La Commission électorale nationale indépendante, CENI, vient de publier les derniers résultats des élections législatives. Ainsi, les 500 députés provisoires de la future Assemblée nationale sont connus. Certes, qu’il faudra attendre un tout petit peu, le temps pour la Cour suprême de justice de valider ces résultats après l’examen des contentieux électoraux. Exercice constitutionnel qui ne manquera pas de faire des victimes si jamais les irrégularités ont été commises dans le processus électoral.
Mais entre-temps, le paysage politique est connu et les rapports de force ne changeront pas. A moins que l’on assiste à une décision spectaculaire qui remettrait tout en cause. Or, cette éventualité, les uns soutenant l’annulation du scrutin, les autres le recomptage des voix, est peu probable dans la mesure où elle comporte plusieurs risques tant la RDC n’a ni moyens, ni capacités nécessaires de récupérer la situation. A la seule condition que les uns et les autres se fassent hara-kiri. D’ici là, l’espoir réside en la Cour suprême de justice invitée à examiner les recours avec plus de responsabilité et d’impartialité. Pendant ce temps, il appartient à la classe politique de faire aussi preuve de haute responsabilité politique et d’honnêteté intellectuelle pour ne pas basculer le pays dans le chaos pour le pouvoir, rien que le pouvoir. Soit.
DES REALITES POLITIQUES
Revenons alors à l’analyse des résultats provisoires des législatives, selon la version CENI. La première lecture impose que l’on reconnaisse certaines réalités politiques à travers lesquelles se justifie toute configuration politique. Allusion faite à ces formations politiques qui ont un ancrage social et animent le débat politique.
L’ancrage politique tourne autour des partis politiques suivants, lesquels accusent une assise populaire incontestable. Il s’agit de : -
Le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie, PPRD. Parti phare de la mouvance présidentielle, le PPRD s’est imposé sur la scène politique depuis les élections 2006. Ayant comme autorité morale le président Joseph Kabila, le PPRD demeure une réalité politique. -
Le Parti lumumbiste unifié, PALU. Son histoire est intimement liée au Parti social africain, PSA, du patriarche Antoine Gizenga, secrétaire général du PALU. Ancien partenaire de Patrice-Emery Lumumba, Gizenga a pris le flambeau du MNC-L sous la bannière de PALU. Après une longue traversée du désert sous le régime Mobutu, le PALU s’est imposé sur l’échiquier national avec l’élargissement du ciel politique congolais et s’est comporté en un partenaire valable de l’Alliance de la majorité présidentielle, AMP, pour gouverner pendant cinq ans. C'est-à-dire, de 2006 à 2011. -
L’Union pour la démocratie et le progrès social, UDPS, est l’incarnation même d’une vraie opposition. Dirigée par Etienne Tshisekedi, l’UDPS a vu le jour en 1982, et depuis lors, son étoile n’a jamais palie, bien que demeurant toujours dans le camp de l’opposition. Le score obtenu par l’UDPS suscite alors de nombreuses interrogations, car à en croire des observateurs avertis, il est loin de la réalité, insinuant ainsi que ce parti mériterait mieux. -
Le Mouvement social pour le renouveau, MSR, est la révélation politique depuis une décennie. Se distinguant par une politique pragmatique, le MSR passe pour le creuset idéologique de la mouvance présidentielle. -
Autre réalité politique, c’est le Mouvement de libération du Congo, MLC, de Jean-Pierre Bemba. Deuxième force politique en 2006, le MLC n’a pas été performant durant cette édition électorale à la suite des turpitudes de certains de ses hauts cadres un peu volages.
LES TROIS PILIERS DU SOCLE
Mais l’on ne peut parler des réalités politiques sans évoquer leurs substances idéologiques qui justifient même leur raison d’être. A vrai dire, c’est ici qu’apparaissent les premiers éléments qui auraient dû justifier l’existence naturelle de certaines plates-formes tant de la majorité présidentielle que de l’opposition.
Or, seules les formations qui incarnent les «forces de gauche», disons des «nationalistes» sont facilement identifiables. Il s’agit de PALU qui s’inspire des idées maîtresses de Patrice-Emery Lumumba.
