Proposition de loi portant révision de la constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006
Exposé des motifs
La Constitution actuelle de la République Démocratique du Congo est entrée en vigueur le 18 février 2006.
Depuis lors, sa mise en application a dévoilé des lacunes et des zones d’ombre qu’il importe de combler et d’éclairer afin de la rendre plus cohérente, plus opérationnelle et plus efficace.
En effet, d’une part, certaines dispositions se sont révélées handicapantes et inadaptées aux réalités politiques et socio-économiques de la R.D.C. D’autre part des disfonctionnements imprévus par le constituant originaire sont apparus dans la vie des institutions de la République tant au niveau national que provincial.
La révision proposée ci-dessous a, par conséquent, pour finalité de donner des réponses constitutionnelles adéquates aux problèmes posés aux institutions de la République depuis le démarrage de la première législature de la IIIème République afin d’assurer le fonctionnement régulier de l’Etat et de la jeune démocratie congolaise.
Dès lors, il ne s’agit pas de procéder à un ajustement constitutionnel qui remettrait en cause les options fondamentales levées par le constituant originaire notamment en matière d’organisation du pouvoir d’Etat et de l’espace territorial de la R.D.C.
Dans cette perspective, seuls 8 articles sur les 229 que compte la Constitution du 18 février 2006 sont concernés par la présente révision. Il s’agit de :
1. Article 71 alinéa 1: L’article 71 de la Constitution de la République prévoit une élection présidentielle à deux tours.
A la présidentielle de 2006, par suite des contraintes matérielles et techniques, il n’a pas été possible d’organiser le 2ème tour dans le délai constitutionnel de 15 jours. Ce délai a été porté par la Cour Suprême de Justice à 45 jours. Par ailleurs, la cristallisation de la compétition sur deux candidats au 2eme tour a conduit non seulement à une bipolarisation du pays épousant le contour politico-géographique Est-Ouest, mais aussi à des affrontements armés graves ayant causé des pertes en vies humaines.
La cohésion nationale en a pris certainement un coup en ce temps là. Il convient dès lors de tirer la leçon de cette expérience malheureuse et d’éviter au pays le risque de fragiliser de nouveau la paix, l’unité nationale et la jeune démocratie congolaise. A cet effet, comme le suggèrent des expériences pertinentes tirées du droit comparé, une élection présidentielle à un tour présente le double avantage non seulement de la simplification et de la rapidité, mais aussi de la réduction significative du coût de l’élection présidentielle en ce moment où les finances de la R.D.C sont peu reluisantes. Il importe, enfin, de souligner que cette révision n’énerve nullement le dispositif de l’article 220 de la Constitution relatif aux dispositions constitutionnelles intangibles.
2. Article 110 : La perte du mandat parlementaire par suite de la nomination du Député ou du Sénateur à une fonction politique pose un problème de fond dans un régime de démocratie électorale où les équations personnelles comptent de façon significative au-delà de l’impact des organisations politiques dont les candidats portent les couleurs. Cependant, la constitution ne prévoit pas la possibilité pour un député ou un Sénateur de retourner à son mandat après avoir exercé une fonction politique incompatible arrivée à son terme. Par, conséquent, si l’élu nommé au Gouvernement quitte celui-ci et ne peut plus retrouver son siège au Parlement, la représentation de ses électeurs est vidée de sa substance et de sa pertinence politique. Les électeurs se reconnaissent difficilement dans son suppléant sur lequel, au surplus, ils ne se sont jamais prononcés. Il échet, par conséquent, de reconnaître aux parlementaires un droit de retour aux fins d’assurer la continuité de la représentation politique et de respecter la volonté populaire exprimée par le vote.
Toutefois, l’exigence de continuité ne peut porter atteinte à la moralité publique ni à l’image de marque du Parlement. Celui-ci ne peut, en effet, devenir ni un dépotoir ni un refuge ou une blanchisserie des criminels. C’est pourquoi, un Député ou un Sénateur qui, au sortir d’une fonction politique, est sous le coup des poursuites ou d’une condamnation judiciaires, ne peut réintégrer le Parlement qu’après avoir lavé l’opprobre jeté sur lui.
