de la Monuc
Interrogé, le porte-parole de La Monuc affirme que la Mission onusienne n’est pas impliquée pour l’instant dans les opérations militaires conjointes contre les FDLR. « La Monuc est en ce moment en contact avec les FARDC. C’est un sujet qui est encore en discussion pour savoir s’il y a une forme sous laquelle la Monuc pourrait y être impliquée », souligne-t-il.
M. Mounoubai précise également que la Monuc n’a pas été partie prenante à la planification de cette opération. Par contre, elle reconnaît qu’il y a eu une réunion le 5 décembre dernier à Goma et la signature d’un accord entre la RDC et le Rwanda concernant une action conjointe contre les FDLR. Il y a donc cet accord, c’est peut-être la mise en œuvre de cet accord qu’on est en train d’observer sur le terrain aujourd’hui, conclut le porte-parole.
Le gouvernement rwandais confirme la présence de ses troupes en RDC
A Kibati, les habitants se disent satisfaites du retrait des éléments du CNDP, mais plutôt inquiets de la nouvelle présence de troupes rwandaises sur le sol congolais.
Cette présence rwandaise est pourtant confirmée par le gouvernement de Kigali, selon l’Agence France Presse. Le ministère rwandais des Affaires étrangères précise que c’est dans le cadre d'une opération conjointe avec l'armée congolaise, pour neutraliser les rebelles hutus rwandais basés en RDC. La ministre Rosemary Museminali a cependant refusé de révéler le nombre de soldats rwandais engagés en RDC, et la durée de l'opération, rapporte l'AFP.
Louis Michel : « C’est le début de la solution aux problèmes de la région des Grands lacs »
Du côté de la commission européenne, on voit d’un œil salutaire la présence des troupes rwandaises en RDC. Le commissaire européen au développement, Louis Michel, pense qu’il s’agit d’un signe tangible de la coopération qui s’est établie entre les deux pays, selon l’AFP. Il se félicite que cette opération vienne s’ajouter aux déclarations de fin des hostilités du CNDP le week-end dernier. Louis Michel souligne cependant que cette action ne signifie peut-être pas la fin immédiate de tous les problèmes dans la région. Pourtant, il reste convaincu que la situation durable ne pourra voir le jour que dans le cadre d’une coopération au niveau régional en ce qui concerne les crises persistantes dans l’Est de la RDC.
L’occasion était également pour Louis Michel de demander aux FDLR de déposer les armes et de s’abstenir de toute action contre les populations civiles. Il a également encouragé les autres participants, dans les initiatives en cours, à tout mettre en œuvre pour protéger les droits de l’Homme et respecter les règles du droit humanitaire international.
Les communautés du Nord Kivu indignées par ce retour des soldats rwandais en RDC
Les représentants des communautés du Nord Kivu à Kinshasa se disent surpris et indignés par le retour de ces soldats sur le sol congolais. Dans un communiqué, ils dénoncent ce qu’ils appellent le caractère illégal et anticonstitutionnel de cette opération engagée, selon eux, par des personnes non habilitées.
Toujours dans le même communiqué, ces communautés fustigent l’absence d’un accord cadre déterminant les termes de référence, les limites spatio-temporelles, le rôle de chaque intervenant, les conditions d’arrêt, et surtout le chronogramme du retrait rapide et obligatoire des militaires rwandais du territoire congolais.
Ces communautés fustigent également l’absence de mesures de protection des populations au cours des opérations à venir, au regard des grandes faiblesses observées dans les opérations menées contre les rebelles de la LRA en Province Orientale. Elles demandent par conséquent à l’armée rwandaise de retourner chez elle sans délai, et au gouvernement congolais de s’abstenir, en cas d’opérations nécessitant des interventions étrangères, d’utiliser le voisin problématique, et de se tourner vers d’autres partenaires, tels que la Sadec, qui devront opérer sous un mandat international.
A Bukavu, les femmes insistent sur la protection des femmes et des enfants pendant les opérations contre les FDLR
Les femmes du Sud Kivu réclament à la Monuc d'ériger un couloir humanitaire pour les protéger contre les viols et les violences sexuelles lors des opérations militaires conjointes contre les combattants hutus rwandais à l'Est du pays. Elles se sont exprimées mardi dernier à Bukavu, en présence de la conseillère en Genre auprès du Département des opérations de Maintien de la Paix à New York, Comfort Lamptey. C'était à l'occasion d'un échange sur la mise en œuvre des résolutions 1325 et 1820 du conseil de sécurité des Nations Unies.
La secrétaire exécutive du Caucus des Femmes Congolaises du Sud-Kivu pour la Paix, Solange Lwashiga, explique : « Bien sûr, on n’a pas manqué de parler de cette opération qui consistera à traquer les FDLR Interhamwe. Nous trouvons qu’avec cette opération, les femmes et les enfants seront encore une fois exposés. Et nous avons demandé à la Monuc de voir dans quelle mesure elle peut monter des stratégies pour que, lors de ces opérations de traque des Interhamwe, les femmes ne soient plus exposées, ni violées, que les femmes et les enfants ne soient plus tuées. »
En réaction, le chef de bureau de la Monuc-Bukavu a tenu à clarifier que la Monuc n’est pas partie prenante des accords sur les opérations militaires contre les FDLR. Aliou Sene a précisé que ces accords ont été signés entre la RDC et le Rwanda, sans la participation de la Monuc.