Le Mouvement de libération du Congo (MLC) a perdu ce qui était considéré comme son bastion politique : l’Equateur. La défaite de son candidat officiel, Jean Lucien Busa, à l’élection du Gouverneur de province ne peut se lire autrement. La tradition, en RDC, veut, en effet, que la province du leader d’un parti en constitue la base principale, à l’image du Bandundu pour le PALU de Gizenga ou du Kasaï Oriental pour l’UDPS d’Etienne Tshisekedi. Même si, pour ce cas spécifique, le Kasaï Occidental passe pour la base la plus chaude du parti des 13 parlementaires. C’est aussi le cas de l’UNAFEC du tandem Kisimba-Kyungu au Katanga.
Pour le parti de Jean-Pierre Bemba, cette nième défaite, après une série de revers au niveau de l’Assemblée nationale, est un signal de plus sur le danger d’implosion qui le guète et qui semble, chaque jour, se préciser.
Que s’est-il donc passé à Mbandaka ou, plutôt, que se passe-t-il au MLC pour qu’il essuie cette nouvelle défaite ? La question était sur toutes les lèvres lorsque, tout dernièrement, Jean Lucien Busa a nommé lui-même les maux qui ont préparé sa défaite. A leur nombre, il a évoqué des problèmes internes, avant que Thomas Luhaka ne parle de la nécessité d’un dialogue sans détour. On ne pouvait penser autre chose lorsque l’on observe que Busa n’a récolté que 28 voix sur les 37 que son parti compte à l’Assemblée provinciale de l’Equateur. 7 voix MLC se sont donc reportées sur un autre candidat, tandis que des sources dignes de foi, dont Busa encore, on rapporté que des membres du MLC ont battu campagne contre ce dernier.
Mais de quelles dissensions internes parle-t-on ? Querelle de leadership depuis que le chairman est indisponible ? Incompatibilité d’humeurs ? Simple lassitude ou grave désespoir dans la troupe qui semble ne plus percevoir des perspectives heureuses quant à la possibilité de quitter, un jour, l’opposition ?
Dès les premiers mois de l’incarcération de Bembva à La Haye, son parti a connu les premiers soubressauts internes avec l’initiative attribuée à José Makila pour prendre la direction politique du parti. Les initiateurs de cette démarche, qui avait fait long feu, se serait basée sur les mises en place effectuées par la direction politique nationale conduite par François Muamba à qui certains bonzes du parti semblaient dénier le pouvoir de représenter le parti, cela pour des raisons non avouées, mais facilement imaginables de par les contours tribaux de la démarche.
On se souvient aussi que le MLC est ce parti qui s’est distingué le premier par l’émergence d’un courant de pensée interne attribué à Delly Sesanga aujourd’hui en disgrâce. Le sémillant président de la Commission politique, administrative et judiciaire, se fait de plus en plus discret à l’hémicycle. La dernière fois qu’on l’a entendu remonte à la rentrée académique à l’occasion d’une conférence qu’il avait tenue au retour de sa base pour en appeler, lui aussi, à un dialogue au sein du parti.
Plus près de nous, on n’a pas encore oublié les menaces de mort proférées contre le Secrétaire général, François Muamba par un cadre (ancien ?) du parti s’identifiant comme militaire dans la diaspora, mais manifestement soutenu à l’intérieur du parti. Tout au long de ces événements, il se profile des relents tribalistes qui voudraient que la direction du parti revienne à l’Equateur, province d’origine de Bemba. Mais ici encore, on parle d’antagonisme entre nordistes et sudistes, une gangrène qui a également pesé négativement sur la candidature de Jean Lucien Busa.
Tout parti connaît, en RDC, des hauts et des bas, et c’est cela qui lui confère de l’expérience et l’aguerrit pour des adversités à venir. Pour autant, les soubresauts qui traversent la plus grande formation de l’opposition après les élections sont caractéristiques de ces maux qui ont souvent eu raison de l’existence des partis politiques en RDC. Ces partis, généralement, ne doivent leur existence que leurs leaders qui, en disparaissant physiquement ou politiquement les emportent. Est-ce le cas pour le MLC ? En tous cas, tous les signaux concourent à l’attester. Il serait, cependant, malheureux que, pour un parti qui a lutté et lutte encore pour la consolidation de la démocratie et qui compte dans ses rangs d’éminentes personnalités à l’intelligence pointue, sa survie soit mise en ballotage par des considérations d’une autre époque politique. Faut-il finir par conclure que, sous les oripeaux de la démocratie, les efforts de tous ces cracs qui forcent l’admiration des observateurs et soutiennent l’espoir de plus d’un congolais, sont vaines, car l’essence de la politique se fonde sur des prémices contradictoires aux principes de la démocratiques ?
Sauvons le MLC
Sous un autre angle, il faut dire que la disparition du MLC, ce parti qui a considérablement contribué à la restauration et la consolidation de la démocratie, pour des considérations subjectives, cette disparition donc serait un grand coup, non seulement pour ses sociétaires, mais aussi pour l’image de la démocratie congolaise en général et, pourquoi pas de la classe politique congolaise. Manifestement, l’homme politique congolais a du mal à se baser sur des valeurs positives et à travailler pour l’intérêt collectif, préférant batailler pour des ambitions personnelles. Vu sous cet angle, on en viendrait à s’interroger sur la nécessité même de s’exercer à la démocratie sans que ne revienne à l’esprit cette terrible phrase de Jacques Chirac qui, en son temps, avait laissé entendre que la démocratie est un luxe pour l’Afrique.
En effet, à quoi bon se battre pour un idéal lorsqu’au bout du combat se sublime des ambitions personnelles contradictoires avec cet idéal ? Que gagneraient donc les protagonistes au sein du MLC si leur combat finit par emporter la maison ? Les « fourmis » de Bemba ont intérêt à reconsidérer leurs visions respectives pour essayer de les converger vers l’idéal de départ afin de sauver le navire d’un naufrage certain. Puisque le MLC est devenu aujourd’hui, et indéniablement, un patrimoine national, ceci devient, plus qu’une obligation, une responsabilité à porter. Demain les générations à venir leur demanderont ce qu’ils auront fait de l’espoir qu’ils ont suscité auprès d’un nombre considérable des Congolais.