3. Article 126 : Par suite du renvoi pour une nouvelle délibération de la loi budgétaire pour l’exercice 2010 conformément à l’article 137 de la Constitution, cette loi n’a pas été promulguée à temps pour entrer en vigueur au 1 janvier 2010. Aux fins d’assurer la continuité de l’Etat, le Parlement devait accorder au Gouvernement des crédits provisoires. Cette hypothèse n’ayant pas été envisagée par la Constitution, le Gouvernement a éprouvé de la peine à demander ces crédits. Il est donc impérieux d’intégrer désormais ce précédent à l’article 126 de la Constitution afin de garantir la continuité des services publics.
4. Article 149 : En l’état actuel des dispositions constitutionnelles relatives à l’organisation judiciaire de la RDC, on est tenté de conclure que le Parquet est indépendant du Ministre de la Justice dont il est pourtant le bras séculier en matière de répression des infractions aux lois de la République. Il est indispensable de clarifier les rapports entre l’organe de la loi et le Gouvernement en revenant à la normalité. La proposition de révision réaffirme à cet effet la règle classique selon laquelle le Parquet exerce son ministère sous l’autorité du Ministre de la Justice.
5. Articles 197 et 198 : Le fonctionnement des institutions provinciales a été laborieux dans la majorité des provinces au cours de la première législature de la IIIème République. Plusieurs crises dans la quasi-totalité des provinces mettent en cause l’efficacité du système de gestion et de règlement des conflits internes aux provinces fondé essentiellement sur la voie judiciaire.
A ce sujet, il sied de rappeler que la Constitution dispose en son article 1 que «la République Démocratique du Congo est uni et indivisible ». Le pays ne peut donc pas marcher à plusieurs vitesses.
Par ailleurs, aux termes de l’article 69 de la même Constitution, le Président de la République « assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat ». Le blocage récurrent des institutions provinciales interpelle, par conséquent, au premier chef le Président de la République.
Aussi, l’intérêt supérieur de la Nation et le prescrit des deux dispositions constitutionnelles invoquées ci-dessus commandent et justifient-ils qu’en cas de crise politique grave menaçant le fonctionnement régulier des institutions provinciales, le Président de la République use de son arbitrage pour débloquer la situation et assurer la continuité de l’Etat. Pour ce faire, il peut, selon le cas, dissoudre l’Assemblée provinciale ou mettre fin aux fonctions du Gouverneur de la province concernée.
Toutefois, en vue d’asseoir la décision du Chef de l’Etat sur un large consensus institutionnel et compte tenu des compétences de chaque institution politique au niveau national, il y associe le Gouvernement réuni en Conseil des ministres et la représentation nationale qui est consultée à travers les Bureaux de deux Chambres législatives. Notons enfin que cette prérogative, conjuguée avec l’article 69, alinéa 3 de la Constitution, ne réduit en rien les prérogatives des provinces.
6. Article 218 : Le Constituant originaire n’a pas déterminé l’autorité compétente pour convoquer le Peuple en référendum. Afin de suppléer à cette lacune, la présente révision suggère de conférer cette prérogative au Chef de l’Etat. En effet, le droit constitutionnel congolais et le droit comparé renseignent que le Président de la République, la plus haute autorité de l’Etat et le représentant constitutionnel de la nation, est le seul habilité à convoquer le Peuple au référendum.
7. Article 226 : Afin de donner à l’installation de nouvelles provinces créées par l’article 2 de la Constitution et au processus d’autonomisation des provinces en cours dans notre pays, toutes les chances de réussite, il convient d’y procéder avec rationalité, réalisme, flexibilité et beaucoup de sens de responsabilité. C’est pourquoi, il est proposé de déconstitutionnaliser la programmation de cette installation et de la laisser aux bons soins du législateur.
Ainsi, sans toucher au prescrit de l’article 2 de la Constitution ni à l’étendue des compétences reconnues aux provinces, une loi de programmation déterminera les modalités pratiques d’installation des nouvelles provinces. Il sera possible, dans ces conditions, de décider chaque fois de l’installation d’une ou de plusieurs nouvelles provinces au regard des moyens disponibles et après évaluation régulière du processus. Telle est la quintessence de la présente loi portant révision de la Constitution du 18 février 2006. LOI
L’Assemblée Nationale et le Sénat, réunis en Congrès, ont adopté, Le Président de la République promulgue la Loi dont La teneur suit:
Article 1er : L’article 71 de la Constitution est modifié et se lit désormais comme suit : Article 71 : Le Président de la République est élu à la majorité simple des suffrages exprimés.
