Ainsi, l’article 220 pourrait rester en l’état, avec sa disposition interdisant à tout Congolais d’exercer plus de deux mandats présidentiels. D’où, le verrouillage constitutionnel tant clamé par les opposants à toute révision constitutionnelle n’aurait plus aucun effet sur Joseph Kabila, directement visé par la campagne « Touche pas à mon 220 ». Selon les architectes du projet d’élection du Président de la République par les « Grands Electeurs », le compteur devrait être remis à zéro, dès que pareille innovation serait adoptée, notamment par voie de référendum.
Dans cette hypothèse, tous les mandats exercés jusque-là par Joseph Kabila tomberaient caducs, même celui en cours, qui pourrait s’arrêter brutalement à la fin de cette année 2014. Il pourrait ainsi se porter candidat en 2015, pour un nouveau mandat dont la durée serait, cette fois-là, de 7 ans et non 5, comme prévu dans l’actuelle Constitution. La formule, indique-t-on, est déjà expérimentée avec succès dans certains pays du continent, dont l’Angola et l’Afrique du Sud. Afin de préserver une éventuelle succession en cours de mandat, un poste de Vice-président serait créé, selon le modèle sud-africain.
Attention à un passage en force
D’aucuns croient savoir que l’information médiatisée par RFI serait le fruit d’une fuite délibérément provoquée par la Majorité Présidentielle elle-même. La stratégie s’inscrirait dans la droite ligne de la recherche du feed-back que celui produirait au sein d’une opinion congolaise fortement mobilisée autour de l’épuisement, par Joseph Kabila, de ses mandats constitutionnels. Pendant qu’au sein de sa famille politique, certaines voix martèlent qu’il respectera la Constitution et rendrait le tablier à son successeur, selon les règles de l’art, l’on entend également certaines autres déclarer haut et fort que la révision constitutionnelle fait partie de us et coutumes démocratiques.
Tout en respectant le droit de la Majorité Présidentielle de réfléchir à haute voix autour du mandat présidentiel, les observateurs pensent que ce que celle-ci devrait éviter, c’est de se lancer dans des initiatives constitutionnelles ou juridiques de nature à provoquer de nouvelles frustrations au sein de la communauté nationale, comme c’était le cas en février 2006, avec la modification des règles du jeu démocratique en plein processus électoral. Même si les députés et sénateurs représentent le souverain primaire au sein du Parlement, il ne serait pas bon de laisser tout le temps l’impression que l’opinion des masses ne compte pas.
Pour le cas d’espèce, il est notoirement établi que l’article 220 de la Constitution est intouchable. Mais si les circonstances exigent qu’il soit absolument amendé, il serait plus juste d’en informer largement l’opinion nationale et de soumettre, le cas échéant, la question à un référendum constitutionnel réellement transparent.
Recensement : autre piège
Dans son message d’ouverture de la session parlementaire de mars, le président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo, a souhaité qu’un recensement général de la population congolaise soit fait avec de passer à l’exécution de la « feuille de route » de la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante). Certains analystes politiques, connaissant bien la lenteur administrative légendaire dont souffre la République Démocratique du Congo, redoutent que cette opération ne s’étende sur quatre à cinq ans, soit de 2015 à 2019 ou 2020. Le résultat serait, au finish, l’octroi d’un mandat supplémentaire gratuit à ceux qui siègent dans les institutions de la République.
Dans ce cas, la Majorité présidentielle n’aurait plus besoin ni de provoquer un changement de mode électoral du président de la République, ni un amendement de l’article 220. Ceux qui se sont toujours méfiés des propos et initiatives de Kengo le soupçonnent de vouloir offrir à la Majorité Présidentielle un raccourci qui ferait moins de dégâts dans l’opinion.