Les velléités tendant à revisiter la Constitution ont refait surface en cette veille de la rentrée parlementaire. Les révisionnistes visent des dispositions constitutionnelles, dites d’application difficile. A une année de la fin de la présente législature, cette démarche se révèle inopportune, car ses contours cacheraient bien des calculs électoralistes non avoués.
Que l’initiative de réviser coûte que coûte la Constitution revienne sur le tapis en ce moment précis ne saurait être interprétée autrement que comme un acharnement absurde sur un texte fondamental que tous avaient salué frénétiquement en son temps.
Décriée autrefois, la commission ad hoc mise en place pour statuer sur la question est revenue en force. Se montrant plus que déterminée.
Si naguère, les membres de cette structure s’étaient défendus en alléguant qu’on ne pouvait pas les priver du droit de réfléchir sur l’éventualité d’une révision de certaines dispositions constitutionnelles, aujourd’hui, ils veulent aller jusqu’au bout. Et à visages découverts très prochainement. Raison pour laquelle ils ont récemment organisé une fuite d’informations sur leurs travaux afin d’annoncer les couleurs.
Ils ont pris pour prétexte ce qu’ils appellent « dispositions constitutionnelles d’application difficile ». A lire le ballon d’essai qu’ils ont lâché dans l’opinion, une « vingtaine » d’articles de la Constitution, rapporte Radio Okapi sur son site Internet, seraient concernés par leur démarche. Naturellement, ils ont pris la précaution de ne pas les citer afin d’entretenir le suspense. Bien plus, une pétition serait en circulation dans le but de collecter les 250 signatures requises pour inscrire ce point à l’ordre du jour de la prochaine session parlementaire.
Après recoupement, des confidences parvenues à notre rédaction indiquent que l’idée de réviser la Constitution serait sous-tendue par un reproche que se ferait la classe politique au pouvoir. Il s’agit de récurrentes violations de la Constitution qui ont émaillé la législature en cours. Et que l’évolution de la situation aidant, les hommes au pouvoir tenteraient de se rattraper en évoquant la possibilité de se conformer à la réalité.
Une prise de conscience faite sur le tard en prenant pour prétexte des soi-disant articles à problèmes ou en déphasage avec la réalité vécue sur le terrain. Ils ne pouvaient pas aller chercher loin pour mettre en marche la machine de la révision constitutionnelle dont les tentatives sont apparues dès l’installation des institutions issues des élections.
LE FLOU S’INSTALLE
Ce qu’ils tentent de faire aujourd’hui est qualifié par d’aucuns comme un coup de grâce qu’ils veulent administrer à la loi des lois. Cela s’appelle autrement franchir le Rubicon. Car de la révision de 20 articles à celle de toutes les dispositions constitutionnelles, le pas est vite franchi.
La publication du calendrier électoral par la Commission électorale indépendante a rajouté à la dose de nervosité existante. L’article 73 fixe l’organisation du scrutin présidentiel «quatre-vingt-dix jours avant la fin du mandat du président en exercice». La date du 27 novembre 2011 prévue pour l’organisation du premier tour de la présidentielle n’est séparée que de neuf jours de l’expiration du mandat du président en exercice. De l’eau au moulin de l’Opposition qui se délecte régulièrement de constater que la Majorité se montre incapable d’appliquer nombre de dispositions constitutionnelles.
Une autre analyse révèle qu’à l’approche des échéances de 2011, la Majorité ne voudrait pas se livrer en victime expiatoire lors de la prochaine campagne électorale. Les armes sont donc affutées pour anticiper des débats à ce stade. Objectif : faire prendre conscience à tous que les violations qui leur sont imputées relèveraient des cas de force majeure et non de leur bon vouloir. Et que, placée dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, l’Opposition actuelle n’aurait pu les éviter. Ce faisant, la Majorité affaiblirait les arguments de ses adversaires pendant la campagne électorale.
MOBILE NON AVERE
D’où, la question de l’opportunité de la révision de la Constitution quatre années seulement après sa mise en exécution. Par ailleurs, faudrait-il entamer la démarche à quelques mois seulement de la fin de la présente législature ? Ces interrogations couvrent un spectre au-delà des considérations de positionnement pour atteindre les fondements de la République et de la démocratie en RDC.
D’ores et déjà, les débats sur la question au Parlement promettent d’être houleux. Avec à la clé la tension qui pourrait monter dans l’opinion sur les suspicions éventuelles de tricherie. Viciant ainsi l’atmosphère à la veille de prochaines échéances électorales.
Rien ne justifierait cette propension à tout changer alors que la Constitution, votée par voie référendaire, peine à s’affirmer comme loi fondamentale de la RDC. De ce point de vue, les exemples sont légion. Le retard dans la mise en œuvre de la décentralisation, les controverses autour du calendrier électoral de la CEI en témoignent en maints égards.
Il convient de soumettre la Constitution à l’épreuve du temps, souhaitent beaucoup d’observateurs. Dans ce contexte, la démarche visant sa révision est inopportune.