Article 2 : L’article 110 de la Constitution est modifié et se lit désormais comme suit: Article 110 : Le mandat de député national ou de sénateur prend fin par : 1. expiration de la législature 2. décès 3. démission; 4. empêchement définitif; 5. incapacité permanente; 6. absence non justifiée et non autorisée à plus d’un quart des séances d’une session ; 7. exclusion prévue par la loi électorale ; 8. condamnation irrévocable à une peine de servitude pénale principale pour infraction intentionnelle 9. acceptation d’une fonction incompatible avec le mandat de député ou de sénateur.
Toutefois, lorsqu’un Député National ou un Sénateur est nommé à une fonction politique incompatible avec l’exercice de son mandat parlementaire, celui-ci est suspendu. Dans ce cas, il est remplacé pendant toute la durée de l’exercice de la fonction politique à laquelle il a été nommé par le suppléant préséant. Il reprend de plein droit son mandat parlementaire après la cessation de cette fonction politique sauf cas de poursuites ou de condamnations judiciaires. Toute cause d’inéligibilité, à la date des élections, constatée ultérieurement par l’autorité judiciaire compétente entraîne la perte du mandat de député ou de sénateur. Le député national, le sénateur ou le suppléant qui quitte délibérément son parti politique durant la législature est réputé avoir renoncé à son mandat parlementaire ou à la suppléance obtenus dans le cadre dudit parti politique. Dans les cas énumérés ci-dessus, le député national ou le sénateur est remplacé par le premier suppléant, ou à défaut, par le second suppléant. En cas de carence de suppléant, une élection partielle est organisée dans la circonscription électorale concernée.
Article 3 : L’article 126 de la Constitution est modifié et se lit désormais comme suit :
Article 126 Les Lois de finances déterminent les ressources et les charges de l’Etat. L’Assemblée nationale et le Sénat votent les projets de lois de finances dans les conditions prévues par la loi organique visée à l’article 124 de la Constitution.
Le projet de loi de finances de l’année, qui comprend notamment le budget, est déposé par le Gouvernement au Bureau de l’Assemblée Nationale au plus tard le quinze septembre de chaque année.
Les créations et transformations d’emplois publics ne peuvent être opérées hors les prévisions des lois de finances.
Si le projet de loi de finances, déposé dans les délais constitutionnels, n’est pas voté avant l’ouverture du nouvel exercice, il est mis en vigueur par le Président de la République, sur proposition du Gouvernement délibérée en Conseil des ministres, compte tenu des amendements votés par chacune des deux chambres.
Si le projet de loi de finances n’a pas été déposé en temps utile pour être promulgué avant le début de l’exercice, le Gouvernement demande à. l’Assemblée nationale et au Sénat l’ouverture de crédits provisoires. Si quinze jours avant la fin de la session budgétaire, 1e Gouvernement n’a pas déposé son projet de budget, il est réputé démissionnaire.
Dans le cas où l’Assemblée nationale et le Sénat ne se prononcent pas dans les quinze jours sur l’ouverture des crédits provisoires, les dispositions du projet prévoyant ces crédits sont mises en vigueur par le Président de la République sur proposition du Gouvernement délibérée en Conseil des ministres.
Si compte tenu de la procédure ci-dessus prévue, la loi de finances de l’année n’a pu être mise en vigueur du premier jour du mois de février de l’exercice budgétaire, le Président de la République, sur proposition du Gouvernement, délibérée en Conseil des ministres, met en exécution le projet’ de loi de finances, compte tenu des amendements votés par chacune des deux Chambres.
Si le projet de loi des finances voté en temps utile par le parlement et transmis pour promulgation avant l’ouverture du nouvel exercice budgétaire, fait l’objet d’un renvoi au parlement par le Président de la République, conformément à l’article 137 de la présente Constitution, le Gouvernement demande à l’Assemblée Nationale et au Sénat, l’ouverture des crédits provisoires.
Article 4 : L’article 149 de la Constitution est modifié et se lit désormais comme suit :
Article 149 : La Cour de cessation, la Cour constitutionnelle, la Haute Cour militaire, les cours et tribunaux civils et militaires sont indépendants du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. La justice est rendue sur l’ensemble du territoire national au nom du peuple.
Les arrêts et les jugements ainsi que les ordonnances des Cours et tribunaux sont exécutés au nom du Président de la République. Il ne peut être créé des tribunaux extraordinaires ou d’exception sous quelque dénomination que ce soit.
