Les habitants de Boma, l'une des villes du Bas-Congo théâtre vendredi des sanglantes émeutes post-électorales ayant opposé les forces de l'ordre aux militants du mouvement politico-religieux Bundu dia Kongo (Bdk), n'ont répondu que partiellement à l'appel à la "matinée de deuil national" en hommage aux dizaines de victimes lancé ce week-end par Jean-Pierre Bemba, dirigeant du Mlc (Mouvement de libération du Congo) et allié du Bdk au sein de la coalition d'opposition Union pour la nation (Un).
"Les réactions ont été partagées" raconte une source digne de foi contactée par la MISNA dans la localité sud-occidentale, "les magasins du centre ville et certaines écoles sont restées fermées, d'autres habitants sont allés vaquer normalement à leurs occupations", suivant au contraire l'appel du gouverneur sortant de la province du Bas-Congo, Jacques Mbadu (indépendant proche de la coalition au pouvoir Alliance pour la majorité présidentielle, Amp). Ce dernier a tenu hier un point de presse, durant lequel il a estimé qu'une journée de deuil national pourrait être proclamée par le gouvernement une fois que les enquêtes sur les violences auraient abouti, selon des propos référés à la MISNA par une source journalistique locale. Concernant les événements, le gouverneur Mbadu a affirmé que les responsabilités étaient à partager entre le Bdk, qui a appelé à manifester sans en avoir informé les autorités et la police comme prévu par la loi, et les forces de l'ordre qui ont utilisé des armes à feu contre les manifestants sans y avoir été autorisées.
Ce week-end, Jean-Pierre Bemba (ancien chef rebelle, perdant au ballottage présidentiel contre Joseph Kabila mais récemment élu sénateur pour la ville-province de Kinshasa) a sévèrement condamné les violences au Bas-Congo, affirmant : "Personne ne peut comprendre que les autorités puissent faire un usage démesuré et peu conforme des forces de l'ordre pour anéantir dans le sang les populations qui sont au demeurant dans leur droit constitutionnel de protester par des manifestations pacifiques".
Selon des sources de la MISNA résidant au Bas-Congo, "ces déclarations sont à prendre avec des pincettes car il est évident que sortant de la bouche du leader de l'opposition, elles visent surtout à discréditer le pouvoir et le président Kabila, sans tenir compte que le Bdk est un mouvement qui fait ses revendications par la force et qui a déjà fait couler du sang dans le passé".
Le bilan officiel fourni par les autorités locales du Bas-Congo des affrontements entre militants du Bdk et forces de l'ordre (police appuyée par les Forces armées congolaises) est de 87 morts, dont une majorité de sympathisants du Bdk, répartis dans les localités de Matadi (chef-lieu), Nsongololo, Muanda et Boma. "Il est certainement plus lourd dans la réalité" dit encore la source de la MISNA depuis Boma, "d'autant plus que les médias radio-télévisés locaux ont reçu l'ordre de ne pas parler des événements dans leurs programmes. Il est donc encore très difficile d'obtenir et de s'échanger des informations dans la province".