La mission de paix de l’ONU au Congo commence à plier bagage. Il faut déjà songer à l’après-Monuc. Le moment est venu de faire rapidement l’état des lieux et de décider des options à lever pour consolider les structures d’un Etat de droit, viable et crédible, sans faux-fuyants. Il faut donc s’attaquer aux objectifs fondamentaux. Pour éviter un vilain retour à la case départ.
Alain Le Roy, secrétaire général adjoint de l’Onu en charge des missions de paix, est en visite de travail en République démocratique du Congo. Le but est connu. Le mandat de la MONUC arrive à terme le 31 décembre 2009. Si la possibilité d’une prorogation n’est pas écartée, elle ne sera que de six mois, jusqu’à preuve du contraire.
Mais déjà, il faut réduire l’effectif du personnel de la Monuc, réajuster les objectifs, notamment la protection des personnes et de leurs biens, aider à la réhabilitation de certaines infrastructures sociales. La Monuc, selon les premières estimations, n’a plus que 7 mois de présence active avant de retirer ses contingents de casques bleus de la RDC.
L’une des importantes missions de paix de l’Onu dans le monde, avec un effectif de près 20 mille hommes dont 17 mille militaires, la Monuc est également la mission la plus coûteuse. Son budget est arrêté à plus d’ 1 milliard de dollars par an. Les Etats-Unis, à eux seuls, prennent en charge 40% du coût total de cette mission.
Aujourd’hui que des progrès ont été constatés et que la vie est en train de reprendre son cours normal, la MONUC doit plier bagage après 10 ans de présence en République démocratique du Congo.
D’ailleurs, les bailleurs de fonds estiment qu’il n’est plus question de proroger cette mission, et que le moment est venu aux institutions de la République démocratique du Congo d’assumer pleinement leurs responsabilités.
L’ARMEE ET LA POLICE
En temps opportun, l’on s’attardera sur le bilan de la MONUC. Mais l’important en ces instants précis est de savoir prendre le relais de la MONUC, ce mal nécessaire, dès lors qu’elle s’en va. La première préoccupation est la sécurité et la protection des biens et des personnes, sans oublier la préservation de l’intégrité du territoire national.
Une tâche qui revient avant tout à l’Armée et à la Police. D’où la question de savoir si ces deux corps sont à même d’assumer pleinement leur rôle tout en demeurant le socle des institutions nationales.
Il est vrai que cette question soulève encore des inquiétudes dans la mesure où la réforme de l’Armée et de la Police n’est qu’à ses débuts. La République démocratique du Congo ne dispose pas encore d’une armée susceptible de relever avec beaucoup de succès les grands défis de la paix, de la stabilité et du développement d’un pays aussi convoité que le Congo. Brassage et mixage ont démontré leurs limites à telle enseigne que les forces négatives telles les FDLR, la LRA et autres milices continuent à narguer les FARDC ainsi que la MONUC. Elles gardent encore leur puissance de feu et leurs capacités de nuisance ne faiblissent pas.
On en dira autant de la Police. Elle est encore au premier stade de son processus de restructuration, malgré la contribution appréciable des partenaires extérieurs et des organisations internationales, telle que l’Union européenne. Mais les incidents de Dongo ( dans la Province de l’Equateur) et de Itamba (au Sud-Kivu) caractérisés par des affrontements avec la population ayant décidé de défier la Police, donc l’Etat, prouvent à suffisance que même la Police n’est pas encore performante et dissuasive. S’il faut également se pencher sur les services de renseignements, il y a lieu de se situer déjà dans l’après-Monuc pour adopter un comportement conséquent afin de se doter d‘une armée réellement républicaine, une police au service de la population et un service de renseignements bâti autour d’une vraie stratégie de sécurité nationale.
REFORME DANS L’ADMINISTRATION
Il n’y a pas d’Etat sans armée et sans la Police. Il n’y a pas d’Etat également sans une administration efficace et efficiente pour soutenir les actions et les politiques du gouvernement. La décision de procéder à la réforme de l’administration est d’une importance capitale tant un Etat ne doit sa crédibilité qu’à la compétence de ses fonctionnaires, à leur esprit de conscience professionnelle et nationale sans équivoque en tant que représentant et incarnation de l’Etat, symbole du pouvoir.
Malheureusement, l’administration a été «privatisée et hyperpolitisée ». D’où cette nécessité impérieuse de libérer l’administration, « otage » des dirigeants politiques qui excellent par la boulimie du pouvoir. Elle est même gangrenée, car vulnérable, corruptible, par conséquent malléable à souhait.
La réforme de l’administration doit viser d’abord à mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Cette phase doit être soutenue par l’élaboration d’une politique salariale cohérente qui devra améliorer les conditions de travail et de vie afin que le fonctionnaire soit également mis devant les défis de la compétitivité. L’on ne peut rien attendre d’un fonctionnaire nécessiteux, impayé pendant des mois, voire des années. Car un fonctionnaire non motivé constitue une véritable bombe à retardement. Il va sans dire qu’il est difficile de disposer d’une Justice juste, pilier indispensable de tout processus de démocratisation et d’un Etat crédible.
L’ASSEMBLEE NATIONALE, LE SENAT INTERPELLES
La fin de la mission de la MONUC n’est nullement un fait de surprise. C’est du déjà-connu. Il est temps que l’Assemblée nationale et le Sénat puissent s’y impliquer concrètement, en sortant de vieux sentiers battus de l’hémicycle couronnés par de voeux pieux sans lendemain pour mieux affronter l’après-Monuc. Une étape cruciale au regard des causes profondes visant à déstabiliser la RDC.
Ces deux institutions feront oeuvre utile en orientant les débats vers des choix utiles des stratégies nationales, de solidarité et d’orientation du pays vers un développement durable sous-tendant la promotion humaine. S’il faut revenir à la réforme de l’Armée et de la Police, sans oublier les services spéciaux, cette réforme doit correspondre à la vision que l’on a d’un Etat fort, uni et prospère.
Certes, des opportunités d’une véritable coopération militaire avec des partenaires extérieurs se multiplient. Mais cette réforme doit être avant tout une affaire des Congolais et non des américains, des Français ou des Belges. Il est un fait indéniable que l’on ne peut se passer de l’expertise des Etats-Unis, de la France, de la Belgique, mais les options à lever à l’Assemblée nationale et au Sénat doivent être une initiative des Congolais conscients de leurs responsabilités politiques et patriotiques.
Au demeurant, le plus dur est devant nous, car les menaces de la déstabilisation de la RDC ne sont pas du tout écartées.