L’on note également l’UDPS qui fait partie de la grande famille de l’Internationale socialiste. Sa dénomination ne prête à aucune ambiguïté pour autant que l’UDPS prône la démocratie et le progrès social. Voilà pourquoi son cri de campagne électorale a été «Le Peuple d’abord». Un slogan largement significatif et qui justifie même sa popularité.
Quant aux autres formations politiques, elles sont difficilement identifiables, idéologiquement. Leurs dénominations sont anachroniques qu’il est difficile de les classer dans un camp comme dans l’autre. Hormis l’Union des forces de changement, UFC, avec son libéralisme économique s’appuyant sur l’initiative privée comme moteur du progrès.
Le MSR a amené depuis 2006 une nouvelle impulsion pour un Congo nouveau. Ceci dit, le socle des institutions de la République, particulièrement l’Assemblée nationale et le gouvernement sera constitué de trois piliers suivants, à savoir le PPRD, le MSR et le PALU. Les trois forces politiques de la Majorité présidentielle qui imprimeront certainement une nouvelle dynamique au sein de l’Assemblée nationale.
LES RAISONS D’UN ECHEC
A interpréter ce cliché que projettent les résultats version CENI, il est clair que tous les partis ont perdu. Ni le PPRD, ni l’UDPS, n’ont réussi à obtenir la majorité absolue. Ils sont condamnés à composer avec les autres partis et la présence des éléments de l’Opposition au sein du gouvernement, par exemple, ne surprendrait personne. Bien plus aucun de ces partis ne peut, à lui seul, initier une motion de défiance en disposant de la signature d’un tiers des membres, c’est-à-dire, 125 signatures des députés. Le PPRD, le MSR et le PALU ont donc toutes les raisons de renforcer leur cohésion.
Au fait, le PPRD n’a pas réalisé un bon score nonobstant sa position dans la sphère du pouvoir. 62 sièges contre 111, c’est un recul.
Il en est de même de PALU qui a perdu quasiment la moitié de ses sièges de 2006. Sanctionné également pour sa gestion, comme le PPRD. Le social a été relégué au second plan au profit des infrastructures. Le PALU devient un véritable parti national avec des députés dans d’autres provinces que le Bandundu.
De son côté, le MLC paie cher l’absence de son leader charismatique, Jean-Pierre Bemba, détenu à La Haye (Pays-Bas). Quant au RCD/K-ML de Mbusa Nyamwisi, pour n’avoir pas su se faire identifier afin que l’on sache si ce parti est de la mouvance présidentielle ou de l’Opposition, il a réalisé un score peu enviable. Seul le MSR s’est montré constant. En ce qui concerne l’UNC de Kamerhe, pour un premier coup d’essai, il faut désormais compter avec ce parti lors du débat national. Par contre, la forte carrure de Kengo n’a pas permis aux forces du changement d’imposer une idéologie pourtant facilement prenable.
Il est vrai aussi que les graves irrégularités dénoncées ci et là sont, dans une grande mesure, les causes de cette maigre moisson. En plus de la mauvaise organisation au niveau de chaque parti. Nombreux sont ceux qui ont battu campagne en retard, attendant la manne du ciel pour renflouer leurs caisses. Et lorsqu’ils se sont rendus compte que cette manne tardait à venir, il était trop tard pour une bonne campagne électorale.
Au regard de ce qui précède, l’on note là l’émergence d’un nouveau paysage politique au sein de la MP avec comme pions majeurs le PPRD, le MSR et le PALU.
Tableau linéaire
1.- Mouvance présidentielle : 341 sièges
2.- Opposition : 119 sièges
3.- Indépendants : 40 sièges
4.- Partis politiques
- PPRD-PPPD-RRC-ECT-MIP-NAD : 130 sièges
- UDPS : 42 sièges
- MSR : 32 sièges
- MLC : 22 sièges
- PALU : 19 sièges
- UNC : 18 sièges
- AFDC : 17 sièges
- ARC : 16 sièges
- UFC : 4 sièges