Mardi 19 octobre 2010, la Chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) a confirmé la « Décision relative aux exceptions tirées de l’irrecevabilité de l’affaire et de l’abus de procédure » rendue par la Chambre de première instance III et rejeté l’appel fait par Jean-Pierre Bemba Gombo contre cette décision. L’arrêt rendu confirme que l’affaire le concernant est bien recevable.
Le 24 juin 2010, la Chambre de première instance III avait rejeté les exceptions d’irrecevabilité et d’abus de procédure qu’avait soulevées la Défense. Celle-ci avait interjeté appel de cette décision le 28 juin et déposé, le 26 juillet 2010, un mémoire invoquant quatre moyens à l’appui de son appel.
Aujourd’hui, la juge Anita Ušacka, juge présidente de la Chambre d’appel dans le cadre de cette procédure, a résumé l’arrêt oralement. Elle a rappelé qu’aux termes de l’article 17-1-b du Statut de Rome, une affaire est jugée irrecevable lorsqu’elle a fait l’objet d’une enquête de la part d’un État ayant compétence et que cet État a décidé de ne pas poursuivre la personne concernée, à moins que cette décision ne soit l’effet du manque de volonté ou de l’incapacité de l’État à mener véritablement à bien des poursuites.
La juge Ušacka a expliqué que la Chambre d’appel rejetait le moyen soulevé par Jean-Pierre Bemba Gombo selon lequel la Chambre de première instance III avait à tort déclaré l’affaire recevable devant la Cour, ayant conclu qu’une ordonnance rendue le 16 septembre 2004 en République centrafricaine (RCA) par le Doyen des juges d’instruction près le Tribunal de grande instance de Bangui ne constituait pas une « décision de ne pas poursuivre » au sens de l’article 17-1-b du Statut. Cette ordonnance concluait au non-lieu à l’égard de Jean-Pierre Bemba Gombo pour les accusations liées aux événements qui fondent désormais les charges retenues à son encontre par la CPI. La juge Ušacka a résumé les procédures engagées contre celui-ci devant les tribunaux centrafricains et rappelé que la Cour d’appel et la Cour de cassation de Bangui (RCA) avaient expressément infirmé l’ordonnance du Doyen des juges d’instruction, confirmé les accusations portées à l’encontre de M. Bemba, et conclu que l’affaire devait être déférée à la CPI par les autorités compétentes du pays. Le Gouvernement de la République centrafricaine a, le 21 décembre 2004, saisi la CPI des crimes relevant de la compétence de la Cour commis sur l’ensemble du territoire de la République centrafricaine depuis le 1er juillet 2002.
La juge Ušacka a expliqué que l’ordonnance du Doyen des juges d’instruction ne constituait nullement une « décision de ne pas poursuivre », au sens de l’article 17-1-b du Statut de Rome, puisqu’il ne s’agissait pas d’une décision définitive sur l’affaire portée devant les tribunaux centrafricains. Elle a également souligné que la Chambre d’appel de la CPI avait déjà conclu, dans un arrêt relatif lui aussi à la recevabilité, rendu le 25 septembre 2009 dans l’affaire Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, qu’une « décision de ne pas poursuivre » n’inclut pas la décision de mettre fin aux poursuites judiciaires pour déférer l’affaire à la Cour pénale internationale.
La juge Ušacka a précisé que la question de savoir si la décision découlait du manque de volonté ou de l’incapacité de l’État de mener véritablement à bien les poursuites ne se pose qu’une fois établie l’existence d’une « décision de ne pas poursuivre ». Les autorités centrafricaines n’ayant pas pris une telle décision concernant Jean-Pierre Bemba Gombo, la Chambre d’appel a refusé de prendre en considération l’argument de celui-ci selon lequel la Chambre de première instance a commis une erreur en décidant que la République centrafricaine était dans l’incapacité de mener véritablement à bien les poursuites.
Enfin, la Chambre d’appel a également rejeté les arguments de Jean-Pierre Bemba Gombo selon lesquels la Chambre de première instance III avait commis une erreur en rejetant sa demande de produire un rapport d’expert relatif à l’application du droit centrafricain et en décidant que les conclusions qu’il avait présentées devant les tribunaux centrafricains en avril 2010 constituaient un « abus de la procédure engagée devant elle ». Le juge président a rappelé que, dans l’affaire Le Procureur c. Joseph Kony et autres, la Chambre d’appel avait déjà conclu en matière de recevabilité qu’à tout le moins, l’appelant doit non seulement exposer l’erreur alléguée dans le cadre du recours, mais également indiquer de manière suffisamment précise en quoi cette erreur aurait affecté la décision attaquée de manière appréciable. Comme l’a déclaré la juge Ušacka lors du prononcé du résumé de l’arrêt, « [traduction] Jean-Pierre Bemba n’avance aucun argument […] expliquant en quoi cela aurait modifié la décision attaquée ».
La responsabilité pénale de Jean-Pierre Bemba Gombo est mise en cause au motif qu’il aurait effectivement agi en qualité de chef militaire, au sens de l’article 28-a du Statut, lors de la commission prétendue de meurtres et de viols, constituant deux crimes contre l’humanité, ainsi que de meurtres, de viols et de pillages, constituant trois crimes de guerre, sur le territoire de la République centrafricaine durant la période courant, approximativement, du 26 octobre 2002 au 15 mars 2003. La Chambre de première instance III doit encore fixer la date d’ouverture du procès.