KINSHASA, 29 mars 2007 (IRIN) - Les violents affrontements qui ont eu lieu récemment en République démocratique du Congo (RDC) étaient insensés et contraires à l'esprit de réconciliation et d'inclusivité, seule voie pour la stabilité dans ce pays, a fait savoir l'Union européenne.
Photo: Eddy Isango/IRIN Un manifestant près de la résidence en flammes de M. Bemba, lors d'un précédent accrochage avec la police
Au cours de la conférence de presse donnée mardi à Kinshasa, la capitale, les ambassadeurs des pays de l'Union européenne (UE) on fait part de leur indignation face à la violence qui a secoué la ville du 22 au 25 mars, et ont déploré les pertes en vies humaines, en particulier celles de civils.
« Il y a toujours dans le pays un esprit de guerre ; et c'est un esprit de guerre un peu comme le paludisme, », a affirmé Andy Sparkes, ambassadeur du Royaume Uni en RDC. « Nous avons pensé que nous l'avions guéri avec une forte dose de quinine grâce à des élections libres et transparentes, mais ce mal persiste ».
Des affrontements ont éclaté entre les forces armées de la RDC (FARDC) et des éléments de la garde personnelle de l'opposant Jean-Pierre Bemba lorsque les FARDC ont tenté de les désarmer.
Selon M. Ioannis Christofilis, ambassadeur de la Grèce auprès de la RDC, les attaques contre les missions étrangères sont une violation de la convention de Vienne en matière de relation diplomatiques. Quant à l'ambassadeur italien, Leonardo Baroncelli, il a affirmé que des hommes en uniforme ont fait irruption dans sa résidence le 23 mars et ont volé de nombreux objets.
« Il faut un nouvel esprit de réconciliation et nous voulons que les autorités s'engagent réellement à reconnaître le rôle légitime et important d'une opposition démocratique et l'importance de la liberté d'expression dans ce pays », a renchéri M. Sparkes. « Il faut condamner la violence pour assurer la poursuite du dialogue ».
Selon l'UE, ces violences ont fait plus 500 morts. Les autorités de la RDC ont par émis un mandat d'arrêt contre M. Bemba, réfugié pour l'instant à l'ambassade d'Afrique du Sud.
« Toutes les personnes responsables de l'insécurité seront poursuivies », a dit le président Joseph Kabila. « Le problème n'était pas politique, mais militaire. Nous devions agir vite, ce que nous avions fait ».
D'après le personnel médical, les hôpitaux étaient envahis par les nombreux blessés civils venus se faire soigner. Le docteur Katamba Mbewbe, chirurgien à l'hôpital principal de Kinshasa, a confirmé que beaucoup de blessés ont été admis dans son établissement.
Des centaines personnes ont également traversé le fleuve pour se réfugier au Congo Brazzaville voisin et tandis que dans la ville de Kinshasa, l'organisation Caritas distribuait des médicaments.
« Nous avons commencé à distribuer des médicaments samedi [24 mars] parce que les hôpitaux et les morgues étaient débordés, a expliqué Guy-Marin Kamandji, porte-parole de l'organisation, qui a précisé que près de 150 corps ont été déposés à l'hôpital.
« C'est pour cette raison que nous avons fourni du formol et des produits désinfectants. Pour les corps qui ont commencé à se décomposer, nous voulons arrêter la décomposition avant qu'ils ne soient enterrés ».
Le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) a également déploré la situation en RDC. « Il y avait des dizaines de cadavres abandonnés dans les rues, dont ceux de nombreux civils. Le spectacle était affligeant », a dit Max Hadorn, chef de la délégation du CICR à Kinshasa.
La ville de Kinshasa vivait dans la crainte de nouveaux affrontements entre la garde de M. Bemba et les forces de sécurité, depuis que ce dernier avait contesté les résultats du deuxième tour de l'élection présidentielle du 29 octobre 2006 qui le donnaient perdant, avec 41.95 pour cent des suffrages, contre 58,05 pour cent pour M. Kabila, le président élu.
Début mars, la tension était montée d'un cran après le refus de M. Bemba de désarmer et de remplacer sa garde personnelle par des éléments de la police nationale.
Les élections d'octobre 2006, les premières organisées dans le pays depuis près de 40 ans, étaient censées ramener la paix dans ce pays ravagé par la guerre et encourager le retour des quelque 1,2 million de déplacés congolais et 410 000 réfugiés vivant dans les Etats voisins.
De New York, le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, a appelé le gouvernement et l'opposition « à respecter leurs engagements à défendre la démocratie » afin d'assurer une transition vers la paix.
« J'exhorte vivement les responsables politiques de la République démocratique du Congo à respecter les principes de transparence, d'inclusivité et de tolérance vis à vis de l'opposition », a déclaré M. Ban Ki-moon dans un rapport en faveur de l'extension du mandat de la Mission des Nations Unies en RDC (MONUC) jusqu'au 31 décembre 2007.
La MONUC, qui dispose dans le pays d'un contingent de militaires et de policiers composé de près de 18 000 hommes, a fourni des vivres, de l'eau et des médicaments aux quelque 1 300 personnes prises au piège dans les combats de la semaine dernière. Elle a par ailleurs procédé à l'évacuation d'un millier de personnes, dont l'ambassadeur du Nigeria qui a été blessé à la jambe.
« En même temps, les partis d'opposition doivent respecter les mêmes normes démocratiques, en exprimant leurs vues de manière responsable et sans recourir à la violence », a rappelé M. Ban. « Le non-respect des principes démocratiques compromettrait gravement la crédibilité et la légitimité des dirigeants et des institutions politiques du pays » a-t-il conclu.