La loi peut créer des juridictions spécialisées.
Les magistrats du parquet exercent leur ministère sous l’autorité du Ministre ayant la justice dans ses attributions.
Article 5 : L’article 197 de la Constitution est modifie et se lit désormais comme suit:
Article 197 : L’Assemblée provinciale est l’organe délibérant de la province. Elle délibère dans le domaine des compétences réservées à la province et contrôle le Gouvernement provincial ainsi que les services publics provinciaux et locaux. Elle légifère par voie d’édit.
Ses membres sont appelés députés provinciaux. Ils sont élus au suffrage universel direct et secret ou cooptés pour un mandat de cinq ans renouvelable.
Le nombre de députés provinciaux cooptés ne peut dépasser le dixième des membres qui composent l’Assemblée provinciale. Sans préjudice des autres dispositions de la présente Constitution, les dispositions des articles 100, 101, 102, 103, 107,108, 109 et 110 sont applicables, mutatis mutandis, aux Assemblées provinciales et à leurs membres.
Lorsque des circonstances politiques graves menacent d’interrompre le fonctionnement régulier des institutions provinciales, le Président de la République peut, par une ordonnance délibérée en Conseil des ministres et après avis des bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat, dissoudre une Assemblée provinciale. Dans ce cas, la Commission électorale nationale indépendante organisé les élections provinciales dans un délai de soixante jours à compter de la dissolution.
Article 6 : L’article 198 de la Constitution est modifié et se lit désormais comme suit:
Article 198: Le Gouvernement provincial est composé d’un Gouverneur, d’un Vice-gouverneur et des ministres provinciaux.
Le Gouverneur et le Vice-gouverneur sont élus pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois par les députés provinciaux au sein ou en dehors de l’Assemblée provinciale. Ils son investis par ordonnance du Président de la République. Les ministres provinciaux sont désignés par le Gouverneur au sein ou en dehors de l’Assemblée provinciale.
La composition du Gouvernement provincial tient compte de la représentativité provinciale.
Le nombre de ministres provinciaux ne peut dépasser dix. Avant d’entrer en fonction, le Gouverneur présente à l’Assemblée provinciale le programme de son Gouvernement.
Lorsque ce programme est approuvé à la majorité absolue des membres qui composent l’Assemblée provinciale, celle-ci investit les ministres. Les membres du Gouvernement provincial peuvent être, collectivement ou individuellement, relevés de leurs fonctions par le vote d’une motion de censure ou de défiance de l’Assemblée provinciale.
Les dispositions des articles 146 et 147 de la présente Constitution s’appliquent, mutatis mutandis, aux membres du Gouvernement provincial.
Lorsque des circonstances politiques graves menacent d’interrompre le fonctionnement régulier des institutions provinciales, Le Président de la République peut, par ordonnance délibérée en Conseil des ministres et après avis des bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat, relever de ses fonctions le gouverneur d’une province.
Article 7 : L’article 218 de la Constitution est modifié et se lit comme suit : Article 218 : L’initiative de la révision constitutionnelle appartient concurremment : 1. au Président de la République; 2. au Gouvernement après délibération en Conseil des ministres; 3.. à chacune des Chambres du Parlement à l’initiative de la moitié de ses membres ; 4. à une fraction du peuple congolais, en l’occurrence 100.000 personnes s’exprimant par une pétition adressée à l’une des deux chambres.
Chacune de ces initiatives est soumise à l’Assemblée nationale et au Senat qui décident, à la majorité absolue de chaque chambre, du bien fondé du projet, de la proposition ou de la pétition de révision.
La révision n’est définitive que si le projet, la proposition ou la pétition est approuvée par référendum sur convocation du Président de la République. Toutefois, le projet ou la proposition n’est pas soumis au référendum si le Président de la République décide de le soumettre à l’Assemblée nationale et au Sénat réunis en Congrès; dans ce cas, le projet ou la proposition n’est approuvé que s’il réunit la majorité de trois cinquièmes des suffrages exprimés. Toute pétition de révision ayant obtenu l’aval de l’Assemblée nationale et du Sénat est présentée au référendum.
Article 8 : L’article 226 de la Constitution est modifié et se lit désormais comme suit:
Article 226 : Une loi de programmation détermine les modalités d’installation de nouvelles provinces conformément à l’article 2 de la présente Constitution. Fait à Kinshasa, le
Joseph KABILA